À six mois des élections municipales, faut-il s’inquiéter de ne voir aucun candidat officiellement désigné par sa famille politique dans la deuxième ville de France, hormis Stéphane Ravier (RN) ? Même si les prétendants à la mairie de Marseille ne manquent pas et sont à pied d’œuvre, la « rentrée politique » n’a pas contribué à éclaircir la situation locale. État des lieux.
Qui pour incarner le mieux la deuxième ville de France, ses habitants, son histoire, son âme ? À six mois des élections municipales, prévues les 15 et 22 mars 2020, aucun parti politique n’a encore officiellement désigné son candidat pour tenter de succéder à Jean-Claude Gaudin, si ce n’est le Rassemblement National (ex FN) avec Stéphane Ravier, déclaré depuis maintenant plus d’un an.
De mémoire d’homme politique, depuis la Seconde Guerre mondiale, cela ne s’était jamais vu. La nature de cette échéance électorale, historique, – le maire de Marseille depuis 25 ans tirant officiellement sa révérence – rend les décisions difficiles, le choix complexe, et ce, quelle que soit la famille politique.
Un spectacle « sidérant », se désole d’ailleurs Renaud Muselier, président de la région Sud, « parfaitement attentif à toutes les candidatures ». Celui qui s’est positionné en observateur averti au-dessus de la mêlée, préconisant ses recommandations pour la vie de la cité sous forme de dix commandements, a déclaré qu’il ne serait pas candidat à l’occasion de la présentation « Escales zéro fumée ». Mais quelques jours plus tard, il faisait sienne cette formule du maire LR de Marseille : « Quand on dit « jamais », ça veut dire « pas tout de suite » ». À la tête d’une puissante institution, il s’inquiète de ne voir émerger aucune solide candidature, ajoutant au désordre ambiant.
Martine Vassal sera candidate
À droite, Jean-Claude Gaudin n’a pas – encore – initié de stratégie ; si bien que l’hypothèse selon laquelle il ne souhaite pas mettre en place son successeur commence à faire sens. Après avoir déclaré « légitime » la candidature de Bruno Gilles, seul candidat officiellement en lice chez Les Républicains, il ne lui a pas apporté son soutien clair et entier. Après une petite pause estivale, le sénateur, entré en campagne il y a huit mois, est toujours dans le même état d’esprit : il ne « lâchera rien ».
Martine Vassal, présidente du Département des Bouches-du-Rhône, devrait mettre fin au suspense prochainement. Selon nos informations, la présidente de la Métropole Aix-Marseille Provence devrait officiellement annoncer sa candidature à la mairie de Marseille dans les prochains jours ; confortée par le travail réalisé au sein des groupes de travail de Marseille Métropole Audacieuse, dont elle livrera les conclusions aux Marseillais, ce jeudi 12 septembre.
Quid du duel ou du duo Gilles-Vassal ? Dans sa vision d’une nouvelle gouvernance, dans laquelle il prône l’exemplarité et le « ni système, ni extrême », Renaud Muselier pourrait s’abstenir de tout soutien « compte tenu de mon caractère » et « pour quel programme ? Avec qui ? Pour quoi faire ? », questionne-t-il, tout en prônant l’expérience politique indispensable pour gérer une ville comme Marseille.
Les marcheurs défilent… Pas encore en ordre de marche
À ce titre, le défilé de prétendants du côté des marcheurs n’est pas de nature à rassurer. Dans ces primaires de coulisses qui ne disent pas leur nom, le député Saïd Ahamada est le premier à avoir déclaré sa candidature à l’investiture LREM/MoDem. Confiant, il est le seul à jouir d’une « expérience politique ». Il avait d’ailleurs avancé son « expertise en gestion d’une collectivité territoriale », à l’occasion de la présentation de ses premiers grands axes de campagne. Après « mûre réflexion », c’est ensuite l’ancien président d’Aix-Marseille Université, Yvon Berland, qui a décidé de mener campagne.
Dans les starting-blocks, nous retrouvons également Jean-Philippe Agresti. Le doyen de la faculté de droit d’Aix-en-Provence n’a pas encore dit son dernier mot, et manifeste toujours sa volonté de travailler pour Marseille, comme il l’avait dit lors de la venue de Brigitte Macron, au mois de juin. Le patron de l’UPE13, Johan Bencivenga, se pose lui « les bonnes questions ». Quant à l’architecte Corinne Vezzoni, ira, n’ira pas ? Elle dit réfléchir, en mettant en balance son métier, poussée également par le désir de faire valoir une candidature féminine. Elle est également animée par les sujets de territoire qu’elle porte, à travers notamment ses projets pour le Grand Paris Express, le Havre, la métropole AMP et récemment Venise.
« C’est un exercice du pouvoir compliqué pour celui qui sera couronné roi, et il a nécessité d’être solide. Quand je vois telle ou telle personnalité se déclarer dans la presse… », lâche Renaud Muselier sceptique. « Je travaille avec les collectivités, j’ai besoin de stabilité en face, j’ai besoin de compétences, d’expérience, de renouveau… ce sont mes interlocuteurs. Il faut des gens un peu responsables en face ».
« Un maire ce n’est pas un enjeu partisan »
Si aucune des quatre personnalités pré-citées n’est encartée à La République en marche, elles étaient toutes présentes aux Universités d’été du mouvement à Bordeaux, le week-end dernier, tout comme le membre de l’Union des démocrates et écologistes, Christophe Madrolle. Candidat à la mairie de Marseille depuis plus d’un an, lui ne brigue pas l’investiture LREM mais un soutien du parti.
Un Campus des territoires au cours duquel le message délivré, d’une même voix, par François Bayrou (Modem) et Édouard Philippe, le premier Ministre, était clair : on ne s’improvise pas maire, on ne gagne pas une élection municipale grâce à l’étiquette d’un parti – fût-il présidentiel -, et enfin on ne construit pas un maillage local en un clin d’œil. Une mise en garde à l’attention des candidats LREM désireux de faire cavalier seul dans certaines villes de France, à l’instar de Marseille.
« Un maire, ce n’est pas un enjeu partisan, c’est quelque chose d’autre », a affirmé le patron du MoDem. « C’est une personnalité, une attention à ses concitoyens, une vision. Ça ne peut pas se résumer à un combat d’étiquettes. » À Marseille, si LREM a toujours eu pour partenaire le MoDem, au-delà, pourra-t-elle nouer d’autres alliances locales pour faire barrage au Rassemblement national ? Rien n’est moins sûr…
Dans ce paysage politique marseillais, le frontiste Stéphane Ravier, candidat à la mairie de Marseille, rêve aussi de ravir le trône. Bien implanté, il compte créer la surprise lors de ces élections municipales.
Les gauches marseillaises ou la quête de l’unité
Quant à la gauche, elle se scinde aujourd’hui en deux : une gauche incarnée par Samia Ghali. La sénatrice a créé son micro-parti « Marseille avant tout » et compte peser dans la campagne, à sa manière, sans pour l’heure dévoiler ses intentions. Puis il y a le rassemblement unitaire des forces de gauche composé de collectifs citoyens et de partis politiques PS, Parti communiste, Générations,… qui tente de trouver son mode de fonctionnement et construit actuellement son projet.
Quel que soit le candidat qui sera couronné maire, une autre question se pose aujourd’hui pour Marseille. Celle des compétences ? 15% d’entre-elles sont détenues par les mairies de secteur, environ 70% sont réparties entre le Département et la Métropole. Que reste-t-il sinon l’affichage politique ? « Le maire de Marseille, ce n’est quand même pas rien », avoue Renaud Muselier.