Le grenelle des violences conjugales se déroule dans toute la France jusqu’au 25 novembre. Poser le constat et trouver des solutions : le travail s’enclenche aussi à Marseille et dans les Bouches-du-Rhône, loin d’être épargnés par ce fléau.
Un chiffre glaçant : 101. C’est le nombre de femmes tuées par leur compagnon ou ex-compagnon depuis le 1er janvier 2019 en France. L’année dernière, ce chiffre est monté à 121. Selon les données officielles, chaque année, 220 000 femmes sont victimes de violences physiques ou sexuelles dans un cadre conjugal.
Le Grenelle des violences conjugales a débuté à l’échelle nationale ce mardi 3 septembre, et s’achèvera le 25 novembre. Une grande réflexion nationale, impliquant élus, professionnels et associatifs, qui devrait aboutir sur des engagements financiers et législatifs. Trois axes d’amélioration sont envisagés par le gouvernement pour tenter d’endiguer ce fléau : « prévenir » les violences, « prendre en charge » les victimes, et « punir » les agresseurs.
Un travail mené aussi à l’échelon local, avec 91 grenelles dans toute la France. Notamment à Marseille et dans les Bouches-du-Rhône, où la problématique est bien présente. L’occasion de faire le point.
vidéo : opération collage contre les féminicides à Marseille
Bouches-du-Rhône : « nous sommes le deuxième département le plus touché en France métropolitaine »
Julia Hugues, déléguée départementale au droit des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes à la préfecture des Bouches-du-Rhône, participe au grenelle local. « D’après un rapport de la police nationale en 2018 sur les morts violentes au sein du couple, nous sommes le deuxième département le plus touché en France métropolitaine », lance-t-elle pour poser le contexte. Avant d’égrener des chiffres : « 5 000 faits de violences conjugales ont été constatés en 2018 dans les Bouches-du-Rhône. Hors du cadre conjugal, 12 000 faits de violences faites aux femmes ».
• 5 000 faits de violences conjugales constatés
• 12 000 faits de violences faites aux femmes
Une réflexion nationale pour des actions de proximité
Si le grenelle se déroule localement, c’est que les enjeux des violences conjugales se jouent dans la proximité selon Julia Hugues. Sur les parcours judiciaires par exemple, du repérage via les commissariats, les enquêtes, les associations, les professionnels de santé, jusqu’à l’action judiciaire. « Il faut créer des liens entre tous ces acteurs. Nous avons créé un vrai partenariat pluridisciplinaire au fil des ans sur le territoire », assure la déléguée départementale au droit des femmes, « avec une animation de réseau et des réunions régulières pour améliorer le repérage, l’accompagnement et l’orientation ».
Car selon elle, la première difficulté est de repérer les violences conjugales. « Beaucoup de femmes ne sont pas dans la révélation de faits, pour des raisons diverses. C’est toujours dur de remettre en question toute la structure familiale quand on est mère. C’est aussi une question culturelle, certaines ne se considèrent pas victimes ».
Daniela Lévy participe également au grenelle local des violences conjugales en tant que porte-parole d’Osez le féminisme 13. Si elle partage le constat de la difficulté pour les victimes de s’exprimer, elle met l’accent sur celle de les écouter : « Selon le commissariat, on n’est pas reçu de la même manière. La culpabilisation des victimes ou l’inversement des responsabilités sont encore trop souvent constatés », explique-t-elle, « sur ce sujet, la formation des personnels est primordiale ».
La déléguée départementale au droit des femmes estime que ce sujet est pris à bras le corps sur le territoire. Si Marseille a été la première ville à former la police aux outrages sexistes – entrés dans la loi contre le harcèlement sexiste dans la rue et les transports en 2018 – Julia Hugues rappelle « qu’une formation continue sur la question des violences conjugales est déployée pour les enquêteurs de police. Mais il faut sensibiliser plus largement, et créer plus de lien entre la police et les acteurs locaux (santé, associatif, politique) ».
Les violences faites aux femmes dépassent le cadre conjugal
Le grenelle local des violences conjugales aura pour mission de faire l’état des lieux et de proposer des solutions à petite et grande échelle. « À chaque réunion, nous faisons un état des lieux et mettons en place des solutions territoriales », explique Julia Hugues. « C’est lorsque l’on n’a pas les moyens d’agir au niveau local qu’il faut faire remonter les problématiques au niveau national ».
Et si la mise en place du grenelle des violences conjugales semble témoigner d’une prise de conscience politique de la question, « il ne sera efficace si on prend en compte la dynamique globale », rappelle Daniela Lévy. « Il faut réfléchir en termes de parcours de bout à bout, arrêter de sectionner. Et donner lieu à une véritable loi cadre, un plan Marshall, qui ne concerne pas que les violences conjugales, mais les violences sexistes en général ». Osez le féminisme milite d’ailleurs pour la reconnaissance du « féminicide » dans le droit français.
L »association ne manque pas de rappeler que le nerf de la guerre se situe aussi dans le porte-monnaie. Le rapport « Où est l’argent contre les violences faites aux femmes ? » établi par des organes publics et associatifs* estime entre 500 millions et 1 milliard d’euros annuels, le budget minimum nécessaire pour un parcours adéquat de sortie des violences. Contre 79 millions aujourd’hui.
Numéro d’écoute national destiné aux femmes victimes de violences, à leur entourage et aux professionnels concernés.
Appel anonyme et gratuit 7 jours sur 7
* : le Conseil Économique, Social et Environnemental, la Fondation des Femmes, le Fonds pour les Femmes en Méditerranée, le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes et Women’s WorldWide Web