Face à la situation de tension dans les cantines scolaires de Marseille, en raison de l’application du protocole sanitaire, la Ville tente de déployer des solutions d’urgence. Si pour l’heure, elles peinent à convaincre, le travail de réorganisation de fond dans les écoles est en marche et un nouvel accord avec les syndicats devrait être soumis au conseil municipal ce lundi.
Dans cette école du 4e arrondissement, les élèves remontent dans leur classe. Il est 15h15 et ils viennent à peine de terminer leur déjeuner à la cantine. Une des conséquences de l’application des mesures sanitaires strictes imposées par le gouvernement.
Grèves à répétition, déjeuner en classe, repas froids, ou suppression par la Ville de l’entrée pour accélérer le service… Le respect du protocole sanitaire qui rend encore plus drastiques les conditions d’ouverture des écoles met le personnel sous pression et avec lui les parents d’élèves. Une situation qui met en lumière le manque d’effectifs dans les écoles de Marseille, « que nous dénoncions bien avant la crise, explique Céline Baron, du Collectif des écoles de Marseille. La pénurie est plus flagrante. Dans plusieurs secteurs, les agents nous rapportent des situations difficilement tenables et de plus en plus dangereuses ».
Depuis la mise en œuvre du tout premier protocole, le Collectif avait tiré la sonnette d’alarme, le jugeant « surréaliste » et « déconnecté de la réalité », notamment dans certaines écoles où la configuration des lieux ne permet pas d’appliquer ces règles : locaux exigus, cour de récréation trop petite, classes surchargées… Les élus d’opposition du groupe Une volonté pour Marseille s’étaient également insurgés contre la suppression de l’entrée et dessert dans certaines écoles, pour gagner du temps.
Pique-nique, en-cas : bonne idée mais…
Pour répondre aux problèmes de capacité dans les réfectoires, aux équipes restreintes et pour accélérer le service, la Ville expérimente d’autres solutions : comme un pique-nique froid (une pomme, trois tranches de pain, une salade niçoise en boîte, une carré de fromage, une brique de jus et petit gâteau). Chaque classe n’est concernée que par un pique-nique par semaine. Dans les faits : quand les élèves d’une classe de CP d’une école mangent leur plateau-repas en classe, les autres sections seront à la cantine, et un roulement est instauré dans la semaine.
Sur le principe, certains parents d’élèves estiment que c’est « une bonne idée à condition que la qualité soit au rendez-vous. Au vu de ce qui a été servi, c’est scandaleux », juge Céline Baron.
D’autant que même si les directrices et directeurs d’écoles de Marseille ont encouragé les parents qui le peuvent à récupérer leurs enfants, pour les familles les plus modestes, le déjeuner à la cantine représente le seul vrai repas de la journée, et gratuit qui plus est. La Ville souhaitait aussi distribuer un encas, sous forme de galettes à 10h, à tous les élèves des écoles à compter du 8 février. Pour l’heure, l’Inspection académique s’y oppose, sans donner plus d’informations.
Sans vouloir commenter cette décision, pour Pierre Huguet, adjoint en charge de l’éducation et des cantines scolaires, ces initiatives représentent « un début de solution. Notre objectif, c’est avant tout de maintenir les cantines ouvertes dans le cadre du protocole sanitaire et justement parce que l’on sait que pour beaucoup d’enfants, le repas de la cantine est le seul de la journée ».
Ce repas froid semble toutefois poser d’autres problèmes. Pour certains enseignants, le fait de faire manger les enfants dans leur classe constitue un risque plus élevé de contamination. Sans le masque, si un élève est positif, le cours de l’après-midi sur place représente donc un potentiel cluster.
L’enjeu « est de faire face aux urgences du moment »
Pour rassurer, l’élu évoque les différentes mesures misent en œuvre par la Ville pour la protection des enfants et du personnel en général, avec notamment le nettoyage surfacique ou encore les dépistages rapides. Une société de nettoyage intervient également sur 160 écoles « pour venir en appui des agents et pour éviter d’avoir à fermer les écoles. Depuis le début, nous travaillons à l’élaboration de solutions avec les représentants des parents d’élèves et les organisation syndicales, dans la concertation dans chaque école, parce que c’est par le dialogue que l’on pourra arriver à quelque chose de plus efficient. On va évaluer et adapter les dispositifs, c’est ce qu’on fait depuis le départ », reprend l’élu.
Les efforts de la Ville ne semblent pas suffire selon Céline Baron, pour qui le personnel enseignant et les Astem sont livrés à eux-mêmes, « abandonnés » par un gouvernement qui pratique la politique du « débrouillez-vous ». Même si le moindre embryon de dialogue avec la municipalité constitue une avancée, le redéploiement dans les écoles de la ville de 70 agents de surveillance interclasse et cantine (Asic) passe inaperçu. « La Mairie est incapable de nous dire où ils ont été affectés ».
Le recrutement de 490 renforts – qui débutent leur mission cette semaine – ne vient visiblement rien changer au fond du problème. A ce titre, Pierre Huguet indique que « tous » n’ont pas encore pris leur fonction, insistant sur le fait que l’enjeu « est de faire face aux urgences du moment ». Ce qui n’empêche pas selon lui de réfléchir sur le long terme.
Le collectif des écoles attend un« message fort » de la Ville
Car pour les parents d’élèves et enseignants, la véritable solution réside dans le lancement « d’un vrai plan pluriannuel de recrutement. Un état des lieux des effectifs précis pour chaque école. Tant que nous n’avons pas ça, je ne vois pas quelles décisions peuvent être prises », ajoute Céline Baron.
Ils attendent « un véritable engagement de la part de la Ville », pour la création de postes statutaires et non de « bouche-trous. On peut comprendre l’urgence, ça n’empêche pas de penser à plus long terme. Pour résoudre la problématique de la pause méridienne, avoir des taux d’encadrement sécurisants, il faudrait 500 agents titulaires ».
Selon Céline Baron, « ce message fort », permettrait aux personnels de « tenir le coup. Ils veulent être considérés. Ils sont en première ligne, ce n’est pas un métier facile. La plupart ont à cœur de s’occuper correctement des enfants », assure-t-elle, pour faire taire les mauvaises langues.
Un travail sur lequel la majorité a commencé à plancher, elle qui décrétait les écoles « grande cause municipale ». « Nous voulons mettre en place un fonctionnement vertueux dans les écoles », assure Pierre Huguet. « Il y a un encadrement à améliorer, c’est certain. Cela ne passe pas seulement par le recrutement. Recruter demande aussi du temps surtout lorsqu’il s’agit d’encadrer des enfants. Il y a un fonctionnement à reprendre à zéro, qui a marginalisé d’une certaine manière les agents des écoles. Il faut une réorganisation complète, et nous avons entamé ce dialogue avec les organisations syndicales sur ces sujets, il va s’amplifier et s’élargir ».
Le conseil municipal du 8 février
Reste que ce lundi 8 février, le sujet épineux de la grève des cantines et du nouveau protocole devrait être l’un des sujets forts du conseil municipal. Un accord qui vise à limiter les grèves dans les cantines scolaires devrait être soumis au vote, rapporte 20 minutes.
« Le précédent, signé fin décembre avec FO et la CFE-CGC-CFTC, avait été enlevé in extremis de l’ordre du jour du dernier conseil municipal de décembre, après la démission de Michèle Rubirola. Entre-temps, le texte a quelque peu été remanié. Un agent en grève ne perdrait plus toute sa journée de salaire ».