Des partis de gauches et écologistes, avec des citoyens non encartés, se sont réunis sous une bannière commune pour le premier tour des élections départementales dans les Bouches-du-Rhône. Une coalition qui laisse pourtant d’autres alliés sur le bord de la route, faisant naître les premières fractures au sein du Printemps marseillais. Explication.
C’est sous une bannière commune que des partis politiques de gauche (PS, PC, Génération.s, la Gauche républicaine et socialiste, les radicaux de gauche…), les écologistes et des citoyens non encartés se sont réunis pour tenter de reprendre la barre du bateau bleu, ancré à droite, lors des élections départementales des 20 et 27 juin.
L’exemple du Printemps marseillais qui a conquis la Mairie en juillet dernier a nourri l’idée de ce rassemblement, pour poursuivre la dynamique impulsée lors des dernières élections municipales. « Il y a toujours eu une opposition entre les élus et les citoyens, entre Marseille et le reste du département. La victoire du Printemps marseillais a montré qu’il était possible de construire ensemble un avenir basé sur l’enrichissement mutuel », souligne le socialiste Clément Acar, candidat dans le canton de Salon-de-Provence 1.
À quelques heures de la date limite du dépôt des listes, hier, c’est à l’Entre 2 Murs, un espace situé rue Saint-Pierre (5e), que les représentants des différents partenaires de cette liste d’union ont présenté leur vision et quelques-unes de leurs priorités. « C’est un équilibre entre les forces politiques et des citoyens. C’est de ça dont les gens ont envie aujourd’hui. Nous avons besoin de rentrer de plain-pied dans le XXIe siècle pour proposer un nouveau modèle de société innovant, social, écologique et démocratique », avance Carmen Avila, de Génération.s, candidate à Vitrolles, en binôme avec le PS, Loïc Gachon.
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Le social au coeur du projet
Avec un budget de près de 3 milliards d’euros, le Département détient les compétences en matière d’action sociale, la voirie, l’éducation, l’aide au développement économique, les gestions des musées et des espaces naturels. Les candidats mettent le volet social au coeur de leur projet « écologiste et solidaire », ajoute Nathalie Morand (EELV). « On sera intransigeant » sur la question « des seniors, des jeunes et des plus précaires », annonce Christian Pellicani, élu PCF dans le 1-7, qui se présente dans le 12e canton de Marseille. Pour « redonner la place à la jeunesse », touchée de plein fouet par la crise sanitaire, est envisagée l’expérimentation d’un revenu minimum pour les 18-25 ans, « pour leur permettre de vivre dignement ».
Les contours – dont le chiffrage – de ce dispositif qui ressemblerait à un RSA ne sont pas définis. Parmi les orientations, arriver à la neutralité carbone en 2040, créer une économie résiliente et raisonnée, reposant sur les circuits-courts, les Amap, l’agriculture bio… Soutenir la culture, en créant des lieux de mixité et de rencontres intergénérationnelles… ainsi que la mise en oeuvre d’idées de la convention pour le climat. « L’écologie sans solidarité, c’est du greenwashing », lâche l’écologiste Nathalie Morand.
Face à une gestion qu’ils jugent opaque et anti-démocratique, les prétendants au Département ne peuvent « se satisfaire de ce qui a été fait ». À titre d’exemple, les interventions des collèges « très inégalitaires », avancent-ils. Alors que Martine Vassal a toujours défendu une équité de territoire, dans le cadre de l’aide aux communes, Christian Pellicani, n’a pas la même vision. « Il faut sortir de cette logique de guichet vers une politique de projet », dit-il, annonçant qu’ils lanceront un audit s’ils arrivent aux affaires au mois de juin.
« La question de la présidence viendra le moment venu »
L’autre enjeu est de se présenter comme une alternative crédible au vote des extrêmes et à l’abstention. Un point sur lequel insiste particulièrement Sophie Guérard du Printemps marseillais. L’adjointe au maire de Marseille, en charge de la place de l’enfant dans la ville, rappelle que, si « cette élection n’est pas parlante, elle est importante ». En ligne de mire aussi, dépersonnaliser une présidence trop incarnée à leur goût.
Stratégie ou absence de personnalité au leadership incontestable ? Ce « rassemblement de sensibilités et de partis divers » n’a désigné aucun candidat à la présidence. « Le but n’est pas d’avoir un leader. Un phare s’éteint parfois, admet Christian Pellicani. Il n’y a pas de stratégie cachée, de velléités, de désaccords, c’est juste que le moment n’est pas encore venu, ce n’est pas la dynamique que nous voulons lancer. La question de la présidence viendra le moment venu. On verra en fonction de ce qui se passera dans les urnes ».
Éviter de faire revivre aux électeurs le scénario marseillais de décembre dernier ? La démission de Michèle Rubirola, six mois après son élection dans le fauteuil de maire n’est pas à l’origine de cette absence de chef de file. « Le Printemps marseillais est toujours aux affaires, donc le projet est toujours mis en oeuvre, justifie l’élu PCF du 1-7. C’est pour nous ce qui contribue à faire de la politique autrement ». « Nous n’avons pas la culture de la femme ou de l’homme providentiel », ajoute Clément Acar, évacuant le fait que cette situation n’est pas de nature à troubler les électeurs. « Nous ne voulons pas mettre en avant des stars, comme le fait Martine Vassal, mais proposer un projet alternatif auquel seront sensibles les citoyens », appuie Nathalie Morand.
