Après un quart de siècle à la tête de la ville de Marseille, le maire (LR) Jean-Claude Gaudin, a présidé le dernier conseil municipal de sa mandature. Entre débats, hommages et remerciements… Une page de l’histoire politique marseillaise se tourne incontestablement. 

Costume noir, cravate couleur violine. Il n’est pas encore 8 h 30 et comme à son habitude, Jean-Claude Gaudin, accompagné de sa garde rapprochée, s’installe dans son siège. Celui qu’il occupe depuis 1995, date à laquelle il accède, pour la première fois, à la fonction de maire de Marseille. Durant 25 ans, l’homme de droite ne l’a jamais quitté. Indétrônable. Mais comme il le dit « nul ne peut arrêter l’horloge du temps ». Alors, même si le temps n’est pas (encore) à la « nostalgie », l’heure de sa dernière séance a sonné.  

Alors que les élus prennent place lentement dans cet hémicycle, qu’il a d’ailleurs lui-même inauguré en 2006, le maire de Marseille s’apprête à présider son ultime conseil municipal, après quatre mandats consécutifs. Un quart de siècle que sa voix assurée, parfois éraillée, tonne et résonne dans l’enceinte marseillaise ; calmant les ardeurs de ses détracteurs, avec fermeté, humour parfois, impatience… 

L’ex-sénateur n’a eu de cesse de défendre sa vision et sa gestion de Marseille. Une ville « où tout n’a pas été bien fait et où il reste encore beaucoup à faire », il le redit, et dans laquelle il a tenu tête aux élus de l’opposition, qui – de l’extrême gauche à l’extrême droite – ont dénoncé les dysfonctionnements de la deuxième ville de France ; usant de phrases chocs, de discours minutieusement travaillés et de grandes envolées lyriques. À ce jeu-là, les opposants ne diront pas le contraire, le maire n’a pas son pareil. Impassible aux attaques, avec son sens de la formule, il a souvent, voire presque toujours, le dernier mot. 

1965-2020

Des interventions souvent ponctuées d’anecdotes historiques. De temps à autre, accompagnées de ce claquement de la main sur le pupitre, pour ponctuer ses mots, rythmer ses phrases ou mettre un point final au débat. Des réponses, soigneusement rédigées et habilement communiquées, par l’un de ses fidèles bras droit. Jean-Claude Gondard, le directeur général des services, à sa droite, pour murmurer à l’oreille de « l’animal politique », qui, comme le maire, tire aussi sa révérence. 

, Dernière séance pour le maire (LR) de Marseille, Jean-Claude Gaudin, Made in Marseille
Jean-Claude Gondard aux côtés de Jean-Claude Gaudin. © L.E.

De ces six dernières années, Jean-Claude Gaudin retient des débats « riches, parfois vifs et souvent de très grande qualité, pas toujours respectueux du temps de parole officiel de chaque groupe politique, mais comment aurait-il pu en être autrement, quand la passion les inspire ? La passion de Marseille, le goût de l’action au service du public, nous les partageons tous, quelles que soient nos convictions politiques », a déclaré le maire dans son ultime discours dans l’hémicycle. 

Les remerciements « sincères » étaient de mise, à l’attention de son équipe municipale, dont il a « apprécié le soutien permanent », qui a permis, dit-il, aux 30 000 rapports qui ont défilé au gré des multiples conseils d’être votés « à l’unanimité pour 80%. Ensemble, nous avons fait avancer Marseille, et je suis fier de ce qui a été réalisé, malgré les difficultés de ce temps. Le temps, justement, en sera le meilleur garant », poursuit l’ancien président de Région, réaffirmant la « passion » qu’il nourrit pour Marseille. Elle l’anime depuis ses premiers pas de benjamin en 1965. 

 

« Cette passion, mesdames et messieurs, entretenez-là, elle est essentielle pour la vitalité de notre démocratie, dans une période où sont souvent oubliés les fondamentaux de la République », déclare-t-il, mesurant « la chance »  qui a été la sienne de « vivre en qualité de maire au quotidien, durant 25 ans ». 

