Après les attaques de Trump contre la communauté scientifique aux États-Unis, Aix-Marseille Université vient de lancer le programme « Safe place for science » qui a déjà reçu 60 candidatures américaines. La première recrue devrait signer dans les prochaines semaines.

« C’est un peu comme si des joueurs de NBA signaient dans des clubs français », plaisante un chercheur marseillais au détour d’une conversation. Depuis une semaine, « nous avons reçu une soixantaine de candidatures de scientifiques américains », explique plus sérieusement Denis Bertin, vice-président de l’Amidex.

Cette fondation d’Aix-Marseille Université (AMU) dispose d’un budget annuel de 26 millions d’euros. Elle vise à développer un pôle de recherche pluridisciplinaire de rang mondial sur le territoire. Mais sa mission a pris une autre tournure depuis l’arrivée de Donald Trump aux manettes des États-Unis.

Ses attaques contre la science provoquent un début de fuite des cerveaux outre-Atlantique. Dans ce contexte, l’AMU vient de lancer le programme « Safe place for science » (« un lieu sûr pour la science »).

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Cinq à dix recrues américaines d’ici la fin de l’année

Sa fondation Adimex prévoit 15 millions d’euros sur trois ans afin d’offrir « un environnement sûr et stimulant pour les scientifiques souhaitant poursuivre leurs recherches en toute liberté ».

« D’ici la fin de l’année, nous espérons accueillir entre cinq et dix recrues » en provenance des États-Unis, explique Denis Bertin. Le vice-président d’Amidex reçoit une dizaine de candidatures par jour depuis le lancement du programme. Il devra les trier en fonction de leur pertinence avec les capacités et thématiques de recherche du territoire.

Une première « grande chercheuse » américaine devrait signer « d’ici début mai », précise-t-il. Il faut dire qu’elle travaille sur des sujets mêlant la santé des mères et l’infectiologie sur des terrains africains. « Des thèmes en contradiction avec la politique des USA », rappelle Denis Bertin.

« Il y a de la peur partout, de la censure et de l’autocensure »

En effet, l’administration Trump a publié des listes de mots qui, s’ils sont présents dans un texte scientifique, peuvent entraîner un refus de financements. On y trouve par exemple « changement climatique », « diversité » ou « femme ». Dans le viseur : les chercheurs qui travaillent sur les questions climatiques et les sciences humaines et sociales.

Le nouveau bras droit du président des États-Unis, le milliardaire Elon Musk (Tesla et SpaceX), sous couvert d’améliorer « l’efficacité gouvernementale », coupe de nombreux budgets de recherche et licencie des centaines de scientifiques.

« Il y a de la peur partout, de la censure et de l’autocensure. Je ne sais pas comment préparer les prochains colloques », témoigne Brian Sandberg. Ce chercheur américain en Histoire collabore régulièrement avec l’université française.

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La ministre Élisabeth Borne en discussion avec le président d’Aix-Marseille Université ce jeudi 13 mars 2025.

Une première en France et une généralisation espérée en Europe

Dans ce contexte, l’université d’Aix-Marseille est la première en France a avoir lancé un programme de solidarité scientifique avec les chercheurs des USA. « Nous saluons sa réactivité », déclare Élisabeth Borne.

La ministre de l’Éducation nationale était en visite à Marseille, ce jeudi 13 mars, avec son ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Philippe Baptiste. Pour lui, « la recherche mondiale est fragilisée » par le coup de frein des USA. Il prend en exemple les travaux épidémiologiques internationaux à l’arrêt. Ou la volonté d’Elon Musk de désorbiter prématurément l’ISS.

« La réponse doit être européenne » plaide-t-il, au retour d’un « conseil informel à Varsovie » sur le sujet. Aix-Marseille Université a-t-elle lancé un nouvel élan pour la recherche sur le Vieux Continent ?

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Philippe Baptiste, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Exode des cerveaux américains, une « ironie de l’Histoire »

« La recherche, libre, est un facteur de compétitivité, de croissance et de souveraineté », estime Élisabeth Borne. Laissant peut-être deviner l’opportunité qu’offre le potentiel exode des cerveaux états-uniens.

Ce serait une « ironie de l’Histoire », commentent certains chercheurs présents. Ils rappellent en effet que l’excellence scientifique américaine est en partie due à la fuite de grands chercheurs européens durant la Seconde Guerre mondiale et le fascisme. Parmi lesquels, un certain Albert Einstein.

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