À partir du 3 mai, les restrictions gouvernementales pour limiter la propagation de la Covid-19 vont peu à peu être levées. Si certains restaurateurs devront attendre la mi-mai pour ouvrir leurs terrasses, d’autres ne pourront ouvrir leurs portes que dans le courant du mois de juin. Après des mois d’attente, comment se préparent-ils à leur réouverture ? Reportage à Marseille.
Verres qui trinquent, frites et pizzas passant d’une assiette à un autre, grandes embrassades et envolées lyriques dans un accent chantant… Une scène de la vie quotidienne qui semble presque lointaine dans les restaurants du Vieux-Port, aujourd’hui désertés des Marseillais et des touristes. Car après 7 mois de fermeture ou de vente à emporter, le temps est long et la lassitude ambiante.
Le calendrier gouvernemental vient pourtant tomber concernant la réouverture progressive des restaurants et commerces qui, comme l’avait annoncé le Premier ministre le 22 avril dernier « sera accompagnée de restrictions particulières ».
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« Tout est prêt de notre côté »
Le Queen Victoria (1er) fait partie des adresses les plus fréquentées du quai de Rive-Neuve. Avec ses pintes de bières, ses frites et burgers, le pub anglais jouissait d’une clientèle du soir avant que le confinement de mars 2020 vienne perturber ses activités.
Alors que le Président de la République doit prochainement s’exprimer, la langueur se fait ressentir pour l’enseigne qui a choisi de rester fermée ces derniers mois, laissant une quarantaine d’employés au chômage partiel. « La vente à emporter ne m’intéresse pas, assure le gérant. Nous avons une clientèle qui cherche un cadre, une ambiance. Je préfère mettre mon énergie dans l’entretien du restaurant pour recevoir les clients dès qu’on le pourra ».
Posté devant le comptoir, l’heure est à la mise au point et aux perspectives concernant la réouverture. « Quoiqu’il en soit, les mesures resteront très restrictives avec seulement la terrasse, bien que la nôtre soit assez grande pour accueillir du monde, concède-t-il. Et pour le couvre-feu, même s’il est repoussé de deux heures, ça ne sera pas intéressant pour nous, on en a déjà fait l’expérience la dernière fois. Tout est prêt de notre côté, on a la clé sur la porte pour ouvrir dès qu’on le pourra, que ce soit ici ou dans nos autres pubs du port. Parce que le canapé et Netflix, ça va un temps, nos équipes attendent de revenir ».
Les extensions extérieures deviendront-elles payantes ?
Si certains, à l’instar du Queen Victoria, disposent de terrasses qui devraient leur permettre d’accueillir de nouveau leur clientèle, d’autres établissements n’ont pas les mêmes conditions de travail et restent affectés par les mesures gouvernementales.
Une situation à laquelle s’intéresse tout particulièrement Bernard Marty, président de l’Union des Métiers de l’Industrie de l’Hôtellerie (UMIH 13). « Des négociations sont en cours avec la Mairie pour mettre en place des « chartes Covid », qui garantiront des extensions partout où cela est possible, en créant des terrasses pour ceux qui n’en ont pas, nous indique-t-il. Nous n’avons pas encore abordé la question du paiement, on entend déjà cette rumeur monter*. Je pars du principe que, si je dois payer l’espace extérieur, à ce moment-là je ne paie pas le loyer intérieur. Nous mènerons donc ces négociations, mais, bien sûr, il vaudrait mieux que rien ne soit payant, personne n’aurait à y gagner, ni les restaurateurs, ni les municipalités ».
Une situation qui ne fait que renforcer « l’inquiétude grandissante » à l’approche du 15 mai, après trois closes de revoyure depuis novembre dernier. « Plus l’échéance approche, plus il commence à se dire que ce serait territorialisé, note Bernard Marty. Cela n’a pas vraiment de sens, si avant cela ils enlèvent les restrictions de déplacements. En plus, nous ne connaissons pas encore le protocole sanitaire, nous sommes dans la plus grande des incertitudes quant à ce qu’ils vont décider ».
