À Marseille, la droite est dans la tempête. Samedi, une perquisition a eu lieu au QG de campagne de Martine Vassal. Une enquête a été ouverte sur de possibles fraudes aux procurations, dans le cadre du second tour des municipales. Ses adversaires n’ont pas manqué de réagir.
À Marseille, la campagne des municipales prend un autre tour. Et la droite est dans la tourmente. Samedi matin, une perquisition a eu lieu au local de campagne de la candidate Les Républicains, Martine Vassal. Une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Marseille, vendredi soir, sur un possible trafic de vote par procuration.
La justice doit tenter d’établir l’existence de possibles « manœuvres frauduleuses » et de « faux et usages de faux ». « La justice fait son travail, elle vérifie si des infractions ont été commises et à qui les imputer », a déclaré à l’AFP, la procureure de la République Dominique Laurens.
Cette enquête fait suite aux récentes révélations de France 2 et Marianne. En effet, jeudi, la chaîne et l’hebdomadaire ont mis en lumière l’existence d’un système potentiellement frauduleux de procurations, qui aurait été mis en place par au moins deux colistières de Martine Vassal, notamment dans les 6-8e ainsi que dans les 11-12 arrondissements de Marseille.
Ces dernières auraient envoyé des SMS à des administrés pour leur proposer de « simplifier » la procédure de procuration, et ainsi leur éviter de passer au commissariat. Une étape pourtant obligatoire.
« Si ces faits sont avérés, ils sont inacceptables »
Après la diffusion de ces reportages dans les médias, Martine Vassal réagit en ces termes : « J’apprends que des procurations concernant le second tour des élections municipales auraient pu être réalisées en non-conformité avec les procédures en vigueur », écrit-elle dans un communiqué de presse, avant de condamner ses actes. « Si ces faits sont avérés, ils sont inacceptables. Je n’admets pas que quiconque puisse enfreindre les règles », condamne la candidate LR.
Elle affirme, par ailleurs, qu’elle en tirera « le cas échéant toutes les conséquences », demandant « à celles et ceux qui auraient pu y contribuer de se mettre en retrait de la campagne et de leurs mandats s’ils venaient à être élus ».
J’apprends que des procurations concernant le second tour des #electionsmunicipales auraient pu être réalisées en non-conformité avec les procédures en vigueur. Si ces faits sont avérés, ils sont inacceptables. Je n’admets pas que quiconque puisse enfreindre les règles. pic.twitter.com/UOnRZDICvi
— Martine Vassal 2020 (@Vassal2020) June 12, 2020
Le Printemps Marseillais lance une « opération de contrôle citoyen »
Dans la foulée, les autres candidats et adversaires n’ont pas manqué de faire part de leur indignation. « Toutes les clarifications doivent être apportées avant la date du second. Marseille n’est pas une zone de non-droit », a réagi dans un communiqué de presse, le Printemps Marseillais, qui a fait de l’urgence démocratique, une des priorités de son programme. « Nous voulons que la loi s’applique à Marseille. Bien sûr, les candidats ont le droit d’accompagner leurs électeurs pour trouver un mandant à leur procuration. En revanche, cela doit se faire devant un officier de police judiciaire ».
Le mouvement, dont la candidate Michèle Rubirola est arrivée en tête au premier tour, a décidé de lancer une « opération de contrôle citoyen », pour vérifier les procurations déposées dans les locaux de la mairie. « Nous contrôlerons chaque jour l’inflation des procurations, les bureaux dans lesquels elles se tiennent et nous dénoncerons si nous constatons des irrégularités ».
Le Printemps Marseillais affirme avoir « contrôlé 4595 procurations incomplètes », sur lesquelles « manquaient déjà la date à laquelle », elles ont été effectuées, « et le nom de l’officier de police judiciaire devant qui la procuration est signée ». Des informations étant obligatoires.
