Le rapporteur public du tribunal administratif de Marseille a demandé l’annulation de la délibération du conseil municipal sur le PPP des écoles. Ce mode de financement faisant appel au privé pour un milliard d’euros, est particulièrement contesté par des collectifs d’habitants et des élus d’opposition.
Depuis plus d’un an, le collectif « Marseille contre les PPP » est parti en croisade contre le projet de partenariat public privé (PPP) pour la rénovation et la construction de 34 écoles primaires à Marseille. Ce plan d’une valeur d’un milliard d’euros menacerait « d’endetter les Marseillais sur 25 ans » selon le collectif et les opposants au projet. Le rapporteur public sollicité en vue du passage devant le tribunal administratif aujourd’hui a demandé l’annulation de la délibération initiale du conseil municipal. Un coup dur pour ce projet tant décrié.
Le rapporteur public va demander demander l’annulation du projet de PPP des écoles à Marseille. Une première victoire qui en appelle d’autres !
Ma réaction : https://t.co/Pjr9PeG2jO— Benoît Payan (@BenoitPayan) 28 janvier 2019
En octobre 2017, nous vous en parlions (ici) la ville de Marseille votait un plan de reconstruction de 34 écoles publiques sur les 444 que compte la ville, évoquant alors de nombreux arguments favorables comme la rapidité d’exécution du projet dans sa globalité et la faisabilité financière. Le mode de financement alors évoqué était le recours au partenariat public privé (PPP). C’est cette délibération qui est visée par le rapporteur.
Les réactions des élus socialistes marseillais
L’élu d’opposition Benoit Payan (PS) n’a pas tardé à se féliciter de cette prise de position : « C’est avec espoir et satisfaction que j’ai pris connaissance des conclusions du rapporteur public concernant le projet de PPP des écoles à Marseille. Ce que nous dénonçons sans relâche depuis le vote du PPP en Conseil municipal est désormais acté par le rapporteur public du tribunal administratif de Marseille : jamais l’avantage du PPP sur une gestion publique n’a été démontré par la Ville de Marseille.[…] D’ici quelques jours, le tribunal rendra son délibéré. Ne perdons pas plus de temps dans des montages financiers baroques et injustes. J’appelle donc la Mairie de Marseille à abandonner son projet de PPP. Il en va de l’avenir de nos écoles et de la conception que nous avons d’une politique publique efficiente et concertée. »
Samia Ghali n’a pas tardé non plus à prendre la parole pour se féliciter de cette décision « J’apprends que le rapporteur public du tribunal administratif de Marseille va conclure (…) à l’annulation de la délibération voté par le conseil municipal sur le PPP sur les écoles Marseillaises. Il s’agit d’une victoire immense de tous les opposants au projet de la droite Marseillaise. Par cette décision, le rapporteur public confirme l’absurdité du financement de ce plan que nous dénonçons depuis son élaboration. Il est regrettable qu’en démocratie le seul recours que les Marseillais ont eu pour s’opposer à ce projet soit une procédure judiciaire, mais j’espère que ce revers va faire changer de méthode la majorité municipale. Si cette décision se confirme, un nouveau plan devra être établis et j’appelle le maire de Marseille à l’élaborer dans la concertation et la discussion avec les collectifs, les citoyens et l’ensemble des élus. Je réitère aujourd’hui, ce qui est au cœur du combat pour une école digne, à savoir la réalisation d’un audit indépendant de l’ensemble des écoles. C’est l’acte indispensable qui nous permettra d’établir un plan financier à la hauteur des enjeux et des travaux équitables dans l’intérêt de tous les marseillais. »
Une pétition qui dépasse les 10 000 signatures
Du côté de l’opposition, Benoit Payan (PS) et Jean-Marc Coppola (PC) se sont dressés contre ce projet dès le départ et ont lancé une pétition, tout comme le collectif « Marseille contre les PPP ». Les opposants estiment qu’il est possible de « financer la rénovation des écoles marseillaises pour 300 millions d’euros de moins » via une procédure habituelle de marché public.
