À Marseille, les Assises de la transition écologique du Club immobilier ont vanté la réhabilitation pour construire une ville durable.
La réhabilitation du bâti existant est en train de devenir LA réponse pour répondre à deux enjeux majeurs : la décarbonation du bâtiment, estimé comme la cause de 25% des émissions en France. Mais aussi la fin de l’étalement urbain pour préserver les terres agricoles et la biodiversité.
« Construire la ville sur la ville ». On entend ce mantra partout aujourd’hui. Il faut dire que le parc résidentiel français compte environ « 65% de bâtiments construits avant 1974, date de la première règlementation thermique. Avec près de 5 millions de passoires thermiques », rappelle le Club immobilier Marseille Provence.
De quoi justifier le choix du thème pour ses dixièmes Assises de la transition écologique, ce jeudi 21 novembre : « Rénover la ville. Défis et réalités ».
L’événement réunissait des dizaines d’acteurs, privés comme publics. Architectes, constructeurs, bailleurs sociaux, investisseurs… Il s’agissait de mettre en avant les outils et solutions pour réussir ce changement de paradigme : arrêter de construire du neuf en transformant le patrimoine existant.
Des tutos pour déconstruire la peur de la réhabilitation
Entre les difficultés techniques d’un chantier dans un espace dense, les contraintes patrimoniales à respecter sous l’œil sévère de l’architecte des Bâtiments de France, les faiblesses parfois cachées des bâtiments vieillissants… La réhabilitation fait souvent peur aux acteurs de la fabrique de la ville, et à leur porte-monnaie.
C’est pourquoi le Club immobilier a tenu à donner des exemples, concrets et variés, avec des témoignages. Comme celui de Franck Caro, directeur de la Société publique locale d’aménagement d’intérêt national (Spla-in), arme de résorption de l’habitat dégradé du centre de Marseille.
Il n’a pas manqué d’égratigner la responsabilité du privé sur la dégradation du bâti ancien. Mais le directeur propose toutefois « une méthodologie de la rénovation, que l’on est en train de mettre en place, avec un îlot démonstrateur. C’est public, en open source ! », lance-t-il.
Dans un tout autre genre, Gregory Cardona explique comment Babel Community a transformé les anciennes Galeries Lafayette rue Saint-Fé’, en résidences, espaces de coworking et restaurant branché. « C’était un bâti commercial fermé sur lui-même, peu accueillant, éclairé artificiellement. On a ouvert un grand patio intérieur pour amener la lumière naturelle, tout en respectant le patrimoine ».
Changement de paradigme pour « les promoteurs de l’ancien monde »
Il fallait aussi compter sur le franc-parler du grand témoin de ces Assises, Franck Boutté. En 20 ans, son agence d’ingénierie et de co-conception environnementale est devenue leader dans la fabrique d’une ville durable. Recevant notamment le Grand prix de l’urbanisme du ministère de la Transition écologique en 2022.
Mais l’homme est aujourd’hui en guerre contre « les promoteurs de l’ancien monde. Dont certains se servent de moi pour remporter des appels d’offres avec un projet écolo. Puis se débarrassent de moi pour bâtir un projet à la baisse, environnementale et financière ». Il en a fait une lettre ouverte au vitriol.
Pour lui, la logique de « marges excessives » des grands groupes « n’est pas compatible avec la production de logement durable ». Et la législation doit continuer de les forcer à s’adapter.
La réhabilitation plus chère que le neuf : une idée reçue ?
Toutefois, il souhaite contredire ce qu’il considère comme une idée reçue, largement répandue dans le milieu : « une réhabilitation intelligente avec une bonne méthode n’est pas plus chère que la construction neuve », estime Franck Boutté.
« Oui, il y a des coût supplémentaires. La difficulté technique des travaux, ou l’acquisition d’un foncier plus cher avec un immeuble existant. Mais on économise le gros œuvre qui représente un tiers du coût d’une opération neuve », assure-t-il.
De quoi séduire, selon lui, des promoteurs « novateurs, aux appétits moins voraces en termes de marges ». Il illustre ce virage avec les projets de son agence. « Il y a 20 ans, mes clients ne construisaient que du neuf. Aujourd’hui, c’est majoritairement de la rénovation ». À voir si la tendance se généralise.