Une société aixoise travaille sur « Loop », un projet de transport urbain révolutionnaire. Des petits véhicules autonomes circulant dans des tunnels étroits ou en surface sur des voies dédiées via des trajets programmés à la demande des usagers. Objectif : relier Aix-Marseille en 15 minutes.
En 2030, la métropole Aix-Marseille Provence verra-t-elle circuler des minibus autonomes filant à plus de 100 km/h dans un réseau de tunnels réservés ? C’est en tout cas l’ambition de la jeune société aixoise « Loop Aix-Marseille » qui porte un concept inédit de transport en commun.
Une loop est un réseau maillé de tunnels souterrains de faible diamètre, entre 4 et 5 mètres, sans infrastructure au sol, dans lesquels circulent des véhicules électriques autonomes. Aussi appelés « pods », ces véhicules, propulsés par des batteries électriques ou des piles à combustible hydrogène, peuvent transporter une vingtaine de passagers, avec le moins d’arrêts intermédiaires possible.
Car une loop fonctionne sans horaires. Les pods desservent les trajets pour lesquels ils sont programmés. Grâce à ce système, la société promet un départ toutes les 15 secondes, voire beaucoup moins, pour un débit maximal de 6 000 passagers par trajet et par heure et un temps de parcours de « moins de 15 minutes » entre Marseille et Aix-en-Provence.
Une quinzaine de stations dans la métropole
La loop est pensée en complémentarité de l’offre de transports en commun existante. Elle relierait les réseaux urbains entre eux à travers le déploiement d’une quinzaine de stations autour de Marseille. « On pense que quinze stations seront immédiatement rentables », précise le directeur des opérations, Mathieu Morateur.
Sur ce réseau, « il n’y aura pas de rupture de charge, nous assure-t-il, car il y a déjà forcément un changement de transport pour venir de chez vous jusqu’à la station Loop, puis de la station à votre point d’arrivée. Il est donc important de ne pas rajouter de correspondance au milieu, mais il peut y avoir des arrêts. Si on fait par exemple, Aix-Prado, on peut aller chercher au milieu quelqu’un qui fait le trajet hôpital-Saint-Charles. Nous, ce que l’on développe, c’est le système d’affectation des missions, c’est notre valeur ajoutée ».
Une articulation avec le métro marseillais est également envisagée, pour faire office de station d’arrivée des pods. « Plus le métro va desservir, plus ça va être intéressant pour nous de desservir le métro, et de ramener des usagers de l’extérieur de Marseille sur Marseille et inversement. Par exemple, beaucoup de Marseillais travaillent au pôle d’activité d’Aix et pourront donc prendre un pod ».
Un projet à 6 milliards d’euros
Pour l’heure, le projet est envisagé en souterrain, via des tubes avec un sens de circulation chacun, mais des voies dédiées en surface restent des hypothèses qui pourraient faire baisser le coût évalué à 6 milliards d’euros. « Un tunnel coûte environ 25 millions du km. Si bien sûr une voie d’accès sur autoroute nous est proposée, ça revient dix fois moins cher et c’est préférable. Mais nous avons souhaité partir du plus mauvais et plus coûteux scénario, c’est-à-dire tout faire en souterrain ».
Mathieu Morateur se dit confiant sur la faisabilité du projet « car notre solution, c’est qu’on apporte le financement ». En échange, l’entreprise souhaite obtenir une concession auprès de la Métropole Aix-Marseille Provence. Une exploitation sur plusieurs décennies, « mais si on passe sur des voies en autoroute, on pourra réduire fortement la durée de la concession ce qui constitue beaucoup moins de risques notamment à la construction ».
Dans le cadre de la concession, les discussions avec la Métropole porteront aussi sur l’intégration de cette nouvelle offre à celle déjà existante. Un point sensible « au coeur de la négociation », confirme Mathieu Morateur. Le chef d’entreprise précise que sur cette question, leur innovation permettra également d’avoir une tarification plus fine « parce qu’à tout moment notre système est capable de calculer le coût du trajet que vous aller faire ; donc il peut y avoir différentes tarifications ».
