Après la démolition non autorisée d’une partie de la Villa Valmer, le chantier de l’hôtel de luxe est suspendu. Alors que l’hôtelier fait valoir des raisons de sécurité pour la destruction de l’annexe et promet de la reconstruire à l’identique, la municipalité envisage de « casser le bail emphytéotique ».
Le dossier de la Villa Valmer n’a pas fini de faire parler. Les polémiques se sont déjà succédé sur fond de privatisation du patrimoine marseillais. En effet, en 2018, l’ancienne municipalité décide de lui redonner une vocation privée : un bail emphytéotique de 60 ans accordé aux investisseurs Pierre Mozziconacci et Didier Germain, pour leur projet d’hôtel de luxe de 39 chambres (abaissé à 30) avec piscine.
La nouvelle équipe municipale, dont une grande partie s’était à l’époque élevée contre ce projet, a récemment négocié pour ouvrir au maximum le projet vers le grand public. Mais la semaine dernière, la démolition d’un élément à l’arrière du bâtiment, que le permis de construire n’autorisait pas, déclenchait une nouvelle polémique et la colère de la Mairie.
« Ce bâtiment peut être reconstruit à l’identique et le sera »
Cette dernière a transmis un constat d’infraction au procureur de la République le 14 avril, tout en signant un arrêté interruptif des travaux, conservatoire, « qui oblige à tout suspendre sauf la mise en sécurité du site », explique Mathilde Chaboche, adjointe à l’urbanisme. Elle précise qu’avec ce premier arrêté, le porteur du projet hôtelier dispose d’un « délai contradictoire de 8 jours pour faire valoir ses arguments ».
Quels sont-ils ? « Ce n’était pas notre volonté, mais une urgence absolue de sécurité », précise le dirigeant de la société S.A.S. Villa Valmer, Pierre Mozziconacci. « Le bâtiment se fissurait et était sur le point de s’effondrer. Il y allait de la sécurité des employés et de la bâtisse. La responsabilité du maître d’œuvre était de dire « on ne prend pas de risque ». C’est ce que l’on va expliquer en détail. La Ville a raison de demander des explications. C’est son droit, et c’est sur le droit qu’on va répondre ». Il s’appuiera sur des constats d’huissiers et des avis d’experts.
« Heureusement, ce bâtiment peut être reconstruit à l’identique, et le sera. Les règles du Plan local d’urbanisme le permettent », affirme-t-il. Les deux terrasses démolies ne sont pas des éléments originels de la villa bâtie en 1865, mais une extension datant de la première moitié du XXe siècle.
Il pointe, par ailleurs, la remontée de certaines intentions qui lui sont prêtées. En particulier sur sa volonté de se débarrasser de certains éléments « patrimoniaux » de la bâtisse. Comme une verrière « qui date de 1984. Je n’ai jamais dit que j’allais la démolir ou remettre en cause blason de la Ville [teinté sur la vitre, ndlr]. Je trouve que c’est intéressant de savoir ce qu’il y avait à l’origine pour s’en inspirer. On veut rendre son histoire à cette maison avec un beau projet » argue-t-il.
Il se défend enfin de l’étiquette de « promoteur immobilier » utilisée régulièrement pour le décrire. « C’est une opération hôtelière de 14 millions d’euros qui reviendra à la Ville au final ». En contrepartie du bail emphytéotique, il doit s’acquitter d’une redevance annuelle dont les parts fixes et variables cumulées atteignent 660 000 euros.
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Ces arguments feront-ils redescendre la pression avec l’équipe municipale ? Alors que le délai contradictoire touche à sa fin, le maire de Marseille, Benoît Payan, nous a confié ce mardi qu’il était sur le point de signer l’arrêté final d’interruption des travaux. Le chantier pourrait ainsi être suspendu plusieurs mois.
Si ce laps de temps a d’abord été évoqué pour « rétablir la confiance » avec l’hôtelier ou négocier encore des modifications au projet, les élus marseillais assument désormais leur volonté de l’annuler purement. « Si on a juridiquement les moyens de le faire, je crois qu’il faudra être courageux, oui », confie Mathilde Chaboche. L’impair de l’hôtelier serait-il le prétexte pour reprendre la main sur ce projet de l’ancienne municipalité ? « On n’a jamais caché que sur le fond, ce n’était évidemment pas le projet que nous aurions choisi », répond-t-elle.
L’adjointe à l’urbanisme explique que les services juridiques étudient aujourd’hui les détails permettant de « casser le bail emphytéotique ». Sur cette question, Pierre Mozziconacci réserve ses réponses « à la Ville, et dans le cadre du droit ». Il rebondit toutefois sur la question de la « confiance » entre les deux parties. « Elle est très importante sur ce dossier, et dans les deux sens ».
« On s’engagera sur ce chemin si on a vraiment quelque chose de bien ficelé »
Pour Mathilde Chaboche, il s’agit de rester prudent avant d’engager la bataille au tribunal. « Il faut sécuriser [le dossier] juridiquement. C’est très complexe, entre le droit public et le droit des contrats. Nos avocats s’arrachent les cheveux. Il y a une série de cas particuliers juridiques, peu de jurisprudence ».
Les décisions de justice n’étant jamais courues d’avance, la Mairie ne se lancera qu’avec un dossier solide. « On s’engagera sur ce chemin si on a vraiment quelque chose de bien ficelé. Le plus catastrophique serait que la maison vienne à se dégrader à cause du temps de la justice. Donc je pèse mes mots dans l’attente d’y voir clair », conclut l’adjointe à l’urbanisme.