Le Printemps marseillais a présenté ce matin son premier budget municipal, sans hausse d’impôts pour l’année 2021. Si pour la majorité, il ouvre la voie vers une ville plus juste, plus verte et plus démocratique, l’opposition argue le manque de vision.
« Il y a en médecine des spécialistes du quotidien, du temps long, et il y a des urgentistes. Je suis de la première catégorie et c’est de la seconde dont nous avons besoin tout de suite à Marseille ». C’est ainsi qu’à l’heure où Michèle Rubirola annonçait sa démission à la fonction de maire de Marseille, en décembre dernier, elle voyait en Benoît Payan, son successeur, l’homme de la situation pour relever Marseille. Sur la base d’un audit financier rendu public le mois dernier, le maire et son équipe ont confirmé leur diagnostic : « Marseille est malade ».
L’épidémie de Covid-19 vient impacter plus encore les finances déjà le rouge. À ce jour, la gestion de la crise a coûté 100 millions d’euros à la Ville. 14 millions sont prévisionnés pour 2021.
Dans ce contexte, c’est davantage un « budget de rétablissement » que le Printemps marseillais a façonné, posant à ce stade, les jalons d’une « ville plus juste, plus verte et plus démocratique ». Triptyque auquel l’équipe municipale n’entend pas déroger. Il pose le « premier acte du Marseille de demain ».
Refusant de procéder à « une cure d’austérité », pour ce budget, premier vrai exercice de cette mandature, la majorité municipale s’est employée à dégager des marges des manœuvres, en faisant « la chasse aux dépenses inutiles », en « rationalisant les dépenses », notamment sur les travaux dans les écoles, réalisés en grande partie en régie. Autre levier activé : la renégociation de la dette. « Ce qui va nous permettre de ne pas rembourser 20 millions d’euros dès cette année », explique Joël Canicave, adjoint aux finances, à l’occasion du conseil municipal, qui se tenait en distanciel. La Ville profitera également du lissage sur 5 ans des dépenses liées à la crise sanitaire, autorisé dans le cadre de la loi de Finances pour 2021.
Un budget à 1,525 milliard
Ce budget global de 1,525 milliard pour 2021 (1,74 milliard de fonctionnement et 451 millions de dépenses d’investissement) est « à l’équilibre », annonce le président du groupe du Printemps marseillais. Il présente toutefois une épargne négative à – 39 millions d’euros. « Il manque donc à la Ville 76 millions d’euros pour avoir une situation financière au seuil minimal d’acceptabilité », souligne l’adjoint. Malgré la situation « contrainte », et s’il y a quelques semaines, Benoît Payan ne s’interdisait pas d’utiliser le levier fiscal, 2021 ne sera finalement pas l’année de la hausse des impôts.
« Un effort conséquent sur la lutte contre les inégalités et l’aide aux plus démunis »
Pour marquer leur empreinte sur ce budget, l’investissement dégagé de 267 millions d’euros (soit un tiers de plus que le mandat précédent) a été fléché sur les priorités du mandat, au premier rang desquelles les écoles, pour le retour de la nature en ville, l’écologie, la démocratie participative, ou encore sur le bouclier social et sanitaire. « Nous avons fait le choix de porter un effort conséquent sur la lutte contre les inégalités et l’aide aux plus démunis », pointe Audrey Garino, adjointe aux affaires sociales qui évoque une augmentation de près de 42% des budgets dédiés à la solidarité.
48 millions d’euros sont destinés à l’action éducative (21% du budget), 31 millions pour l’environnement (14%), 25 millions réservés au volet social et santé (11%)… La ligne sport et jeunesse baisse quant à elle de 54 à 26 millions d’euros. Idem pour l’action culturelle dotée de 23 millions contre 39 millions lors du précédent exercice. La masse salariale, elle, est en augmentation de 12 millions d’euros (606 à 618 millions d’euros).
Aussi « volontariste » soit-il pour le Printemps marseillais, ce budget ne fixe aucun « cap » pour l’opposition, pas plus qu’une « stratégie ». Franck Allisio (RN) pointe que la dépense la plus importante reste celle du personnel, « pourtant les écoles sont en grèves ». Il regrette de ne trouver « aucune trace du recrutement des policiers municipaux » et précise que si la Ville n’augmente pas les impôts cette année, ce n’est « pas parce que vous ne voulez pas, mais parce que vous ne pouvez pas, car elle [la fiscalité] est déjà injustement élevée ».