Michèle Rubirola apparaissait pourtant comme la « femme providentielle » lors de la campagne des municipales. La conseillère départementale sortante, qui souhaitait renouveler l’aventure pour s’occuper des questions de santé, ne figure finalement pas sur la liste. L’annonce de sa candidature aux Départementales, alors qu’elle avait quitté sa fonction de maire pour des questions de santé, avait suscité quelques crispations. Pourtant, « si Michèle Rubirola avait voulu se présenter, tout le monde aurait accepté », expose Nathalie Morand.
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Les discours de transparence à l’épreuve
Pour Nassera Benmaria, la désignation de la présidence au troisième tour des Départementales résulte d’un manque de démocratie locale interne, une absence de débat qui aurait permis de faire consensus, « car il y a toujours une personne qui sort du lot dans cette phase de concertation. On a loupé cette étape » se désole-t-elle.
L’adjointe à la Mairie de Marseille a fait acte de candidature pour faire partie de cette liste d’union. Fidèle aux valeurs de la gauche, militante engagée de longue date, elle s’étonne des méthodes utilisées pour constituer cette coalition. « On a des process dans la vie politique, démocratique, avec l’appel à candidatures. Ça s’est arrêté là », déplore l’élue socialiste.
Elle qui connaît pourtant « bien la culture du compromis pour atteindre un objectif commun », regrette ne pas avoir pu défendre sa candidature. « On ne peut pas être dans un discours de transparence et se retrouver face aux pires des travers des partis politiques. À aucun moment nous n’avons eu d’espace de travail, de débat. On s’est engagé à avoir plus de transparence avec le Printemps marseillais pour sortir de cette logique, un an plus tard nous y sommes en plein dedans. Moi je n’ai pas bougé sur mes principes ».
Malgré la menace d’une sanction de la part de la majorité municipale marseillaise, Nassera Benmarnia a décidé de déposer sa liste « Écologique et sociale pour une gauche unie » dans le 2e canton, non pas contre la coalition, mais « pour porter les idées de la gauche et ses combats contre la droite et l’extrême droite ». À ses côtés, Stéphane Coppey (EELV) Dominique Claraz (Nouvelle Donne) et Fouad Douafia (citoyen engagé, membre de la section du PS).
La France insoumise évincée
« Les listes ne sont pas extensibles, ce sont des binômes », se défendent les candidats de l’union, jugeant légitimes les déceptions. « Chacun est libre de faire ce qu’il veut et prend ses responsabilités », souligne Christian Pellicani, estimant que ce n’est pas un motif de rupture dans le travail mené au sein de la majorité municipale. « Historiquement, on a réduit les problèmes aujourd’hui en rassemblant comme on l’a fait. Il y a moins de mise en concurrence. J’ai été à plusieurs reprises candidat et j’avais en face de moi d’autres couleurs politiques dans la même majorité locale ou départementale, ça n’a jamais fait obstacle ».
Si cette union a germé après la victoire du Printemps marseillais, « ce n’est pas le Printemps marseillais que nous sommes en train de refaire, souligne Nathalie Morand. C’est une autre dimension, car nous sommes rassemblés avec EELV dès le premier tour ». Mais cette fois, sans la France insoumise, évincée du périmètre régional, et donc départemental.
Elle dément la présence de suppléants insoumis dans cette liste d’union et continue dans « Il est temps » à travailler au rassemblement des forces de gauche et des citoyens. « En responsabilité », la France insoumise sera présente aux élections départementales, « en cohérence avec cette stratégie », avec des listes France insoumise / Fédération populaire et d’autres formations de Gauche.
10 minutes chrono
Pour Mad Mars les conditions de l’union ne sont « vraiment, mais alors vraiment pas réunies pour que nous puissions participer aux élections départementales et régionales ».
À l’origine de cette décision, une rencontre éclair avec la responsable nationale d’EELV. 10 minutes chrono pour s’entendre dire « qu’elle ne connaissait pas Mad Mars, qu’elle ne négociait pas avec les collectifs et que son mandat était de réaliser un accord technique entre partis ». Ou quand les mécaniques nationales prennent le dessus.
C’est ce que regrette Olivia Fortin, présidente de Mad Mars. « C’est une élection à une autre échelle. Bien sûr que les partis politiques sont nécessaires, je ne renie pas le fait que les partis fassent leur travail, mais en tant que Mad Mars, cet axe ne nous convient pas », explique l’adjointe, cheville ouvrière du Printemps marseillais. « L’union ne peut se bâtir sur des exclusions et des décisions unilatérales. L’union ne peut se faire à la faveur de négociations d’appareils. Nous pensions que ces logiques comptables étaient dépassées. Mad Mars reste persuadé que seule l’alliance entre les partis politiques et les mouvements citoyens est de nature à oxygéner la politique ».
Toutefois, conscient de l’importance de l’enjeu des élections départementales et régionales, « et notamment de la menace du RN, Mad Mars appelle à voter pour les listes progressistes qui seront présentées ».