Le procès de l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne débute ce jeudi 7 novembre. Avec 87 parties civiles, 16 prévenus et 36 avocats, certains l’attendent comme LE procès de l’habitat indigne à Marseille comme en France.

Six années se sont écoulées depuis l’effondrement des numéros 63 et 65 de la rue d’Aubagne à Marseille, le 5 novembre 2018 à 9h07. Ce mardi, comme chaque année, les Marseillais se recueillent en mémoire de Marie-Emmanuelle, Simona, Ouloume, Taher, Julien, Fabien, Pape et Cherif.

Les commémorations et la mobilisation contre l’habitat indigne prennent une dimension particulière cette année. En effet, ce jeudi 7 novembre, à 14h, s’ouvre enfin le procès du drame qui a coûté la vie à huit personnes.

Il s’agira d’un procès « hors norme ». C’est d’ailleurs le nom de l’immense salle d’audience de 400 places établie dans la caserne du Muy (3e), inaugurée en janvier 2022 pour le procès Guedj.

Décryptage en chiffres pour mieux appréhender ce qui se jouera durant les six prochaines semaines.

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87 parties civiles et des dizaines de témoins

Beaucoup espèrent qu’il sera LE procès de l’habitat indigne, comme l’ont scandé certains des 3 000 manifestants de la marche pour la justice et un logement digne, dimanche 3 novembre.

Familles de victimes, voisins et commerçants impactés, ou encore les locataires du 65 rue d’Aubagne miraculeusement absents au moment du drame… En tout, 87 parties civiles doivent participer au procès.

Pour beaucoup, les proches des victimes viennent de loin, de France ou de l’étranger (Italie, Afrique, Espagne). C’est pourquoi ils bénéficieront d’une enveloppe de 200 000 euros pour indemniser leur hébergement, leurs repas et leurs déplacements. Ainsi qu’une traduction du procès en trois langues.

D’autant que les magistrats prévoient 41 jours de débats. Un minimum, alors que la liste des témoins n’est pas définitivement arrêtée.

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La caserne du Muy à la Belle de Mai dans le 3e arrondissement de Marseille. (© Margot Geay)

16 prévenus et de cinq à sept ans de prison

À l’issue de leur longue enquête, bouclée l’année dernière, les trois juges d’instruction ont nommé quatre mis en examen pour « homicides involontaires par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence ».

À commencer par Julien Ruas. Il était à l’époque adjoint de Jean-Claude Gaudin chargé de la prévention et de la gestion des risques. À ses côtés, l’expert Richard Carta, ayant placé le n°65 en péril avant le drame, sans prononcer son évacuation totale.

Les deux prévenus risquent jusqu’à cinq ans de prison. Deux personnes morales comparaissent également. D’abord la société d’économie mixte Marseille habitat, filiale de la Ville de Marseille et propriétaire du n°63. Mais aussi le syndic Liautard, représentant des propriétaires de l’immeuble n°65.

Dix personnes et deux sociétés sont également citées à comparaître par les parties civiles. Parmi elles, des propriétaires, dont l’ancien conseiller régional Xavier Cachard, et des dirigeants de Marseille Habitat et du syndic Liautard. Certaines risquent jusqu’à sept ans de prison ferme.

Quatre juges pour 36 avocats

En plus des trois juges habituels, le tribunal correctionnel mobilise un quatrième magistrat tout au long du procès. Une sécurité en cas d’imprévu ou d’empêchement.

Il faut dire qu’ils auront du travail pour diriger les débats avec 15 avocats de la défense contre 21 du côté des parties civiles.

Sans oublier les nombreux témoins attendus dans ce dossier complexe qui doit dégager les responsabilités dans l’effondrement. L’analyse sera autant technique, qu’administrative, judiciaire et politique. Devraient donc défiler des acteurs politiques de la municipalité de l’époque, comme des experts, techniciens et fonctionnaires de police.

Avec 25 condamnations depuis 2020, Marseille en tête sur l’habitat indigne

Les associations, citoyens et militants, tels que le collectif du 5 novembre, suivront de près les débats et en rendront compte au grand public. Ils espèrent que ce procès fera date dans la lutte contre l’habitat indigne. Et ce, sur le plan local comme national, alors que des effondrements se sont produits à Toulouse, Lille et Bordeaux ces dernières années.

La décision des juges est attendue comme un signal aux élus, bailleurs, spéculateurs et professionnels du (mal) logement.

À Marseille, la justice a déjà traité près d’un millier de signalements pour péril depuis 2020. Selon les magistrats du territoire, depuis cette date, 25 condamnations ont été prononcées, mettant la ville en tête de l’habitat indigne en France. Elles ont abouti à six peines de prison ferme.

Alors que la grande rénovation de logements dégradés débute dans le centre-ville, que le trou béant de la rue d’Aubagne doit accueillir un lieu de vie l’année prochaine, beaucoup espèrent que ce procès marquera une nouvelle étape vers un habitat digne pour tous.

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