L’annulation de la Foire internationale de Marseille est jugée « catastrophique » pour les exposants, les professionnels de l’événementiel et la Safim, société organisatrice, dont la survie est remise en cause. Alors que les collectivités et institutions ne peuvent apporter leur aide, ou se renvoient la balle, l’État apparaît comme le seul capable de sauver la situation.
Elle se tient chaque année depuis 1924. La Foire de Marseille se dirigeait vers sa 96e édition consécutive avant que le couperet tombe, à 10 jours de l’événement. Face à la reprise de l’épidémie de Covid-19, le préfet des Bouches-du-Rhône, Christophe Mirmand, a annoncé ce lundi 14 septembre « l’annulation des événements de grande ampleur », avant de balayer toute ambiguïté : « je pense à la Foire Internationale de Marseille ».
Des mots prononcés alors que les exposants étaient en cours d’installation de leur stand. « Nous avons tout de suite pensé à eux et avons envoyé des messages pour qu’ils stoppent tout », explique Stéphane Journiat, commissaire général de la Foire de Marseille et directeur commercial du Parc Chanot, pour la Safim.
Pour les exposants, un chiffre d’affaires de « 85 millions d’euros qui s’envole »
« Nous les avons appelé un par un », poursuit-il. « Un moment difficile avec des témoignages poignants de déception et de vraies difficultés. Certains ont déjà du prendre des mesures de licenciements. On peut être réellement inquiet sur la survie de cette filière aujourd’hui ».
Car pour les 800 exposants, c’est un chiffre d’affaires de « 85 millions d’euros qui s’envole », assure Stéphane Journiat (et à peu près autant de retombées économiques pour le territoire selon la CCI Marseille-Provence). « Beaucoup d’entre eux sont à l’arrêt depuis mars et comptaient sur la Foire pour reprendre l’activité ». L’événement aurait été salvateur pour une partie des exposants dont ces rassemblements restent l’activité principale. « Mais il y a aussi les commerçants locaux pour qui la Foire vient booster le chiffre d’affaires annuel, dont elle peut représenter 50 % ».
Comme pour enfoncer un peu plus le clou, le commissaire général de la Foire rappelle qu’en plus du manque à gagner, cette annulation représente des pertes : « les exposants avaient commandé des marchandises, réservé des hôtels… Qu’ils ne récupéreront pas ». Seule compensation prévue pour le moment : « la Safim remboursera la location des emplacements à 100 % ».
Même séisme du côté des acteurs de l’événementiel impliqués. Un secteur que la crise sanitaire a « déjà mis en danger de péril, et qui représente 350 000 emplois ».
La Safim « en danger »
Pour la Safim, organisatrice de la Foire et gestionnaire du parc Chanot, c’est un choc. « C’est catastrophique. L’existence de la société est aujourd’hui mise en danger », déclare Stéphane Journiat. « Le remboursement de nos exposants et les frais engagés ne seront pas compensés avec un chiffre d’affaires à zéro ». Les pertes se chiffrent en millions d’après le commissaire de la Foire. Ce « qui représente un tiers de notre chiffre d’affaires annuel ». Côté assurances, « les risques liés à la pandémie ne sont pas couverts ».
Pour palier à cette situation, le président de l’UPE 13, Philippe Korcia, a demandé au préfet de motiver l’arrêté par un cas de force majeure et non en raison de la Covid-19. Les assurances pourraient ainsi couvrir une partie des pertes.
La CCI et la Région se renvoient la balle
À la suite de l’annulation de la Foire, ce 14 septembre, le président de la CCI Aix-Marseille-Provence, Jean-Luc Chauvin, appelait « à la mise en place par la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur et l’Etat d’un dispositif spécifique d’indemnisation des pertes de CA pour les entreprises, les exposants et les acteurs de l’événementiel afin d’éviter un véritable tsunami pour notre économie ».
« Je recommande au Président de la CCIAMP de mobiliser ses moyens financiers », répond très directement, ce mardi, le président de la Région Renaud Muselier, par voie de communiqué. Il rappelle que le fonds « territorial et solidaire » n’a pu aboutir « en raison de son illégalité ». Lancé par le Département des Bouches-du-Rhône, la Métropole Aix-Marseille-Provence et les chambres consulaires, il était doté de 50 M€, dont 500 000 de la CCIAMP qui devait piloter sa gestion. Le gouvernement a en effet rappelé que le Département n’a pas la compétence économique et y a mis un coup d’arrêt.
Renaud Muselier avance que les dispositifs régionaux « ont permis en seulement 6 mois d’injecter plus de 700 millions d’euros d’aides, de soutenir 400 000 entreprises et associations et de sauver 20 000 emplois […] Je recommande au Président de la CCIAMP de mobiliser ses moyens financiers disponibles pour trouver le mécanisme de péréquation qui permettra de dédommager les entreprises concernées », conclut-il, tout en invitant, tout de même, à agir « unis ».
La balle au centre : l’État
Les balles se renvoient donc d’une institution à l’autre sans qu’une aide concrète pour l’annulation de la Foire de Marseille ne soit aujourd’hui sur la table. Les acteurs et élus locaux semblent se mettre d’accord sur l’institution qui devra mettre la main à la poche : l’État. « Nous sommes en discussion depuis de nombreux mois, et elles vont s’intensifier ces prochains jours », explique Stéphane Journiat. Des échanges qui se tiennent via le Syndicat des activités événementielles (SAE). Ce dernier exige d’ailleurs du gouvernement « un plan de sauvetage massif pour l’industrie du spectacle et de l’événementiel ».
Le #SAE soutien l’alerte lancée par #SYNPASESYNDICAT, pour un plan de soutien spécifique d’urgence pour la filière événementielle #Jesuislevenement #alerterouge #laisseznoustravailler @RenaudMuselier @Prefet13 @R_Bachelot #protocoledaction pic.twitter.com/pY0Fbt5zDv
— Syndicat des Activités Événementielles (@SyndicatAE) September 14, 2020
Dans ce sens, Alain Gargani, président de la CPME13 en appelle officiellement au préfet des Bouches-du-Rhône pour qu’il « propose et décrète un protocole sanitaire pour sauver la filière de l’évènementiel ».
Pour Benoît Payan, premier adjoint à la maire de Marseille, présent aux côtés du préfet lors de l’annonce des mesures : « L’État doit prendre en considération les entreprises marseillaises, apporter une contribution importante à ces activités. Il ne faut pas rester les bras ballants devant toutes ces manifestations qui s’arrêtent […] Marseille n’assumera pas seule l’immense poids de cette crise sanitaire ».
L’appel est donc clairement lancé à l’État par les acteurs et élus du territoire. Ce dernier semble, pour eux le seul, en mesure d’aider les entreprises à surmonter ce coup dur, et à la Foire de Marseille d’assurer son avenir.