Mission, méthode, projets… Benoît Mournet, sous-préfet à la relance dans le département des Bouches-du-Rhône et la Région Sud, présente sa feuille de route pour relancer l’économie régionale.
Il était attendu comme le Messie. Benoît Mournet, nommé sous-préfet à la relance auprès du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, nous a accordé une interview en avant-première, il y a quelques jours.
Originaire des Pyrénées, diplômé de Sciences Po et de l’École des Hautes Études en Santé publique, il a dirigé plusieurs établissements hospitaliers en région parisienne, avant de rejoindre Bercy. Il était en poste à l’inspection générale des Finances au ministère de l’Économie. « J’étais arrivé à un moment où je souhaitais revenir à des responsabilités de terrain, et sous-préfet à la relance constituait une opportunité », confie-t-il.
À la fin de l’été, le Gouvernement a décidé de mobiliser de hauts fonctionnaires avec l’ouverture de 30 postes « afin de faciliter les mises en relation et pour accompagner la mise en œuvre effective du plan de relance sur les territoires ». Une fonction qu’il occupera pour une durée de deux ans et qui se veut transversale. Benoît Mouret assume, en effet, des responsabilités à la fois pour le département des Bouches-du-Rhône, « le cœur de ma mission », tout en assurant la coordination régionale et l’animation des autres sous-préfets à la relance à temps plein ou des secrétaires généraux des préfectures. « Tout est ensuite centralisé au secrétariat du Plan de relance à Bercy ».
Le plan « France relance » de 100 milliards d’euros comprend trois volets : Transition écologique (logements, transports, renouvellement urbain, agriculture, biodiversité …) ; Compétitivité
(aides entreprises, innovation/recherche, numérique, culture …) et Cohésion sociale
et territoriale (plan jeunes emploi/formation, actions de lutte contre la pauvreté,
inclusion numérique …).
Comment se sont passées ces premières semaines de travail avec les leaders institutionnels et économiques de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ?
J’ai senti ici un état d’esprit très positif, je ne sais pas si c’est propre à la culture provençale, mais c’est agréable de travailler, car le réflexe n’est pas de dire « c’est long, c’est compliqué ». Il y a une volonté des leaders économiques et des collectivités d’avancer et d’être vis-à-vis de l’État dans une démarche de travail collectif. Il y a aussi une volonté et une conscience du fait que si l’on se disperse, on risque proportionnellement à d’autres territoires de ne pas réussir à capter les fonds du Plan de relance.
En quoi consiste la mission d’un sous-préfet à la relance ?
La position de sous-préfet choisi par l’État était pour acter la vocation interministérielle du dispositif qui comporte deux volets. D’abord, faire connaître le contenu du Plan de relance qui, il faut le dire, est compliqué, et communiquer auprès des professionnels : organisations patronales, syndicales, consulaires, collectivités territoriales évidemment, le secteur associatif… que j’ai rencontré presque immédiatement après mon arrivée.
Les réseaux bancaires aussi, le Crédit Agricole et la Caisse d’Épargne, pour ne pas les citer, parce qu’ils sont embarqués dans l’économie des territoires. Par le biais du prêt garanti par l’État (PGE), ils ont aussi une bonne perception de la situation des entreprises. L’autre volet, c’est la mise en œuvre du Plan de relance.
Justement, comment envisagez-vous son application concrète sur le territoire ?
Mon objectif, c’est que le Plan ne soit pas hors sol. Qu’il ne soit pas déconnecté des réalités du territoire. Pour être efficace, il faut partir des projets qui existent déjà, portés par les collectivités territoriales, par les acteurs associatifs… Partir des besoins des chefs d’entreprises et voir comment le Plan peut y répondre. Parfois, c’est simple, car il y a un dispositif existant, d’autres fois c’est un peu plus compliqué.
Je n’ai pas vocation à me substituer aux élus locaux ou aux chefs d’entreprises qui connaissent mieux que moi les besoins. Il s’agit donc aussi de les accompagner dans l’accès aux dispositifs, et aider notamment dans le cadre des appels à projets nationaux, afin d’être en avance de phase, avant même le dépôt des dossiers. Tous les 15 jours, un comité de suivi départemental avec un pilote de projet dans chacune des filières ministérielles se réunit, avec l’objectif qu’au 31 décembre 2021 que tous les marchés soient passés, sinon l’argent sera déployé à d’autres fins.
Quels sont les critères de sélection d’un projet et la méthode utilisée ?
La question qu’on se pose est : « Est-ce qu’il peut être mis en œuvre rapidement pour soutenir les entreprises et avoir un effet immédiat ? » Ici, le choix a été fait d’intégrer les crédits de relance sur la période 2020-2022 au Contrat d’avenir, signé la semaine dernière à Toulon, entre l’Etat et la Région. On travaille main dans la main avec les services d’instruction de la Région pour plus de lisibilité et les décisions sont concertées.
Concrètement, chaque entreprise qui dépose un dossier sur la plateforme PBI est soumise à un avis d’opportunité préalable direct, puis une instruction BPI et du service Région. Un comité commun et une « task-force » se réunissent ensuite toutes les deux semaines. La validation et le concours financier se font donc conjointement. « Territoires d’industrie » est un bon exemple de ce qui fonctionne et que l’on peut dupliquer sur tous les chapitres du plan.
Le volet industriel de France relance baptisé « Territoires d’industrie » a acté le soutien de 253 projets en France. A ce jour, combien d’entreprises ont été soutenues dans la région ?
