S’il y a un sujet qui revient souvent lorsqu’on parle des transports en commun, c’est bien celui de la gratuité. Dans la région marseillaise, seule Aubagne l’a mise en place, et ce depuis 2009. Alors, cette gratuité est-elle transposable dans une grande ville comme Marseille ? Analyse.
« Avec nos ambitions en matière d’écologie et d’urbanisme, il y a forcément un équilibre budgétaire à trouver. On ne peut pas se passer de la billetterie ». Jean-Pierre Serrus, vice-président de la métropole chargé des transports, donne le ton en conférence de presse lorsqu’il évoque la gratuité des transports en communs. Si elle a été mise en place à Aubagne, la gratuité des transports ne semble pas dans les plans de la métropole et de la RTM. Mais serait-elle réellement viable à Marseille ?
La gratuité des transports : qu’est-ce que c’est ?
Si ce concept semble simple de prime abord, la gratuité des transports existe sous différentes formes, selon les lieux où elle est mise en place. La forme la plus simple est bien sur la gratuité totale des moyens de transports urbains, pour tous, et tout le temps. Cependant, elle peut parfois être soumise à certaines conditions : gratuité sur certains trajets, uniquement le week-end ou uniquement destinée aux résidents d’une ville… Cette solution est d’ailleurs celle pour l’instant mise en place à Dunkerque (Nord).
Plus près de chez nous, Aubagne a instauré la gratuité totale de ses transports publics en 2009, sur la ville mais aussi sur tout le territoire du Pays de l’Etoile. La mesure a généré le triplement de la fréquentation des transports en commun et un report modal (Ndlr : nombre d’automobilistes qui délaissent leur voiture pour prendre les transports en commun) de 35%, soit “5 000 trajets en voiture en moins chaque jour”, selon un article France info publié en 2014 : « 1,9 million de voyages payants en 2008. 4,8 millions de gratuits en 2013. Une hausse de 150 % dont les jeunes sont les premiers bénéficiaires. »
Une mesure qui sera conservée, même si les transports sont désormais gérés par la Métropole. « Les Aubagnais rassurez-vous : vos transports resteront gratuits », assure Jean-Pierre Serrus.
Un financement complexe
Les principaux arguments de ceux qui sont « pour » et ceux qui sont « contre » la gratuité des transports, présentés dans cette infographie.
Si un usager doit payer son titre de transport pour prendre son bus, metro ou tramway, il ne s’agit pas de la seule source de recettes de la RTM. En effet, la mise en circulation de tous ces moyens de transport se fait grâce au chiffre d’affaires de la billetterie, mais aussi grâce à la contribution de la « taxe transports », payée par toutes les entreprises de plus de 9 salariés. Viennent ensuite s’ajouter à tout cela les fonds des collectivités, ici de la Métropole Aix-Marseille-Provence, financés par les impôts. Ce système de financement en trois parties se voit donc totalement déséquilibré en cas de passage à la gratuité. « Il nous faut 350 millions d’euros par an pour faire tourner le manège, dont 30% liés à la billetterie », explique Maxime Tomasini, président du conseil d’administration de la RTM. Cette part là représente le coût du papier des billets, mais aussi de l’entretien des machines de vente, du personnel de vente et des contrôleurs, de la publicité et du marketing… Environ 115 millions d’euros de dépenses annuelles disparaitraient donc en cas de passage à la gratuité. On peut également prendre en compte une partie des 25 millions d’euros consacrés à la « lutte contre la fraude et l’insécurité », les deux n’étant pas dissociables selon la RTM.
Cependant, si les transports ne sont pas gratuits malgré toutes ces dépenses, c’est que la billetterie est forcément plus que rentable, et ce pour participer efficacement au processus de financement.
Un modèle applicable à Marseille ?
« Ce qui est faisable pour certains ne l’est pas pour tous », affirme Jean-Pierre Serrus, en évoquant la possibilité de transposer la gratuité à Marseille. Le vice-président de la Métropole y est donc fermement opposé, mais est-ce vraiment faisable dans la deuxième plus grande ville de France ? Si l’on se pose actuellement la question, c’est tout simplement car aucune autre grande municipalité française n’a encore fait ce choix.
En effet, seules trois villes de plus de 100 000 habitants proposent des transports totalement ou partiellement gratuits à leur population : Dunkerque, Niort (Deux-Sèvres) et Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). De plus, ces trois villes là n’ont pas une clientèle aussi nombreuse qu’à Marseille, qui comptabilise plus de 900 000 voyages sur ses lignes chaque jour selon la RTM.
Les villes ayant instauré la gratuité récoltaient auparavant relativement peu grâce à la vente de tickets, surtout comparé à Marseille. Le financement des transports était donc en majorité pris en charge par les impôts ou les entreprises. Ce n’est par exemple pas du tout le cas en Île-de-France où les abonnements et billets représentent 50% du financement du réseau de transports selon Libération. Une part très importante à combler. Si l’offre de transport est moins importante à Marseille qu’à Paris, il paraît quand même compliqué économiquement de mettre en place un tel modèle dans une aussi grande ville.