À la sortie du comité de pilotage hebdomadaire en préfecture des Bouches-du-Rhône, plusieurs élus locaux ont réagi aux annonces du Président de la République. Michèle Rubirola et Maryse Joissains sont en « colère » contre le gouvernement.
La situation n’est plus celle d’il y a quinze jours. À la sortie du comité de pilotage organisé en préfecture des Bouches-du-Rhône, Renaud Muselier, président de la région Sud a réagi aux annonces du Président de la République, notamment sur l’instauration du couvre-feu sur le territoire métropolitain détaillé en début d’après-midi par Jean Castex.
Cette fois, le sentiment d’injustice vécue par Aix-Marseille, qui s’est cristallisée ces dernières semaines avec la fermeture des bars et des restaurants, n’est plus tout à fait de rigueur. « Ce n’est pas du tout la même ambiance que la dernière fois, où on était les seuls punis, déclare Renaud Muselier. On est tous traités de la même manière au niveau national. Aujourd’hui, la totalité de la métropole est concernée ».
En effet, le préfet a confirmé que 90 communes de la métropole étaient sous le coup du couvre-feu et pas seulement les villes d’Aix et Marseille. Même si les élus ont tenté de faire diminuer le périmètre, « le préfet a été intraitable ». Les élus ont tout de même salué l’écoute dont il fait preuve, contraint de mettre en application les consignes de l’Elysée.
Je suis présent aux côtés du @Prefet13 et de l’ensemble des élus d’@AMPMetropole. Ce moment de concertation et d’échange avec l’Etat est fondamental. A l’issue, j’annoncerai les mesures d’urgence prises par @MaRegionSud pour soutenir les secteurs directement touchés. #CouvreFeu pic.twitter.com/IFynDAijHw
— Renaud Muselier (@RenaudMuselier) October 15, 2020
À l’occasion du Copil, le directeur régional de l’Agence régionale de santé et le président de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille ont présenté une situation sanitaire « extrêmement alarmante », poursuit Renaud Muselier.
« Vivre à Noël, c’est ça l’enjeu »
Dans les hôpitaux Universitaires de Marseille – AP-HM, aujourd’hui, au total 157 patients Covid-19 sont hospitalisés : 45 patients Covid en réanimation et 112 patients Covid en hospitalisation et aux urgences. « On est tous bien conscients qu’il y a trois formes de Covid : celui de la nuit, de la famille, et celui de l’entreprise. Aujourd’hui, on essaie de couper les chaînes de transmission », ajoute Renaud Muselier. « Et si on écoute l’ARS, cela fait un mois qu’on aurait dû appliquer cette mesure ».
L’élu est en contact avec le Premier ministre, Jean Castex et le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire « pour être en phase avec ce qui a été annoncé tout à l’heure, de façon à ce que l’on empêche tout le monde de se noyer. Tout le monde veut travailler, mais on va essayer de freiner cette crise sanitaire de façon à ce qu’on passe les fêtes de Noël et être opérationnel jour et nuit à ce moment-là. Et vivre à Noël, c’est ça l’enjeu ».
Il pointe toutefois, « l’absence de vision » du conseil scientifique et du ministère de la Santé, notamment durant la première vague. « Être responsable, républicain et ne pas appeler à la désobéissance civile, ne veut pas dire que l’on peut gober n’importe quoi, sous prétexte qu’on croit savoir et qu’on est soi-disant un sachant ».
Si Renaud Muselier prend acte de cette décision « particulièrement difficile », qui impacte tout un pan de l’activité économique du pays, elle ne passe pas pour la maire LR d’Aix-en-Provence. Maryse Joissains estime que ces nouvelles mesures ne sont pas concertées et « décidées par des technocrates qui ne réalisent pas que leurs décisions vont avoir un impact sur l’ensemble de la France. On est tous catastrophés. On a un préfet extraordinaire, mais il y a des ordres qui viennent de plus haut ».
« Comment peut-on ne pas être en colère ? »
Le représentant de l’État a même tenté de faire évoluer les horaires du couvre-feu, afin qu’ils soient moins restrictifs. En vain. « Face à l’injonction d’en haut, il n’a pas pu faire grand-chose », ajoute Michèle Rubirola, la maire de Marseille, tout aussi remontée que son homologue aixoise.
Les deux femmes étaient venues défendre leur commune. « Comment peut-on ne pas être en colère quand on voit que cette mesure frappe au mauvais endroit ? », déclare Michèle Rubirola.
Pour l’élue écologiste, cette disposition gouvernementale ne « résoudra pas la cause principale qui est quand même, quoi qu’on en dise, l’abandon de l’hôpital public depuis des années ».
Elle ajoute que le couvre-feu ne prend pas en considération les populations précaires. « On sait où l’on se contamine, dans les milieux professionnels, les restaurants d’entreprises, dans les transports en commun surchargés. Et là, on va taper sur quelques petits moments festifs que l’on pourrait s’octroyer et surtout sur tout un secteur d’activité qui souffre et le milieu culturel qui se voit encore plombé et oublié de tous ».
Une situation « kafkaeïnne »
Et de poser son diagnostic : « Ce qu’il faut, c’est soigner. Soigner précocement et être en capacité de prendre en charge toutes ces personnes malades ». Pour elle, « il n’y a pas de politique de dépistage efficace : qui on dépiste, comment on dépiste. On traite tout le monde à la même enseigne. C’est ça qui est déplorable ».
Idem, pour Maryse Joissains pour qui l’application du couvre-feu sur l’ensemble de la métropole n’est pas justifiée : « J’en pleurerais », lâche-t-elle, avec émotion.
Situation « aberrante », scénario « kafkaïen », sans mâcher ses mots, l’édile lance « qu’arrêter toute une partie de l’économie de cette manière-là, c’est meurtrier ! On va tuer une profession qui en a déjà pris plein la figure [la filière de la restauration, ndlr], nous avons des étudiants qui travaillent dans les restaurants pour arrondir leurs fins de mois… ». Et au regard des événements, elle qui n’a jamais souhaité rentrer dans la métropole, persiste et signe.
« Maintenant, à moi de faire en sorte que la filière économique, mes salariés, mes entreprises ne crèvent pas », estime Renaud Muselier.
En plus des 272 millions d’euros annoncées la semaine dernière, la Région lance la création d’un « guichet unique Covid-couvre-feu, pour les secteurs touchés doté de 60 M€ réaffectés pour traverser la crise ».
Le monde économique demande des réponses et de l’anticipation
Le monde économique, lui, demandé une réunion « précise » avec le préfet de région pour pouvoir communiquer aux entreprises sur les règles à appliquer sur des questions de prévention, retour au travail, quarantaine… « On ne peut pas continuer à constater les chiffres et a posteriori, prendre des mesures, il faut se mettre en situation en amont », exprime, à son tour, Jean-Luc Chauvin, président de la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille Provence.
Pour l’heure, les demandes du monde économique restent lettre morte : « On a demandé à faire des tests dans les entreprises, on n’a pas de réponse claire, à faire une campagne de vaccination contre la grippe pour éviter que le symptôme grippal puisse faire penser à un symptôme de la Covid et mettre en quarantaine préventive des personnes. On n’a pas de réponse. On marche sur la tête dans ce pays ! »
Sur les mesures détaillées par Bruno Le Maire, le monde économique veut « des réponses concrètes. On a juste besoin de savoir quel est le cadre, mais ce cadre il bouge sans arrêt ».
L’arrêté sera effectif à compter de vendredi soir minuit. Dernier service, et dernière ouverture…