L’opération « Dégun sans stage » revient à Marseille pour sa deuxième année consécutive. L’objectif : proposer 500 stages aux élèves de 3e d’établissements REP+ répartis dans l’ensemble des quartiers prioritaires de la ville. Le tout en partenariat avec les entreprises du territoire pour être sûr que les stages soient bénéfiques pour les collégiens et ainsi « faire tomber les barrières ».
L’initiative « Dégun sans stage », portée par l’entreprise marseillaise Provepharm Life Solutions et l’école Centrale Marseille, a été couronnée de succès en 2017. L’objectif pour cette première édition était d’atteindre 100 promesses d’embauche pour les jeunes de quatre collèges du 13e arrondissement. 120 offres de stages ont été déposées sur la plateforme et 70% a été pourvu. Contre 50% en moyenne pour les autres programmes de ce type. « Les offres qui n’ont pas été pourvues ont été mal comprises par les élèves ou ont été desservies par des problématiques de distance par exemple ou de crainte des familles que leur enfant soit dans certains environnements de travail », explique Mathilde Caboche, coordinatrice du dispositif.
Pour cette deuxième année, Provepharm et Centrale Marseille multiplient par cinq leur objectif. 500 promesses de stages sont attendues pour des stages qui se réaliseront entre novembre 2018 et mars 2019. De quatre collèges, l’opération s’étend également à neuf établissements REP+ (zone d’éducation prioritaire plus) de Marseille.
À savoir les collèges Jean-Claude Izzo (2e), Belle de Mai (3e), Alexandre Dumas et Edouard Manet (14e), Jules Ferry (15e) et Auguste Renoir, Edmond Rostand, Jacques Prévert, Stéphane Mallarmé dans le 13e arrondissement. Avec, à terme, la volonté de toucher les 23 collèges de ce type de la ville.
Une mobilisation contre les préjugés
Chaque année depuis 2005, les collégiens de 3e doivent en effet effectuer un stage d’une semaine entre décembre et janvier de l’année scolaire. Un stage d’observation qui peut révéler des vocations, conforter les jeunes dans leur projet professionnel ou encore… les décevoir.
C’est le constat dressé dans les collèges Rostand, Renoir, Mallarmé et Prévert, tous les quatre en REP+ dans le 13e arrondissement de Marseille. Gilles Blondel, principal du collège Edmond Rostand, s’aperçoit depuis quelques années que de nombreux collégiens de son établissement réalisent leur stage dans les commerces de proximité, dans des épiceries ou encore des snacks. Au final, « tout le monde trouve un stage, mais pour la plupart, c’est par dépit », affirme Christophe Baralotto, président de l’entreprise Provepharm Solutions.
Avoir plaisir à aller travailler ? Une idée inconcevable pour la grande majorité des collégiens, constate Gilles Blondel. « J’ai vécu l’expérience personnelle d’une collégienne de mon établissement qui était en décrochage scolaire en 4e mais qui, après avoir effectué son stage, a été surprise de voir que le personnel était content de venir travailler ». Une élève revenue transformée tant au niveau de son comportement à l’école que dans ses ambitions professionnelles. Le stage d’observation est un cap important selon le principal du collège Edmond Rostand car il « booste l’envie de poursuivre des études et de faire le métier souhaité ». Une triste réalité où les jeunes issus des quartiers Nord s’imposent eux-mêmes une « autocensure » tant au niveau des études que des entreprises ciblées, poursuit-il.
Faire le ménage, ranger des cartons ou plier des vêtements
Une mère d’élève est venue assister à la présentation de l’opération « Dégun sans stage » en mars 2017. « Je saurai à qui m’adresser lorsque ma fille cherchera un stage, pour le moment elle est en 5e mais c’est important de savoir que cela existe », estime-t-elle. Venue accompagner ce jour-là deux collégiens en classe de 3e, elle déplore les nombreux refus catégoriques auxquels font face les enfants des quartiers.
À force de portes fermées, les collégiens se dirigent vers des stages qui ne correspondent pas du tout à leurs ambitions. Ce jour-là, Seifdine, un élève en 3e au collège Auguste Renoir est venu découvrir le projet « Dégun sans stage ». Lui, nous raconte avoir fait son stage en décembre 2016 dans une agence d’intérim. « Moi, je voulais faire un stage au centre de formation professionnelle de l’OM car je fais du foot, j’aime le sport et les métiers qui bougent. Mais dans cette agence, je me suis retrouvé assis derrière un écran toute la journée et à ranger des cartons, ça ne m’a pas plu ». Une expérience dont il a su malgré tout en tirer des bénéfices. « J’ai appris à présenter un CV et à comprendre qu’il est très important de multiplier les chances et ne pas s’arrêter à une seule entreprise ».
Une opération qui tombe à point
Le projet « Dégun sans stage » semble faire des ravis. Et ce n’est pas Madame Thomas, la principale du collège Jacques Prévert qui dira le contraire. « C’est la première fois que des entreprises viennent à nous, il s’agit là d’une vraie main tendue aux collégiens », félicite-t-elle. Elle accueille le dispositif avec un engouement qu’elle ne cache pas. L’opération permettra aux élèves d’aller vers des structures « plus solides en termes d’image et de perspectives », car « beaucoup d’entre eux ne connaissent pas la plage, il y a une sorte de frontière à Frais Vallon ou Malpassé de laquelle ils ont du mal à sortir ».
« On peut intégrer ces entreprises dont on ne voit que les façades », affirme Christophe Baralotto avant de conclure : « Dégun sans stage c’est de l’énergie et de la mobilisation car collectivement on est toujours plus forts. Mais le plus gros du travail reste à venir : faire connaître le dispositif », conclut Christophe Baralotto.
Par Agathe Perrier