Pour développer son projet de fast-food social au sein de l’ancien Mc Do Sainte-Marthe, l’Après M propose à 50 000 personnes d’adhérer pour 25 euros à la société citoyenne immobilière « La part du peuple », pour racheter collectivement le terrain et les murs et assurer le début de l’activité. Lancement le samedi 15 mai.
L’histoire de l’Après M continue de s’écrire dans les quartiers Nord. Les premières pages se sont remplies de solidarité à l’heure du premier confinement. Nous sommes en mars 2020. Conjuguée à la crise sanitaire, la crise sociale frappe les familles les plus précaires. À l’origine, une poignée de bénévoles décident alors de réquisitionner l’ancien Mc Donald’s Saint-Barthélémy, fermé depuis fin 2019. Transformé en base logistique, l’établissement devient rapidement le centre névralgique de la redistribution alimentaire dans les quartiers Nord et même au-delà.
Toute une organisation est mise en œuvre pour venir en aide aux plus démunis, à laquelle participent de nombreuses associations marseillaises. Le site tourne à plein régime lors du deuxième confinement. Peu à peu, alors que le nombre de demandes de personnes en difficulté est croissant, un projet se dessine : la reconversion du Mc Do en restaurant social et solidaire.
Pour mener à bien cette initiative, une Société coopérative d’intérêt commun (Scic) voit le jour ainsi qu’une association de préconfiguration, baptisée Après. Pour marquer leur volonté de concrétiser leur projet, en décembre 2020, les bénévoles repeignent le Mc Do et le rebaptisent. C’est la naissance du fast food solidaire de l’Après M. Un acte symbolique car, dans les faits, l’établissement est toujours propriété de l’enseigne américaine.
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« Ceux qui veulent donner plus le peuvent »
C’est donc une nouvelle étape qu’entendent franchir les porteurs de projets, en constituant une Société citoyenne immobilière (SCI) pour en faire l’acquisition. Sous le nom de « La part du peuple », l’idée est de permettre à 50 000 personnes, moyennant une cotisation unique de 25 euros, de participer à cette aventure. « Ceux qui veulent donner plus le peuvent. Nous pourrons ainsi créer des cotisations suspendues. C’est-à-dire qu’ils donnent pour ceux qui ne peuvent pas payer, explique Fathi Bouaroua, ancien directeur régional de la Fondation Abbé-Pierre et président de l’Après M. C’est comme si je payais un café à 2 euros et que je donnais 4, les 2 euros supplémentaires servant à payer le café à une autre personne ».
À partir du 15 mai, avec 25 euros, « ceux qui veulent prendre part à ce rêve pour qu’il devienne réalité », pourront se rendent directement à l’Après M pour récupérer leur carte d’adhérent ou aller sur les réseaux sociaux pour souscrire en ligne. Une fois les 50 000 adhésions atteintes, les souscriptions seront stoppées et « les biens resteront dans la SCI. Ils ne seront pas reversés à la coopérative. Tout est fait pour que le bien reste collectif et ne soit pas dévoyé », précise Fathi Bouaroua. Il ajoute qu’un commissaire aux comptes a été nommé lors de l’assemblée générale constitutive fin avril, pour s’assurer « du contrôle, de la probité et de notre éthique ».
Plus d’un million d’euros pour concrétiser le projet
Les plus d’un million d’euros serviront au rachat du terrain et des murs, mais aussi pour réhabiliter et équiper le site puis assurer un fonds de roulement pour démarrer l’activité. Celui-ci est évalué à 250 000 euros. « Avec ça, la machine peut démarrer tout de suite, avec 37 salariés, c’est-à-dire avec la moitié du nombre de salariés optimum que McDo faisait travailler là dans les bons moments, puisqu’il y avait 77 salariés », poursuit Fathi Bouaroua.
« Nous voulions d’abord, sur le plan matériel, ne dépendre que de nous-mêmes. C’est pourquoi, plutôt que de faire appel à des subventions ou des mécènes, c’est d’abord un appel au peuple. C’est la raison pour laquelle notre société citoyenne immobilière se nomme « La Part du peuple ». Au-delà de notre capital sympathie, on a besoin de mobiliser tous ceux qui veulent que ces locaux reviennent aux habitants du quartier et surtout pour des projets d’intérêt collectif permettant de récréer les emplois qui ont été dynamités ».
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Des circuits-courts aux expérimentations culinaires par quartier avec des chefs étoilés
À cela s’ajoute l’achat des produits locaux, car l’équipe mise sur le circuit-court et le bio. « On ne fera pas partie d’une centrale d’achat. Nous allons travailler avec les fournisseurs locaux, avec ceux qui nous ont aidés, la Confédération paysanne, les commerçants qui nous livrent encore tous les jours de la nourriture pour la distribution… Nous avons un réseau extraordinaire qui fera partie de l’aventure ».
Une collaboration a déjà débuté avec des chefs étoilés, principalement Sébastien Richard, co-fondateur du restaurant solidaire qui va naître rue de la République, pour créer des laboratoires d’expérimentations culinaires, par quartier, avec toutes les associations participantes au projet. « L’idée est de voir comment on transforme des repas ou des menus familiaux habituels et traditionnels en plats qui pourraient être diffusés plus largement en restauration rapide. Il pourra y avoir peut-être le burger de la cité Font Vert, celui des locataires de la cité de la Castellane… »
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Quel rôle peut jouer la Ville de Marseille ?
Même si la somme était atteinte, Mc Do France ne souhaite pas vendre aux porteurs de projet. Ces derniers souhaitent donc que la Ville, qui a entamé de discussions avec l’enseigne depuis quelques mois, puisse racheter l’établissement évalué à 650 000 euros « à condition qu’elle ne se mette pas en difficultés économiques ou politiques », précise Fathi Bouaroua. « Et derrière, nous ferons en sorte d’être en capacité de le racheter. Nous avons fait des études de faisabilité. Il faudrait être vraiment nuls pour que ça ne marche pas » poursuit, optimiste, le président, appuyant sur le fait que le projet a été pensé sur les plans juridique, économique et social « collectivement. Il porte des valeurs qui vont au-delà de ce qu’on peut habituellement voir dans les projets d’économie sociale et solidaire, parce qu’il est porté par un quartier, par une volonté de mettre du social au cœur de l’économique ».
À ce stade, la Ville de Marseille, qui entend conserver un rôle de neutralité et de médiation entre les porteurs de projet et l’enseigne, n’a pas souhaité faire de commentaires.
> La part du peuple ici