Dans la région Sud, cet appel à projet, complété par une intervention financière de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur a déjà permis de financer 21 entreprises qui portaient des projets de développement sur le territoire, pour un montant total de plus de 25 millions d’euros d’investissement, 13 millions d’euros d’aides publiques, et qui devraient permettre la création de près de 320 emplois. [lire encadré].
Ce qui a présidé au choix, c’est de concentrer les investissements. Sur des critères financiers d’opportunités, on a un listing et, à un moment donné, si on doit donner 400 à deux ou 800 à un, nous avons choisi la deuxième option pour être sûrs que l’investissement réponde aux besoins, plutôt que de « saupoudrer » et que finalement rien ne se passe.
L’écologie est au cœur du plan de relance. Sur 100 milliards d’euros, 30 milliards sont consacrés à la transition écologique. Qu’est-ce que représentent ces investissements verts dans la région ?
Dans le cadre de la transition écologique, la priorité est la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et dans notre pays, les enjeux principaux sont le logement et les transports. Sur le logement, l’État commence à balayer devant sa porte avec notamment le lancement d’un appel à projets sur la rénovation des bâtiments de l’État, en particulier des universités, pour éviter les passoires thermiques. La région Sud est la mieux servie sur ce point.
À l’échelle nationale, la rénovation des bâtiments d’État représente 452 projets pour 280 millions d’euros. En région, 140 projets pour 180 millions d’euros dans le département. Pour la métropole Aix-Marseille Provence, ce sont 207 projets de rénovation de bâtiments publics de l’État pour 146 millions d’euros. Cela comprend d’importants projets comme la création du centre de simulation médicale de l’université d’Aix-Marseille, mais aussi beaucoup de petits projets : changer les chaudières, les fenêtres, les toitures… qui vont soutenir aussi les entreprises du bâtiment dans un contexte où le seuil des marchés publics a évolué.
Sur ce volet commandes publiques justement, quelle est la stratégie ?
Les Fédérations du Bâtiment et des travaux publics, que j’ai eu l’occasion de voir à plusieurs reprises, sont inquiètes pour leurs carnets de commandes 2021, car en 2020, elles ont plutôt travaillé sur des projets antérieurs. Pour elles, l’enjeu ce n’est pas que des millions soient affichés, mais que l’argent soit effectivement dépensé. On réunit tous les 15 jours un comité de la commande publique, collectivité par collectivité, pour savoir où en sont les projets et pouvoir passer à l’action, avec l’idée que même si le premier semestre est déjà un peu compliqué, on ne rate pas le second.
Comment la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné est-elle mise en œuvre dans le cadre du plan de relance sur le territoire ?
À l’échelle nationale, c’est 7 millions d’euros. Nous avons d’ailleurs eu une conversation sur ce sujet dès la première semaine avec le président de la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille Provence. L’enjeu est d’arriver à prioriser et sélectionner un certain nombre de projets que je ne veux pas dévoiler pour l’instant, mais nous travaillons ensemble pour voir ce qui est le plus pertinent.
Parfois, le Plan de relance est perçu comme une concurrence entre les territoires, mais c’est la manière négative de le voir. À l’échelle du département, rien n’interdit d’aller chercher des synergies, bien au contraire, sur ce sujet notamment.
Total et Engie ont annoncé mercredi 13 janvier la signature d’un accord de coopération pour concevoir and-site-dhydrogene-vert-en-france/ » target= »_blank » rel= »noopener noreferrer »>le projet « MassHylia », le plus grand site d’hydrogène vert sur électricité 100% renouvelable en France, implanté à Châteauneuf-les-Martigues en région Sud. Ce projet peut entrer dans le cadre du Plan de relance ?
Les appels à projets pour développer la filière hydrogène dans le cadre du Plan de relance sont en cours. C’est un projet massif qui est susceptible d’y rentrer et qui pourra être expertisé par l’Ademe, mais nous n’en sommes pas encore à ce stade, c’est-à-dire au stade du résultat.
ArcelorMittal s’oriente vers une production décarbonée de l’acier notamment à Fos-sur-Mer. Êtes-vous confiant pour l’avenir du site ?
Le site est candidat de l’appel à projets décarbonation de l’industrie. Il y a une volonté de la part des services de l’État de les accompagner. Le site a aussi été candidat à « Territoires d’industrie » et nous sommes en train de voir comment aboutir là-dessus, mais je suis confiant. Il y a une volonté de soutenir l’industrie et de le faire dans une logique d’avenir.
On est sur la décarbonation, et non sur le :« il faut à tout prix reproduire les emplois d’hier ». J’ai rencontré France Nature Environnement, qui a été invité au comité départemental. Nous travaillons avec eux, et, au sein même des services de l’État, il y a une volonté de tenir les exigences de relance économique avec les exigences environnementales.
Un dernier mot sur la cohésion sociale…
Malheureusement, au regard de la situation, il y a encore les mesures de sauvegarde avec le chômage partiel de longue durée. Dans les Bouches-du-Rhône, nous sommes à 70 000 demandes, et 45 000 établissements accompagnés. On déploie le dispositif #1jeune1solution pour l’emploi et la formation, lancé fin novembre. C’est un peu tôt pour tirer un premier bilan, mais les premières tendances montrent que sur le contrat d’apprentissage et professionnalisation sont encourageantes.
Il y a aussi le volet « Quartiers politique de ville » sur lequel nous sommes plutôt sur une augmentation de crédits et des actions ciblées et accélérées à la faveur de ce Plan. Et bien sûr, l’inclusion numérique pour lequel le Conseil départemental est leader, et l’Etat accompagne. « Digiconsult » de la CCIAMP a très bien fonctionné pour accompagner la digitalisation des entreprises.