Le rodage avant la réouverture au mois de juin
Après « la colère », place au « désespoir » et à l’envie de redonner à la population des conditions de restauration correctes. « Pourquoi les restaurants d’entreprises sont ouverts et les autres sont fermés ? Pourquoi les gens mangent sur l’espace public en s’entassant et pas dans restaurants ? Il faut rouvrir les terrasses, c’est une certitude, je le dis depuis longtemps, c’est bien plus sanitaire. Nous attendons des réponses cohérentes face aux remarques. Aux restaurateurs de faire le point par la suite, et de décider de rouvrir ou pas », poursuit Bernard Marty.
Justement, pour donner de la visibilité, le gouvernement vient de fixer un calendrier précis de réouverture. Il prévoit une réouverture des terrasses le 19 mai et le 9 juin, des cafés et restaurants, avec des tables de 6 personnes maximum avec un protocole renforcé. « Pendant la période qui nous reste à patienter, nous allons nous structurer, amorcer la mise en route avec notre nouvelle équipe. Nous avons aussi innové dans nos services, avec une nouvelle vaisselle, de nouveaux tabliers, des menus différents… Pour le moment, nous avons besoin de nous roder pour être vraiment opérationnels », confie Guillaume Sourrieu, chef étoilé du restaurant L’Épuisette, niché au Vallon des Auffes.
Des dispositifs pour continuer à soutenir la filière
Et ces longs mois de fermeture auront aussi été l’occasion pour le chef de s’impliquer sur le territoire, en s’associant à Marseille Provence Gastronomie et son bus culinaire. « J’ai été en binôme avec Sébastien Richard à deux reprises, rappelle-t-il. Pour nos collègues qui ne pouvaient pas vendre autrement, ça a été un véritable coup de pouce. Je partage avec eux ce leitmotiv de défendre ma ville et sa gastronomie, nous en faisons tous la promotion et j’en suis un ambassadeur ».
Proposé par le Département des Bouches-du-Rhône par le biais de Provence Tourisme, son agence de développement touristique, Marseille Provence Gastronomie (MPG) a continué à déployer son dispositif « Sauve ton Resto » sur les routes de Provence pour donner de la visibilité aux chefs locaux. Après La Grande Tournée , un food-truck de la gastronomie sillonne le département depuis le 26 mars. Bilan : 10 communes-hôtes, 21 restaurateurs et quelque 940 repas vendus depuis le lancement.
« Les professionnels que nous avons rencontrés sur le terrain partagent tous la même envie de travailler et de garder le contact avec leurs clients, souligne Isabelle Brémond, directrice de Provence Tourisme. Ce projet a plein de bonnes vertus pour eux, on les a découverts au fur et à mesure de la vente à emporter, certains se sont associés pour lancer des projets culinaires communs. Pour les aider, nous comptons mener de nouvelles opérations en Provence à la fin de la période de confinement des restaurants, comme des dîners dans des endroits insolites, des banquets solidaires… D’autre part, nous travaillons sur une offre promotionnelle à destination des résidents et des visiteurs du département que nous dévoilerons très prochainement ».
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Cap sur la saison d’été
En début de mois, la ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, Élisabeth Borne, encourageait les professionnels à « embaucher les saisonniers auxquels ils font appel tous les ans, et de les placer en activité partielle le temps que la saison démarre ». Une lueur d’espoir dans la grisaille pour tout un secteur qui se projette aujourd’hui sur la réussite de la saison estivale.
Car, en ce qui concerne l’été, si l’année 2020 avait battu des records dans la région en termes de tourisme, l’heure est à la reprise du côté des collectivités pour relancer la machine économique du territoire et tenter de rattraper le retard. La Région Sud avait notamment lancé, avec l’aide de l’État, son « Plan tourisme », représentant 270 millions investis en Provence-Alpes-Côte d’Azur, renforcés par le Contrat d’avenir 2021-2027 ; Un « Chèque réouverture » a aussi été annoncé pour permettre la remise en état des commerces restés fermés administrativement, grâce à une aide entre 2 000 et 5 000 euros.
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