Suite à l’accord conclu dans la Région Sud avec La République en marche, Renaud Muselier (LR) échappe à l’exclusion de son parti politique, qui tente de jouer l’apaisement. Après trois jours de tempête, le président sortant avait rendez-vous ce matin au siège du parti pour une grande explication, et affirme qu’il n’y aura « pas d’accord avec En marche ». Une situation qui malgré tout profite à la gauche unie et au Rassemblement national.
Le « oui » de Jean Castex à Renaud Muselier, dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, a créé un véritable séisme politique. Le retrait de la liste du parti présidentiel menée par la secrétaire d’État aux personnes handicapées, Sophie Cluzel, en faveur du président LR sortant, a des répercussions nationales délétères pour Les Républicains.
« Un dépassement politique », qui passe mal alors que depuis 2017, la droite en reconstruction tente de s’opposer au président de la République. La sanction n’a pas tardé, le président des Républicains, Christian Jacob, annonçant dans la foulée le retrait de l’investiture LR.
Incompréhension, trahison, colère, menace d’exclusion des Républicains… Après trois jours de tempête, ce matin, Renaud Muselier avait rendez-vous au siège du parti rue Vaugirard à Paris, pour une grande explication à huis clos. Une clarification musclée entre les responsables politiques, mais aussi amis de longue date. Renaud Muselier, François Baroin, Christian Jacob… surnommés les « bébés Chirac », ont fait campagne pour l’ancien président en 1995. Cette relation amicale ajoute aux derniers événements une dimension personnelle, presque sentimentale.
L’exclusion des Républicains écartée
Pas de quoi retenir les coups lors de la réunion de plusieurs heures ce matin. François Baroin somme Renaud Muselier de ne pas être « celui qui va mettre une balle dans la tête de la droite », en forme de clin d’œil entre chasseurs. Ou encore, ce tacle de Christian Jacob : « Tu as des amis malfaisants ». Une référence à Christian Estrosi et Hubert Falco, dont les relations avec l’exécutif dérangent. Car les maires de Nice et de Toulon étaient à la manœuvre en coulisse, du côté des LR, avec le conseiller politique d’Emmanuel Macron, Thierry Solère, pour sceller l’accord dès le premier tour avec La République en marche, poussés par « le rêve d’entrer au gouvernement », s’agacent certains cadres du parti.
Alors que planait un certain nombre de sanctions, les cadres du parti ont décidé de ne pas exclure Renaud Muselier, évitant ainsi d’étaler un peu plus les divisions. Le président de la fédération LR des Bouches-du-Rhône a été « sensible à nos arguments », indique Christian Jacob. Avec la volonté de jouer l’apaisement, le patron des Républicains dit faire « confiance à Renaud Muselier pour remettre de la clarté ».
À ce stade, l’hypothèse envisagée un temps d’opposer à Renaud Muselier une autre liste LR ne semble pas non plus retenue. Outre les contraintes de temps, avec un dépôt des listes le 17 mai, cette deuxième candidature à droite, même en enregistrant un faible score, risquerait définitivement d’offrir les clés de l’Hôtel de Région au Rassemblement national, bien implanté dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Ou permettre à une liste de gauche unie de parvenir à se faufiler.
Les forces de gauche rassemblées
Les deux formations politiques profitent actuellement de la zizanie chez Les Républicains. À gauche, les discussions touchent à leur fin. Jean-Laurent Félizia, tête de liste du Pôle écologiste, est susceptible d’emmener derrière lui un rassemblement (PS, PC, Génération.s, Place publique…) et Printemps marseillais mais sans les Insoumis.
D’ailleurs, « les contours de ce rassemblement ne correspondent pas à l’union la plus large possible que nous nous sommes efforcés de contribuer à construire », regrette Place Publique, qui soutient néanmoins la dynamique. « L’absence des Insoumis mais aussi de nombreux mouvements politiques et citoyens est dommageable face au réel risque d’une victoire du RN dans notre région ».
Si l’union des forces de gauche arrivait en seconde position au premier tour le 20 juin, dernière le RN et devant Renaud Muselier et une autre liste LR, l’entre-deux-tours pourrait donner un bis repetita de 2015, avec cette fois un renoncement de la droite ou une tentative d’accord d’appareil avec les écologistes.
