L’usine d’alumines Alteo à Gardanne conditionne désormais une grande partie de ses déchets industriels sous forme de Bauxaline. Un produit valorisable dans la métallurgie, la construction et la dépollution selon le groupe qui cherche des débouchés localement.
La nouvelle station de traitement au CO2 des eaux résiduelles de l’usine d’alumines de Gardanne sera opérationnelle « dans les prochaines semaines », selon Éric Duchenne, directeur industriel et développement durable du groupe Alteo. Le groupe avait en effet annoncé qu’avant la fin de l’année 2019, les rejets en mer dans les calanques devraient respecter les normes de qualité concernant le PH et les concentrations métalliques fixées pour le 31 décembre 2021.
Alteo souhaite faire un pas de plus vers moins de pollution en valorisant les déchets industriels. En partenariat avec la Chambre de commerce et d’industrie Marseille Provence (CCIMP), le groupe compte développer la filière industrielle locale pour la réutilisation « à grande échelle » de la Bauxaline.
Ce produit, concentré des résidus industriels de l’usine, comporte des propriétés valorisables dans de nombreux domaines selon Alteo. « Nous avons réussi à valoriser 10 % de nos résidus sur les dix dernières années », avance Frédéric Ramé, président d’Alteo, « mais nous avons la ferme volonté d’aller beaucoup plus loin en atteignant les 100 % grâce à cette démarche ».
Dépollution, construction, sidérurgie, des débouchés locaux pour les déchets industriels
Selon l’usine d’alumines, la Bauxaline présente des propriétés intéressantes dans différents domaines. Dans le bâtiment par exemple, où elle pourrait servir de matière première secondaire pour les matériaux de construction. Elle peut remplacer les billes d’argile ou le gravier utilisés dans le ciment, avec, selon Alteo, « des qualités phoniques et thermiques supérieures ».
Paradoxalement, ce résidu de déchet industriel présenterait également des propriétés intéressantes dans la dépollution. Elle agit, selon le groupe, comme « une éponge à métaux et permet de capturer plus de 99 % des polluants métalliques et des phosphates dans l’eau et les sols ».
Enfin, la Bauxaline serait exploitable dans la sidérurgie en tant que « complément pour la fabrication d’acier », qui permettrait selon Alteo, « d’économiser des ressources non-renouvelables importées ».
Sur ces trois débouchés, le groupe entend développer des filières locales afin de valoriser la totalité de ses déchets, soit 360 000 tonnes par an selon Éric Duchenne : « Il faudra plusieurs années, peut-être dix, pour y arriver », tempère le directeur industriel, tout en évoquant les aciéries et cimenteries à proximité d’Alteo. C’est la raison du partenariat développé avec la CCIMP : travailler avec les acteurs locaux concernés pour développer les filières industrielles de proximité susceptibles d’utiliser la Bauxaline.
Les défenseurs de l’environnement sur leur garde
Henry Augier est président de l’Union calanques littoral (UCL). L’association est un acteur majeur de la défense environnementale contre les rejets polluants d’Alteo et fait partie du Comité de surveillance et d’information sur les rejets en mer (CSIRM). « La valorisation des déchets et la nouvelle station de traitement au C02, ce sont des progrès. Mais on est loin de régler la question de la pollution générée par Altéo », explique Henry Augier. « Sur la valorisation des déchets sous forme de Bauxaline, nous attendons de voir ce que ça donne concrètement ». Le président d’UCL évoque notamment des réticences d’industriels de la métallurgie à utiliser ce produit à cause de sa toxicité.
La question des rejets liquides qui continuent de s’écouler dans les calanques reste préoccupante pour l’ancien scientifique, défenseur de l’environnement. « L’eau résiduelle est évidemment moins chargée en polluants que les boues rouges qui s’écoulaient jusqu’en 2015. Mais elle est toujours polluée et le débit est de 270 mètres cube par heure. Les boues rouges se déposaient au fond de l’eau et ne bougeait plus. L’eau résiduelle est douce, elle a donc tendance à remonter et diffuser la pollution avec les courants ».
Le directeur de Alteo reconnaît que ces rejets dépassent encore les valeurs fixées par arrêté préfectoral (quatre valeurs dépassées sur les huit non-dérogatoires : mercure, zinc, chrysène, phénantrène), « mais selon les scientifiques, l’impact des rejets en mer est aujourd’hui imperceptible », conclut-il.