A titre d’exemple : « Si vous voulez partir à une heure bien précise pour prendre un train ou un avion, cette précision donnera lieu à un ticket spécifique, et peut inclure différents services. Ça fait partie des éléments qui seront déterminés par les études et ce que souhaitent les différents acteurs ».
Une société de préfiguration ouverte aux citoyens
Aujourd’hui, en effet, l’objectif est de rentrer dans une phase opérationnelle, en menant des études de génie civil relatives à la création des ouvrages, de flux spécifiques aux stations, leur design, leur intégration dans le paysage urbain, le nombre de parkings relais nécessaires pour les stations en-dehors des villes, de système de recharge…
Dans ce cadre, les fondateurs souhaitent créer une société de préfiguration. Elle prendra la forme d’une Société de coopérative d’intérêt collectif (Scic). « On souhaite que les acteurs du territoire aient leur mot à dire sur ce qu’on doit étudier, pour l’implantation dans la métropole, associer les villes dans lesquelles on veut faire nos stations et la Métropole… ».
Dans un second temps, Loop souhaite que les entreprises du territoire puissent souscrire à la Scic ainsi que les citoyens, les premiers usagers. « Tout le monde sera représenté dans la gouvernance partagée ».
La Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille Provence a annoncé qu’elle allait entrer dans la société de préfiguration. « Si on veut que ça existe en 2030, il faudra le faire avec des financements privés », a déclaré le président de la CCIAMP, à l’occasion de ses vœux à la presse.
Jean-Luc Chauvin a pris en contre-exemple la L2 qui a mis plus de 80 ans à sortir de terre. « Nous sommes là pour faire en sorte que les élus fassent le meilleur choix, c’est ça le changement de logiciel que l’on attend des élus. J’en appelle donc aux collectivités territoriales à se mobiliser sur ce projet qui pourrait s’étendre dans près de 400 métropoles. C’est ça être un laboratoire ».
[#voeux2021] @chauvinjl «La #CCIAMP va entrer dans la structure d’un projet innovant de transport interurbain, le #Loop #AixMarseille : un RER métropolitain avec des véhicules électriques ou à hydrogène et 15 stations. 1ère phase pour 2030 avec un tronçon #AixMarseille en 15 min» pic.twitter.com/BIxsAOVJBK
— CCIAixMarseilleProvence (@CCI_AMP) January 19, 2021
Premiers passagers à l’horizon 2030 ?
De son côté, la présidente de la Métropole, Martine Vassal, estime que c’est « révolutionnaire », mais entend se concentrer sur l’urgence. « C’est pourquoi nous avons besoin de ce plan de relance : la liaison Aix-Marseille sur les 4 voies, les nouvelles gares, la gare de Vitrolles pour rejoindre l’aéroport, les voies réservées sur les autoroutes… ».
Elle rappelle que la mobilité est un des freins à l’attractivité du territoire. « Bien sûr qu’il faut regarder les nouveaux concepts et ce qui est plus écologique, les services s’y penchent, mais l’urgence, ce sont les projets actuels sur les équipements qui, aujourd’hui, sont étudiés et techniquement possibles », poursuit la présidente, qui présentera ce lundi le design des nouvelles rames de métro de Marseille.
Les co-fondateurs restent néanmoins optimistes. « On ne peut pas amener le tramway ou le métro jusqu’à Aix, ni Aubagne, ni Marignane, ce n’est pas du tout la même échelle. On ne reproche pas au RER d’empêcher le métro d’exister, ici c’est pareil », ajoute Mathieu Morateur. Avec ses associés, il espère voir les premiers passagers embarquer en 2030. Pourquoi pas le 15 septembre 2030. « Ce serait le jour du bi-centenaire de l’ouverture de la première ligne de train Manchester-Liverpool ».