Les désaccords à droite semble faire les affaires de l’extrême droite. « On a exactement le contraire de ce qu’il [Renaud Muselier] nous a annoncé, à savoir un accord annoncé par la voix du Premier ministre. C’est quand même le chef de la majorité présidentielle, pointe ce matin Thierry Mariani (RN) lors de la présentation de sa tête de liste dans les Bouches-du-Rhône, s’interrogeant sur la stratégie de son adversaire. Ce qui m’intéresse, ce sont les électeurs de droite qui ont les mêmes valeurs, les mêmes préoccupations que nous. La seule investiture à cette heure-ci, de la liste de Renaud Muselier, c’est le soutien d’En marche. Voter pour cette liste c’est renforcer les chances de M. Macron. C’est approuver sa politique », ajoute l’ancien ministre sarkozyste, passé chez Marine Le Pen.
« Les idées que j’ai défendues durant des années, c’est Marine Le Pen qui les porte », justifie l’eurodéputé. Avec un peu plus de temps, peut-être aurait-il accueilli sur ses listes des candidats LR déçus. À moins de 15 jours du dépôt des listes « c’est quasiment impossible » rétorque l’élu, ajoutant « on n’est pas dans le débauchage ».
Les gages de Renaud Muselier
Dans la tourmente, Renaud Muselier réaffirme que la famille gaulliste dont il vient « a toujours été et doit demeurer l’adversaire le plus déterminé et le meilleur rempart contre le RN. C’est pourquoi il n’y a pas la moindre ambiguïté dans le combat qui est le mien », écrit-il dans un communiqué de presse. « Depuis quelques jours, tout et son contraire ont été dits. Il est nécessaire de clarifier la situation d’autant que sur le projet, les orientations, la composition des listes, je serai le seul décideur ».
Avant la commission d’investiture de ce soir, l’élu veut donner des gages à son parti. D’abord, en conduisant « une liste dont la colonne vertébrale sera naturellement Les Républicains. Cette équipe sera fidèle à la majorité régionale plurielle avec nos alliés naturels et des personnalités de la société civile, et tous ceux qui voudront avec nous contribuer au succès de notre projet régional ».
Puis de redire « clairement comme je l’ai dit depuis le début qu’il y a pas et il n’y aura pas d’accord à quelque niveau que ce soit avec En Marche, pas plus qu’avec d’autres appareils », dit-il, toutefois « sensible à tous les soutiens qui se manifestent »
Je le dis aux Provençaux, aux Alpins et aux Azuréens : rassemblons-nous !
Nous avons de belles choses à faire ensemble. #NotreRegiondabord : mon communiqué de presse est à retrouver ici 👇 pic.twitter.com/0TQZp9Zlvz— Renaud Muselier (@RenaudMuselier) May 4, 2021
Il étudiera avec « les têtes de listes départementales au cas par cas chaque candidature », sur la base de ce qu’il a appelé le test PCR : « engagement commun pour le Projet, Compétence et disponibilité avérée et engagement absolu pour les valeurs Républicaines ». Puis ce commentaire un peu plus politique, en réponse à ce que les marcheurs annoncent comme « un nouvel acte de recomposition politique ».
« Cette élection est régionale et ne peut en aucun cas, comme certains le souhaiteraient à Paris ou ailleurs, être l’occasion de préparer la présidentielle ou imaginer une quelconque recomposition politique. Ce n’est en rien mon combat », écrit le candidat qui se revendique « libre et indépendant ». « C’est moi qui décide. Ce n’est pas Jean Castex qui décide pour moi. Ce n’est pas le président de la République qui décide pour moi. Ce n’est pas ma formation politique qui décide pour moi. Je le fais dans le cadre de mon travail que j’ai toujours fait avec ma famille politique et que tout le monde reconnaît, je n’ai jamais trahi », déclare-t-il d’ailleurs à la sortie de la réunion.
Reste qu’avec ce coup de force, à un an des présidentielles, Emmanuel Macron espère une implosion de la droite parlementaire pour se retrouver seul face à Marine Le Pen. Le mélodrame à droite préfigure selon Thierry Mariani « ce qu’il risque de se passer » dans un an. « Ce sera l’heure de vérité ». Lorsqu’il était banquier d’affaires, au sein de Rothschilds & Co, Emmanuel Macron n’était-il pas spécialiste des fusions-acquisitions ?
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