À partir d’aujourd’hui et pendant deux ans, les 520 élèves du collège Château Forbin à Marseille expérimentent le port d’une « tenue vestimentaire commune » dans le but, notamment, de prévenir le harcèlement scolaire.
C’est une rentrée particulière pour les élèves de 6e du collège Château Forbin (11e) à Marseille, ce lundi 2 septembre. En plus de leur carnet de liaison et de leur ordinateur portable, ils ont reçu un grand sac contenant leurs nouvelles tenues pour l’année scolaire.
Cet établissement est l’un des premiers du département, avec le collège Mont-Sauvy d’Orgon, à s’être porté volontaire pour l’expérimentation d’une « tenue unique » lancée par le ministère de l’Éducation Nationale.
En février dernier, le principal du collège, Nourdine Hocine, avait mené une concertation préalable au vote à ce sujet. Résultat : 69% des parents d’élèves, 72% des professeurs, 60% des personnels et 53% des enfants se sont dit favorables à cette expérience. « Nous recherchions des leviers pour améliorer le climat scolaire et éviter le harcèlement », explique le chef d’établissement.
Une journée « off » par trimestre « pour s’habiller comme ils veulent »
Cet ensemble est composé de 12 pièces : trois t-shirts, trois polos à manches courtes et à manches longues, et trois sweat-shirts. À Château Forbin, ces hauts se déclinent en trois couleurs, blanc, gris, bleu roi et beige, avec un blason représentant le château voisin cousu au niveau de la poitrine.
Tous ces éléments ont été choisis au préalable par les élèves dans le cadre du Conseil de la vie collégienne (CVC). « Pour commencer à mettre en œuvre cette expérimentation, il fallait absolument que les enfants se l’approprient, affirme le proviseur. Ils ont tout de même demandé une journée « off » une fois par trimestre, pendant laquelle ils peuvent s’habiller comme ils veulent, que l’on a inscrit dans le règlement intérieur ».
127 euros par élève
La présidente du département des Bouches-du-Rhône, Martine Vassal, était présente ce lundi 2 septembre pour présenter aux élèves ce qu’elle tient à ne pas désigner comme des « uniformes ». « Cela voudrait dire que les 105 000 élèves du département seraient habillés de la même façon de la tête aux pieds. Or, on a voulu qu’il y ait un choix fait dans chaque collège », justifie-t-elle.
L’élue, qui se prononce depuis plusieurs années en faveur de ce dispositif, met en avant un gain de pouvoir d’achat pour les familles avec ces 12 hauts, dont le coût est « de 127 euros par élève, pris en charge à parts égales par le Département et l’État ». L’enveloppe globale est de 210 000 euros pour les 1 200 enfants des deux collèges.
Martine Vassal y voit également un moyen de créer « un sentiment d’appartenance à un établissement scolaire », ainsi que d’atténuer les inégalités sociales entre les élèves. « Certains enfants se sentent exclus car ils ne portent pas la bonne tenue au bon moment ».
Des mesures renforcées contre le harcèlement
Le collège a recensé « cinq ou six cas véritables de harcèlement sur 520 élèves » l’année dernière, rapporte Nourdine Hocine, qui ont donné lieu à des mesures disciplinaires mais aucune exclusion. Avec le port de cette tenue unique, ce dernier espère « lutter contre les moqueries et railleries qui prennent le plus souvent naissance sur les réseaux sociaux et sont parfois en lien avec la tenue des enfants ».
« Il peut encore y avoir des possibles facteurs de discrimination entre eux, comme les chaussures portées par l’élève, mais on a le mérite d’essayer une forme d’uniformisation, concède-t-il, précisant que le traitement du harcèlement évolue. À partir de cette année, on pourra plus facilement déclasser le harceleur, tandis qu’avant, c’est plutôt au harcelé qu’on demandait de changer de collège ».
Près de la vie scolaire, l’équipe éducative a installé une boîte, relevée tous les deux jours par le personnel, dans laquelle les enfants peuvent déposer anonymement leurs messages. Dans le cadre du dispositif « pHARe » mis en place par l’État, deux agents du collège, dont le chef cuisinier de la cantine, ont également suivi une formation afin de tenir le rôle de référent contre le harcèlement.
Le principal mise sur le dialogue plutôt que la coercition et la sanction en cas de non-respect de la nouvelle tenue réglementaire. « Je vois l’école comme un laboratoire. On n’a pas de certitudes, si ça ne fonctionne pas, on reviendra en arrière ».
Un avenir incertain
Selon les retours de certains parents d’élèves, des ajustements sont encore à faire. Par exemple, « quid des familles séparées qui aimeraient avoir suffisamment de vêtements à partager entre les foyers ? », lance Matthieu Barnier, dont la fille est en 4e au collège Château Forbin.
« On est d’accord pour essayer [la tenue commune], mais on souhaite que ça reste une expérience et non un acquis, appuie-t-il. On a envie de voir ce que ça donne : est-ce que ça améliore vraiment la vie quotidienne des élèves, la cohésion de groupe …? ».
L’expérimentation sera menée sur deux ans et fera l’objet d’une évaluation, avant d’être, ou non, étendue à d’autres établissements du Département. Néanmoins, celle-ci reste pour le moment « bloquée » compte tenu de la situation politique incertaine, selon Martine Vassal.
« Nous attendons de savoir quel sera le ministre de l’Éducation et si cette expérimentation est maintenue en l’état, accélérée ou ralentie », conclut-elle.