Pierre Robin et « l’effet Payan »
Dans une très longue intervention, souvent raillée par les élus de la majorité, Pierre Robin, pour le groupe d’une Volonté pour Marseille, s’emploie à démontrer les failles dans ce budget « minimaliste » et « sans vision ». Le nouveau président de la commission des finances met, par exemple, en évidence les augmentations masquées du budget, relatives aux tarifs funéraires, au stationnement « pour 1 million d’euros » et même « des cantines pour une bonne partie des familles marseillaises, sous couvert de justice sociale ». Il met le doigt sur la nuance entre les emplois administratifs et les équivalents temps plein, concluant que les effectifs sont en baisse.
Pour lui, « il n’y a pas d’effet Payan ». « Vous prétendez faire un effort colossal et inédit pour les écoles. La réalité, c’est que les dépenses relatives aux écoles ont toujours représenté autour de 25 % du budget depuis des années ». Son groupe aurait aimé que des efforts soient portés sur le tourisme, l’emploi, le tissu économique de proximité…
Quant à la dette, il rappelle « que ce n’est pas la première fois » que la Ville de Marseille a recours à la renégociation, et qu’elle pèsera, de fait, dans les prochaines années sur les Marseillais, dénonçant au passage « un budget d’enterrement de promesses de campagne ». Reste qu’il ne trouve « pas de raison de voter contre ce budget ».
L’amnésie, le trou de souris et le revirement
Tour à tour, les élus de la majorité se sont relayés pour apporter des réponses, davantage sur la forme que sur le fond. Olivia Fortin s’est étonnée de l’intervention estimant que les chiffres étaient sortis de leur contexte. « Vous demandez où sont les personnels attendus, je vous reprécise que nous avons 836 entrées cette année dans les effectifs de la Ville », tandis que le rapport stipule bien 547 recrutements, comme le notait Pierre Robin.
Quand Yannick Ohanessian, adjoint la Sécurité, pointe « l’amnésie » de l’opposition, Jean-Marc Coppola, adjoint à la Culture va plus loin jugeant qu’elle « devrait aller se cacher dans un trou de souris ». Pierre-Marie Ganozzi évacue la question sur le choix de la procédure de marchés publics sur la rénovation des écoles en Geep.
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Pour éviter de passer à côtés des subventions de l’Etat, la Ville préférait avoir recours à un marché global de performance, comme nous l’expliquions dans un article consacré à ce sujet. Ce type de marché trop apparenté au PPP est sous le feu de critiques de ceux ayant mené la bataille aux côtés des certains élus de l’actuelle majorité, a été modifiée « en urgence » à la veille du conseil, annonce Pierre Robin. La Ville a décidé de changer de braquet sans pour autant préciser pour qu’elle dispositif elle opterait.
« Un budget qui répare »
Rejetant d’un revers de main « les leçons » et « les chiffres farfelus » de Pierre Robin, qui « confond additions et soustractions », Benoît Payan accuse l’ancienne majorité LR d’avoir « voté 10 augmentations d’impôts en 25 ans ».
Pour répondre aux critiques de l’opposition, la notion de temps entre une nouvelle fois en ligne de compte. « Nous ne ferons pas tout en une année. Vous nous demandez de faire en une année trois fois ce que vous n’avez pas fait en 25 ans », lâche Benoît Payan. Le plus sage aurait été de faire amende honorable. C’est un budget qui répare. On va aller chercher la baisse des taux d’intérêt partout et chercher de nouvelles sources de financements. On se concentre sur l’essentiel pour oxygéner cette ville »
La majorité « assume » et « revendique » même l’appel au soutien des autres collectivités. « Marseille fait partie de la métropole, du département et c’est même la capitale de la région Sud », avance Joël Canicave, qui compte sur des projets « solidement construits », pour décrocher des fonds de l’État et de l’Union européenne. Ils permettaient dans les mois qui viennent de présenter en conseil municipal des budgets modificatifs « et ainsi d’aller plus loin ».
Le Rassemblement national a voté contre. Une Volonté pour Marseille s’est abstenue.
*L’école de Kalliste a été ajoutée à la liste des cinq groupes scolaires qui doivent être rénovés. « Le montant n’a pas encore été chiffré, ça viendra plus tard », souligne Pierre-Marie Ganozzi, lors du conseil municipal, assurant qu’elle ferait partie de la prochaine salve de réhabilitation. Samia Ghali a, par ailleurs, insisté sur la notion d’urgence dans le montage des dossiers. Le 22 avril est la date de la réunion du comité d’engagement de l’Anru, sur laquelle compte la Ville pour financer ce projet à 85 millions d’euros.