Leur pétition vient de dépasser les 10 000 signatures, et continue d’engranger chaque jour de nouveaux soutiens. Ce cap des « 10 000 » permet aux élus d’opposition de présenter la pétition au conseil municipal et de rouvrir le débat si les signataires sont titulaires d’une carte électorale. Il faudra donc procéder rapidement à une vérification et d’ici le mois d’avril, le débat pourra reprendre.
« Le temps est venu de construire des écoles neuves là où il peut y avoir un danger. (…) Le projet prévoit la démolition et la reconstruction de 34 écoles (…) et la création d’ici à 2025 de 6 nouveaux groupes. (…) Le PPP permet d’agir immédiatement. (…) La livraison des premières écoles est attendue pour 2021. La pétition lancée par deux élus, a réuni 10 000 signatures, ainsi le sujet sera évoqué s’il le faut au conseil municipal dans les 3 mois suivants le dépôt en application du règlement intérieur du conseil municipal, et après vérification de la commune de résidence des 10 000 signataires de la pétition. Nous continuerons le vote le 4 février, de toute façon, on a déjà tout voté. (…) Et le maire qui viendra, s’il veut, il l’annulera ! » s’est exclamé Jean-Claude Gaudin à l’occasion des voeux à la presse, le 21 janvier.
Les propositions des opposants à la place du PPP
Le collectif évoque la nécessité de mettre en place les actions suivantes :
- « Réaliser une reconstruction-rénovation avec une MOP (maîtrise d’ouvrage publique)
- Conserver la gestion publique du projet et de la maintenance des écoles
- Effectuer un prêt auprès de la banque européenne (avec des taux très bas)
- Obtenir un prêt spécial auprès de l’Etat, face à la situation catastrophique
- Réaliser un audit sur les besoins de l’ensemble des écoles marseillaises
- Bâtir un plan pluriannuel d’investissement dans les écoles »
Vidéo du collectif Mad Mad, opposé au PPP des écoles
Un PPP à 40 millions d’euros par an sur 25 ans, justifié par la majorité de Jean-Claude Gaudin
Pourtant, le choix de la ville de Marseille s’est porté sur le PPP comme mode de financement pour diverses raisons. D’abord, selon la majorité municipale, parce qu’il permet d’étaler la dette, car l’argent n’a pas à être déboursé immédiatement, mais sur plusieurs décennies. Dans le cas des écoles, la ville devrait rembourser la somme de 40 millions d’euros par an pendant 25 ans. Ensuite, parce qu’il permet d’agir très vite et de réaliser rapidement une quinzaine d’écoles.
Il y a un an, Roland Blum, conseiller municipal en charge des finances, nous confiait « Nous allons dorénavant va devoir économiser sur les dépenses de fonctionnement (Ndlr : charges de personnels, gestion courante…), mais surtout sur les dépenses liées à l’investissement. Aujourd’hui, la ville de Marseille investit entre 180 et 200 millions d’euros chaque année. Nous saurons que nous devrons payer environ 40 millions d’euros pour les écoles et 10 millions d’euros pour le stade dans le cadre de leurs PPP respectifs, donc cela réduira notre marge de manœuvre pour l’investissement ».
Un débat qui s’invite dans la course aux élections municipales 2020
Récemment, dans un entretien « Clap ! Politique » accordé à made in marseille, le candidat LR à la mairie de Marseille en 2020 Bruno Gilles estimait que les « PPP [devaient] être ré-étudiés ».
Martine Vassal, présidente de la Métropole et du Département, qui ne ferme pas la porte à une candidature municipale en 2020, a évoqué lors de ses voeux le 18 janvier dernier, une position qui n’est pas figée et doit se réfléchir « La question du PPP concerne aujourd’hui que 14 écoles (Ndlr : cela correspond à la première phase des 34 écoles). Pour ces écoles, la procédure est lancée. Ce que je proposerai à l’occasion de l’élaboration du programme de la prochaine municipalité qui se présentera à la ville de Marseille, c’est de regarder combien ça nous coute et ce que ça nous a rapporté. Est-ce qu’on a les moyens de faire autrement ? Parce que si ça nous coute de l’argent, je proposerais qu’on les arrête. Il faut regarder si la sauce n’est pas plus chère que le poisson… Et surtout les délais ».