La tendance des makers ne cesse de gagner du terrain ces dernières années. Regroupés dans des espaces de coworking pour mutualiser leurs moyens, ces artisans nouvelle génération pourraient bien être en première ligne d’une quatrième révolution industrielle.
Alors que la mondialisation et la digitalisation articulent notre système économique, un phénomène à contre-courant modifie en profondeur le visage de l’artisanat traditionnel depuis quelques années déjà.
Les makers sont des artisans orientés dans une démarche de « Do It Yourself », tournée vers la technologie et la création en groupe, avec des ateliers à partager et des salles de réunions à la carte.
Le mouvement est né aux Etats-Unis au début des années 2000, derrière une idée simple, celle d’un retour du « faire soi-même » dans une société gagnée par la dématérialisation. Concrètement, la culture makers a une volonté de ré-humanisation, de création de lien social, et de maîtrise des innovations numériques.
Make it Marseille, innover grâce au faire ensemble
Décorateur, encadreur d’art, scénographe… tous s’attellent à leurs tâches sur le grand plan de travail du fablab de Make it Marseille. C’est au 108 rue Breteuil à Marseille (6e) que l’enseigne a pris place en 2016. “Il y a autant d’usages de Make it Marseille que de personnes. Un tiers des membres vient à temps plein, et vit l’espace comme son unique lieu de travail” explique Emmanuelle Roy, co-fondatrice de Make it Marseille.
Carmilla, encadreuse d’art, ponce un grand cadre en bois. Elle est membre du makerspace depuis son ouverture : « Normalement, un encadreur travaille dans sa propre boutique, mais moi je ne voulais pas être seule. J’ai donc cherché un atelier partagé, parce que c’est une ambiance particulière. Ici, on travaille tous ensemble et il y a un esprit de famille ».
Ces nouveaux bricoleurs 2.0
Coworking, salle de réunion, fablab, atelier de production… D’une surface de 450 m2, le lieu s’articule “de l’espace le plus silencieux au plus bruyant” suivant le parcours logique de la conceptualisation à la fabrication.
Fondé par Emmanuelle et son mari Vincent, le projet à pour but d’aboutir à la création d’un “écosystème vivant, via la promotion de savoir-faire traditionnels liés aux innovations numériques”. Pour ce faire, l’espace partagé unit “acteurs de la création et acteurs du changement dont les idées vont participer à la transformation de notre société » précise Emmanuelle. Make it Marseille, c’est donc la rencontre d’univers créatifs différents dans une optique de co-construction.
L’idée est née de plusieurs constats. Lorsque le couple arrive à Marseille en 2012, c’est pour son” vivier créatif et associatif très important” qu’il est d’abord séduit. L’enjeu est alors multiple, puisqu’il s’agit de valoriser les acteurs indépendants « du faire » au sein de l’économie territoriale, mais aussi de replacer la production matérielle en centre-ville. « Face à une société qui se digitalise, il est important de retrouver du sens, de revenir au concret. Et Make it Marseille invite à remettre les mains dans la matière en vivant des expériences qui changent du quotidien et qui favorisent les échanges humains” poursuit la fondatrice.
Vers une quatrième révolution industrielle ?
La volonté première des makers n’est pas de faire disparaître le métier d’artisan, mais au contraire de l’enrichir avec des formations aux machines à commande numérique. D’ordinaire très coûteux et complexes à utiliser, ces outils sont traditionnellement réservés aux industriels. Pourtant, ils se sont démocratisés au travers des fablab, un phénomène absolument révolutionnaire pour les pratiques artisanales.
C’est justement la mise à disposition de ces machines qui ont poussé Chris Anderson, rédacteur en chef de Wired, à s’interroger en 2012 dans son livre « Makers : la nouvelle révolution industrielle », sur l’avènement d’une révolution industrielle portée par ces nouveaux bricoleurs. En effet, la culture des makers apporte une transformation conséquente aux modes de production classiques. Traditionnellement, “une personne ne pouvait pas agir de l’idée à la production” , argumente Emmanuelle, “ c’est une révolution car désormais les indépendants et les petites entreprises peuvent mûrir une idée, la concevoir, la dessiner, la prototyper et la fabriquer en petite série”.