Un nouveau jardin partagé vient d’ouvrir ses portes dans le quartier de Saint-Mauront à Marseille. Dans l’arrondissement le plus pauvre de la ville, il représente plus qu’un espace d’agriculture urbaine : il pousse à tisser du lien social.
« Elles sont délicieuses ces tomates ! ». Cet habitant du quartier de Saint-Mauront vient de cueillir le fruit à même le plan, au milieu d’un potager géant. Pourtant, l’ambiance n’est pas vraiment végétale lorsqu’on arrive sous la passerelle de l’autoroute A7, dans le 3ème arrondissement de Marseille. Mais une petite oasis de verdure vient d’ouvrir ses portes, et il y pousse en rangs serrés courgettes, tomates et immenses plans de maïs.
Le jardin partagé Arzial a été inauguré ce mercredi 9 octobre dans la rue Félix Pyat. Une quarantaine d’habitants du quartier, jardiniers aguerris ou non, partagent les 420 m2 de terre. Ils sont répartis en petites parcelles cultivées par deux à trois personnes.
« Tout est bio ! » explique Monique Cordier, adjointe au maire de Marseille aux espaces naturels, parcs et jardins et développement durable. « Ni pesticide, ni engrais, les jardiniers-citoyens sont tous sous conventionnement de notre charte bio votée en conseil municipal ». Le projet, implanté sur un terrain de la Ville, est géré par les habitants sous la tutelle du centre social de Saint-Mauront.
Ainsi, Marseille compte aujourd’hui deux hectares de jardins collectifs et partagés. « Le résultat d’une politique menée depuis 10 ans, qui s’est renforcée ces dernières années », reprend Monique Cordier. « Nous atteindrons bientôt cinq hectares dans la ville », s’avance-t-elle.
« On partage bien plus qu’un jardin »
« Fraises, piments, poivrons, tomates, maïs, melons, coriandre, céleris… » À peine visible dans son carré de jardin luxuriant, Mohamed Barka énumère une liste sans fin de ce qu’il y fait pousser. « Ça nous apporte environ la moitié de notre consommation de légumes », explique sa femme. Mohamed ajoute : « j’en donne à tout le monde, ça pousse tellement bien. J’ai récolté 80 kg d’oignons la dernière fois ».
Ce citoyen incontournable du quartier supervise bénévolement le jardin Arzial. « Je suis addict au jardinage », avoue-t-il, « et j’essaie de transmettre cette addiction aux jeunes du quartier qui traînent. C’est mieux que les drogues, non ? ».
« C’est un espace de rencontres, de sortie de l’isolement, et de santé nutritionnelle », clame Reda Debache. Dans l’arrondissement le plus pauvre de Marseille, le directeur du centre social de Saint-Mauront estime que ce nouvel espace public représente bien plus qu’un lieu d’agriculture urbaine. « Il y a de grandes carences en lieux de rencontres et d’animations dans le quartier. Aujourd’hui, pour les travailleurs sociaux, les jardins collectifs sont de vrais outils pour travailler sur le mieux-vivre ensemble et l’amélioration du cadre de vie ». En plus des 40 jardiniers, une trentaine de personnes pratiquent ce lieu pour des animations, des ateliers pour les écoles, des événements, où tout simplement y passer du temps.
Un espace public que les habitants s’approprient complètement selon Monique Cordier. « C’est autogéré, c’est magique, ça marche tout seul », se réjouit l’élue, appuyant sur la solidarité que peut engendrer un tel lieu.« On peut être voisin des années sans se dire bonjour. Ici, quand une parcelle est délaissée, on demande des nouvelles du jardinier, et on arrose son carré ».
« On partage bien plus qu’un jardin », poursuit la présidente du CIQ de Saint-Mauront, Claude Tabet. « On partage notre culture, du soutien, des sourires… Et on crée beaucoup de relations et de mixité sociale et de la convivialité ».
« Stop au béton, sauvons la chlorophylle »
L’homme à la main verte, Mohamed Barka, nous apprend pourtant qu’il existait déjà un jardin partagé dans le quartier, rue Guichard, « mais ils ont fait un projet immobilier dessus. J’ai pleuré quand ils l’ont fermé ». Le jardin Arzial est venu le remplacer, mais pour combien de temps ?
La convention signée avec le centre social arrive à échéance en 2024. La maire de secteur Lisette Narducci (sans étiquette) entend bien pérenniser le jardin, mais explique que « la mairie centrale a lancé il y a quelques années un appel à projets sur une surface qui comprend le jardin et des bâtiments alentours ».
Le projet est-il encore dans les cartons ? « C’est un jardin partagé ici, maintenant », explique Monique Cordier en guise de réponse, « on doit le préserver et ne pas construire dessus ».
Là-dessus, Mohamed est bien d’accord. « On n’a pas besoin de plus de constructions, mais de plus d’espaces verts. Stop au béton, sauvons la Chlorophylle ! ».