Même Bruno Gilles, ex-LR, y est allé de son commentaire. « J’en appelle donc une nouvelle fois à la responsabilité de chacun, et notamment à celle du Préfet, du Procureur de la République et de l’administration municipale en charge des opérations électorales. Si les procurations en question sont identifiées comme douteuses, elles doivent être annulées », déclare le candidat, qui a reçu le soutien de Martine Vassal dans son secteur du 4-5 pour le second tour. « Je le répète, une nouvelle fois, une énième fois même depuis des mois et des mois : Marseille mérite mieux que ces pratiques ».
Les procurations douteuses doivent être identifiées et annulées !
L’État est le garant du respect des règles et des lois de la République. Il est urgent qu’il prenne enfin ses responsabilités à #Marseille.
Retrouvez mon communiqué de presse ⤵️ pic.twitter.com/Dr0SeJWXqB
— Bruno Gilles (@brunogilles13) June 12, 2020
La Préfecture des Bouches-du-Rhône rappelle les règles
La situation a également fait réagir la Préfecture des Bouches-du-Rhône. Pierre Dartout, préfet des Bouches-du-Rhône et Emmanuel Barbe, préfet de police des Bouches-du-Rhône, ont tenu à rappeler les règles du vote par procuration en vue du second tour des élections municipales prévu le 28 juin prochain.
Ils rappellent également que les « maires doivent veiller à la bonne application des règles », et doivent« s’assurer de la régularité des procurations. Le jour du scrutin, les membres du bureau de vote s’assurent de l’identité du titulaire de la procuration et son inscription sur la liste d’émargement et le registre dédié ». Une circulaire leur sera adressée prochainement.
Le mail douteux d’Yves Moraine
Outre l’enquête en cours, de nouveaux éléments apparaissent sur la récolte des procurations. Sur les réseaux sociaux circule une capture d’écran, notamment diffusée par le candidat écologiste Sébastien Barles, qui a rejoint le Printemps Marseillais.
Il s’agit de mail émanant du maire (LR) du 6-8e Yves Moraine, dont la teneur relève d’un démarchage électoral personnalisé. « Si vous avez besoin de procurations dis le moi, je viens et on les fait ensemble, pas besoin de se déplacer », conclut son message.
Interrogé par France 3, Yves Moraine ne nie pas avoir écrit ce mail. L’avocat affirme qu’il ignorait être hors la loi, et ne voit pas le mal en la démarche. « Nous pensions que les conditions de vérification de l’identité seraient assouplies vue la situation sanitaire. Et qu’une simple signature suffirait », explique l’avocat et soutien de Martine Vassal.
Le président de groupe LR au conseil municipal est, par ailleurs, revenu sur la genèse de cet e-mail chez nos confrères de Marsactu : « J’ai envoyé une quinzaine de messages de ce type destinés à des gens qu'[il] connaî[t] bien », confie-t-il au média d’investigation marseillais. « Je leur proposais de remplir avec eux les documents. Pourquoi je fais ça ? Parce que je suis en campagne électorale, et que je veux les inciter à aller voter. On remplit ensemble deux formulaires Cerfa et ensuite, j’avais deux possibilités : d’abord, j’ai pensé que les conditions d’enregistrement pourraient être simplifiées avec par exemple seulement des vérifications de signatures et sinon, qu’ils iraient au commissariat. » Il justifie également ce mail : « Il n’y a aucune illégalité, les procurations n’ont pas été enregistrées ».
Stéphane Ravier saisit le ministre de l’Intérieur
Pour Stéphane Ravier, candidat RN, « d’ores et déjà, la responsabilité morale et politique de Martine Vassal est évidemment engagée», dénonce l’élu dans un communiqué de presse. Le sénateur des Bouches-du-Rhône a saisi le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner « responsable de l’organisation des élections, de saisir la justice pour garantir la sincérité du scrutin ».
Les deux femmes ayant sollicité des procurations pour Martine Vassal ont été entendues samedi.