Depuis juin 2020, la Friche la Belle de Mai sert de laboratoire urbain d’observation au projet européen T-Factor. Celui-ci a pour objectif de s’inspirer des régénérations urbaines existantes pour en créer de nouvelles sur le continent. Marseille est la seule ville de France à participer à ce programme à titre exemplaire.

Ballon rond dans les mains, les minots du quartier pointent le panier de basket ; quelques mètres plus loin, les skates, trottinettes et vélos font leur ballet sur cet espace décoré d’une fresque grand format, réalisée par des street artists ; en haut des escaliers, le marché hebdomadaire a repris place, où fruits, légumes et autres biscuits attirent régulièrement les Marseillais. Une scène de vie quotidienne à la Friche la Belle de Mai, lieu de vie culturel, social, associatif, où se mêlent les habitants pour flâner ou participer à des événements à longueur d’année.

Car parler de la Friche, c’est aussi faire le point sur trente ans d’histoire d’un quartier transformé. Tout commence en 1990. L’usine de tabac ferme ses portes et laisse place à un site dénué d’activités. Christian Poitevin, élu à la Culture et poète, ainsi que des acteurs citoyens et culturels voient dans ces 45 000 m2 l’opportunité de développer la politique culturelle de la ville, en accueillant tous les publics grâce à des espaces éclectiques. Aires de jeux, d’expositions, toit-terrasse, restaurant, jardins partagés, librairie ou encore une crèche y naissent au fil des années.

Aujourd’hui, la Friche la Belle de mai accueille quelque 70 structures résidentes dont 350 artistes, producteurs et salariés, ainsi que 450 000 visiteurs par an. À la fois hors du temps et hors du commun, le site est aujourd’hui pris comme modèle dans le cadre du projet T-Factor. Financé par le programme de recherche horizon 2020 de l’Union européenne, il a pour but de rassembler des stratégies innovantes et de s’en inspirer afin de requalifier des zones urbaines dans d’autres villes du continent.

Marseille exemplaire

Depuis juin dernier, et durant les 4 prochaines années, la Friche la Belle de Mai servira donc de laboratoire urbain comme « cas avancé » de friche industrielle régénérée grâce à la culture et l’économie sociale et solidaire. « Elle fait partie du consortium de 25 partenaires en tant que cas d’observation, nous explique Eva Riccio, chargée de développement des projets de coopération. Différents points d’étude seront abordés : notre rapport au public, aux institutions, le modèle de gouvernance et le modèle économique, en tant que société coopérative d’intérêt collectif… L’objectif est de dégager des modèles, des prototypes qui pourraient être transmis à des friches en cours de requalification, en tant que cas pilotes en Europe grâce aux secteurs culturel, de la santé, du design et de l’architecture ».

, La Friche la Belle de Mai, ambassadrice française de la régénération urbaine en Europe, Made in Marseille
©cdutrey

Alors que le quartier de la Belle-de-Mai a été qualifié à nombreuses reprises de plus pauvre d’Europe, il se distingue d’une toute autre manière aujourd’hui à l’échelle du continent. Et Marseille avec, puisqu’elle est la seule ville française du programme à être prise pour exemple. La Friche prend place aux côtés d’autres sources d’inspiration mondiales telles que l’Industry City de New York, le Dortmunder U de Dortmund, le Red Town de Shanghai, la Manifattura Tabacchi de Florence, le Knowledge Quarter King’s Cross de Londres, le 22@Poblenou de Barcelone, et l’EC1 de Lodz en Pologne.

, La Friche la Belle de Mai, ambassadrice française de la régénération urbaine en Europe, Made in Marseille
Friche de King’s Cross, à Londres. ©John Sturrock

« La régénération urbaine ne concerne pas seulement le matériel des villes – bâtiments et infrastructures, indique l’équipe organisatrice T-Factor. Aujourd’hui plus que jamais, la régénération urbaine est un redémarrage fondamental du logiciel urbain – le tissu social, économique et culturel qui fait prospérer, persister et atténuer les risques partagés présents et futurs. Tirant parti de la collaboration internationale, nous visons à construire un portefeuille complet d’innovations testées englobant la conception, l’organisation, la gestion, la gouvernance, le financement et les aspects réglementaires des espaces entre-temps ».

Des cas avancés aux projets pilotes

En ce sens, six cas pilotes viennent s’additionner à l’étude : le Zorrotzaurre de Bilbao, le Mind à Milan, le village de Trafaria près de Lisbonne, le Science Park d’Amsterdam, Aleksotas à Kaunas et Euston à Londres. Plus ou moins avancés, ces projets exploitent la culture et collaboration créative pour créer des pôles urbains d’innovation, d’inclusion et d’entrepreneuriat.

Les « cas avancés » tels que la Friche la Belle de Mai, pourront inspirer ces cas pilotes pour leur développement. Du donnant-donnant, pour Eva Riccio. « On a voulu participer à ce partenariat parce que cela va aussi nous apporter, souligne-t-elle. En trente ans, nous avons aussi besoin de prendre du recul sur l’impact de la Friche, sur la manière dont elle agit. Chaque friche est unique en fonction de son territoire. De notre côté, nous avons été précurseurs sur plusieurs aspects. Mais on peut s’inspirer d’autres modèles en dégageant des process ou des choses plus concrètes. Cela ne modifiera en rien nos points de vue, mais va nous nourrir et nous faire connaître d’autres perspectives ».

Un appel à projets démocratique marseillais

Dans les prochains mois, la Friche de la Belle-de-Mai prévoit de faire participer le public marseillais à cette expérience européenne pour faire émerger les attentes des riverains dans « une sorte d’appel à projets démocratique ». « Nous organiserons cette année des ateliers d’échanges et de pratiques sous format digital, sur nos réseaux sociaux par exemple, ainsi qu’un grand séminaire au deuxième trimestre 2021 pour l’avancée des recherches. Nous attendons de connaître le calendrier des équipes de T-Factor qui n’est pas encore fixé ».

L’inscription de la Friche marseillaise comme unique partenaire français du programme est une belle reconnaissance. D’autant que, même en ces temps de crise sanitaire, elle continue d’apporter du dynamisme dans le 3e arrondissement, en ouvrant ses espaces de travail aux associations et aux professionnels. Dans la continuité de trente années d’échanges et de partage avec les Marseillais.

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