Et ce message adressé aux Marseillais, qui lui ont « renouvelé » leur confiance : « La responsabilité est lourde, mais le bonheur est immense d’œuvrer pour le présent et ouvrir des chemins pour l’avenir ».

« L’un des derniers monuments de la politique française »

Les applaudissements, longs et appuyés des élus debout, ont ensuite laissé place aux paroles de Benoît Payan. Quelques mots émus pour ce dernier temps fort de la vie politique marseillaise. Plus que souvent critique à l’égard de l’édile, en désaccord sur la vision, l’élu socialiste n’a pas dressé « le bilan, ni même d’oraison ou d’éloge, ce n’est ni le lieu, ni le moment », et parce que « bien naïfs sont ceux qui pensent que vous allez prendre retraite à quelques jours d’une élection municipale ».

Les deux hommes se sont toujours opposés, « avec respect », et même s’ils ne partagent pas les mêmes convictions, Benoît Payan a salué « la force de son engagement », retraçant et saluant son parcours. L’élu mesure la chance d’avoir pu défier Jean-Claude Gaudin, « non pas sur son terrain favori, celui des élections, mais dans cet hémicycle ». 

C’est, ici, qu’il a fait ses « armes, face à l’un des derniers monuments de la politique française », avant d’utiliser la parabole : « Vous avez dédié votre vie à la politique comme d’autres le font à la foi. Vous êtes entré en politique comme d’autres, le font dans les ordres », rappelant « qu’il n’est l’héritier de rien » et que « rien n’était écrit pour le fils d’un maçon ». 

« Un monstre… de drôleries et de remarques acerbes »

Un discours accueilli par les applaudissements nourris de l’ensemble des élus. Jean-Marc Coppola (PC) plus critique, a exprimé sa « fierté d’avoir servi l’intérêt général, l’action publique au cours de ce mandat difficile, sans moyens, évincé de l’accès à certaines informations auxquelles a droit un élu », tout en souhaitant que la nouvelle majorité écrive « l’histoire avec une encre d’une autre couleur ».

Puis autre style, autre discours. Surprenant. Loin des invectives habituelles, Stéphane Ravier (RN) n’a pas chanté les louanges de « la gloire de nos maires », même si ses propos du jour étaient largement inspirés des œuvres de Marcel Pagnol. 

Pour le sénateur et candidat à la mairie, le « temps des secrets est terminé », lui qui estime avoir « été le témoin privilégié d’un monstre… de drôleries et de remarques acerbes, de bonhomie et d’amour pour sa ville, un monstre politique qui a dévoré ses enfants les uns après les autres espérant la vie éternelle. Vous serez éternel. Vous avez marqué l’histoire de cette ville, en bien, en moins bien et quelques fois de façon très critiquable ».

Quand Jean-Claude monte au Sénat et que Gaudin reste à Marseille

Il a appris à connaître le maire au Sénat, et avoue avoir découvert un autre homme, « affable, sympathique, très poli », respectueux des « convenances » et du « respect de l’esprit républicain ». 

Il lui semblait même d’ailleurs que « Gaudin restait à Marseille et que Jean-Claude montait au Sénat. Loin de ses cerbères… » Et de conclure par une invitation, quel que soit le résultat du scrutin de mars 2020 : « Lorsque vous serait à la retraite, je vous propose qu’on passe une demi-journée ensemble, vous me montrerez votre ville et je vous montrerai la mienne ». 

« Allez, la séance est levée ! »

Enfin, avant de baisser le rideau, Yves Moraine s’est exprimé, en tentant de contenir son émotion. « J’ai un peu de mal à y croire, mais il fallait bien que cela arrive un jour…»  Lui aussi a rendu hommage à son « mentor », qui a consacré 60 ans de sa vie à Marseille, et dont il se plaît citer les écrits : «  j’aime la politique aussi passionnément que j’aime Marseille, il est inutile de me dire lequel l’emporte dans mon cœur, les deux y sont viscéralement liés ». 

Puis, une dernière fois a retenti ce fameux « allez, la séance est levée ! »

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