A deux pas de l’église des Réformés, à Marseille, l’Eclectique mixe coffee shop la journée et bar à bières – artisanales – pour l’apéro, dans une « Part Faite » harmonie à la marseillaise.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce lieu est atypique. Et pour cause, il ressemble à ses propriétaires. Vaquant à leurs occupations, tantôt derrière la machine à café, au comptoir, au service… Personne ne soupçonne d’ailleurs qui sont les patrons de cet espace qui casse les codes, où l’éthique et l’ethnique forment un savoureux mélange « éclectique ».
C’est le petit nom de ce coffee shop d’un genre nouveau. La journée, il propose de déguster et, plus encore, de découvrir des cafés d’Ethiopie ou du Brésil, avant de se transformer en bar à bières en début de soirée ; le tout épicé d’une cuisine originale bio aux saveurs d’ailleurs le midi et des pâtisseries maisons à toute heure.
Le partage et la coopération
Loin des espaces aseptisés livrés clés en main, dans ces 60 m2, « il y a une âme et c’est en constante évolution », sourit Davin Irakoze, qui a ouvert l’Eclectique, il y a quelques mois, à deux pas de l’église des Réformés.
Certes, il reste quelques menus travaux mais « on fait tout à la main, on prend le temps qu’il faut, et bien sûr on fait en sorte que le personnel puisse travailler dans de bonnes conditions, et naturellement que les clients soient aussi bien reçus ».
D’ailleurs, certains, séduits par le concept contribuent à leur manière, à l’image de ce ferronnier d’Ici Marseille qui a spécialement réalisé un lustre des plus étonnants.
Entre le mobilier chiné à Emmaüs – favorisant l’économie circulaire – et le savoir-faire, le partage et la coopération sont au cœur de la philosophie de vie de Davin et ses acolytes.
L’art de faire un bon café !
Ici, il est aussi de bon goût de se laisser séduire par un café réalisé dans la plus pure tradition des artisans torréfacteurs. « Aujourd’hui, tous les cafés sont torréfiés de la même manière, pour s’adapter au marché, pour que le consommateur soit content, mais en oubliant de mettre en valeur le produit en lui-même, explique Davin. On ne peut pas torréfier un café d’Ethiopie, comme on torréfie un café du Rwanda, ou du Brésil. De même qu’un arabica ne peut pas être torréfié de la même manière qu’un robusta… »
C’est déjà suivant cette réflexion qu’il a ouvert Deep, dédié à la torréfaction, son premier établissement dans la cité phocéenne, à proximité du Vieux-Port.
Au Burundi, son pays natal, nombre de familles, comme la sienne « ont planté les graines de café après la colonisation. La culture nous a permis d’aller à l’école. » S’il rêvait d’un autre destin en posant ses valises en Europe, il s’est lancé dans une démarche pédagogique.
Comme pour le vin, ce sommelier du café souhaite (re)donner à cette boisson du quotidien (la plus bue dans le monde après l’eau) ses lettres de noblesses, pour le bonheur des palais. « Pourquoi beaucoup mettent du sucre dans le café ? C’est absurde. C’est pour couvrir l’amertume qui, en soit, devrait être appréciée justement, lorsque le café est correctement torréfié. De même, l’acidité n’est pas quelque chose de mauvais dans un café ».
La recherche de l’équilibre
Crus, terroirs, botanique… Davin maîtrise la torréfaction aux paramètres hydrométriques, est en recherche perpétuelle de l’authenticité et d’un équilibre subtil pour conserver les arômes, préserver les notes de cacao, noisette… « L’extraction ne se fait pas de la même manière selon la mouture. Chaque café est préparé différemment », alliant technique et soin, avec la petite touche finale : « le latte art ».
Au-delà du savoir-faire, le barista attache une importance primordiale à la traçabilité du produit, gage de qualité mais aussi de goût. « D’une région à l’autre, en fonction de l’altitude, la récolte est différente et il faut en tenir compte », explique Davin, qui travaille exclusivement avec des coopératives agricoles locales des pays dans lesquels il s’approvisionne.
Et pour assurer la bonne conservation du produit et garantir une explosion d’arômes en bouche, du transport jusqu’à la tasse, il veille au grain.
Une démarche éco-responsable
Le café est certes un peu plus cher qu’ailleurs, pas parce qu’il fait « payer » la préparation, « mais pour que le producteur soit rémunéré de la même manière que moi, il n’y a pas de raison que je prenne plus, alors qu’ils sont déjà lésés ».
D’ailleurs, à l’Eclectique, on peut payer en roue, cette monnaie locale : « C’est fidèle à nos valeurs. Je pense que lorsque tu t’intéresses réellement à un produit, il y a des valeurs qui vont avec. On ne peut pas dire qu’on vend, par exemple, la meilleure bière artisanale et ne pas avoir de démarche éco-responsable », sourit-il.
Cette bière dont il parle, c’est la « Part Faite », brassée à ses débuts « avé » l’accent, dans le quartier historique de Saint Loup, puis désormais en pays d’Aix. C’est avec les brasseurs marseillais, Laure et Gonzalo Araque, que Davin s’est associé pour ouvrir l’Eclectique.
Ateliers de dégustation, crêperie et bar à cocktails
Davin ne compte pas s’arrêter là. Il prévoit de mettre en place des ateliers de dégustation de café. « Les clients ne savent souvent pas faire la différence entre les différents crus, à nous de leur enseigner. Selon l’éducation du palais, les découvertes gustatives sont d’ailleurs différentes d’un client à un autre. Selon s’il aime manger épicé, plus gras… les notes seront différentes », poursuit Davin, qui aspire dans son quotidien à ce que « les gens puissent se passer du sucre dans le café, qu’ils en apprécient les qualités comme les défauts ».
L’Eclectique verra aussi des chefs locaux se succéder pour venir concocter des petits plats bios, dans lesquels le café et la bière auront aussi toute leur place.
Au-delà de ces projets, porté par le désir d’entreprendre, Davin ouvrira dans quelques semaines, une crêperie et un bar à cocktails toujours dans le quartier. « Ça sera pareil, des petits espaces », véhiculant les mêmes valeurs.
> 30 Cours Joseph Thierry, 13001 Marseille.