Dans le quartier du Panier, deux gérants viennent de reprendre l’adresse « Le rendez-vous des amis » sur la place des Pistoles. Ils entendent attirer les habitants pour dynamiser le quartier toute l’année.
C’est le plus vieux quartier de Marseille. Celui où les Grecs ont fondé Massalia 600 ans avant Jésus-Christ. Autrefois réputé comme un coupe-gorge, terre de gangsters et de prostituées, le Panier, niché sur les hauteurs du Vieux-Port (2e), a été un refuge pour les immigrés italiens, arméniens, les ouvriers portuaires… En 1943, les Allemands y ont dynamité bon nombre de rues, laissant derrière eux une plaie béante et insalubre.
Dans les années 2000, les réaménagements impulsés par Euroméditerranée autour du Panier lui ont redonné des couleurs. Boutiques de souvenirs, savonneries, restaurants ont fleuri en même temps que les ateliers d’artistes et le street-art, devenus un trait de caractère indissociable de la butte.
Ses ruelles provençales évoluent au rythme des saisons : bondées en été, vides en hiver. Ces dernières années, les va-et-vient incessant des valises au printemps ont néanmoins attisé les contestations de certains habitants. Des collectifs, tels que « Ami&co » ou « Les Marseillais du centre-ville », luttent contre le déploiement des locations de courte durée, de type Airbnb, évoquant une montée des prix de l’immobilier et des difficultés pour se loger.
« Les touristes, ça nous fait vivre »
Les commerçants de la place des Pistoles, en face de la vieille Charité, voient plutôt ce développement touristique comme une aubaine. « Les habitants ne consomment pas tellement, alors que les touristes, ça nous fait vivre, soutient l’un d’eux. Il se rappelle, il y a plus de 30 ans, quand la place était encore occupée par des logements vétustes, puis par un parking.
Comme ses collègues, il n’ouvre que la journée en période estivale. Le soir et en hiver, son rideau reste fermé. Si bien que du mois de décembre à février, la place laisse une image de carte postale inhabitée.
Le 6 juillet, « Le rendez-vous des amis », une adresse créée il y a cinq ans, a réouvert ses portes espérant créer une émulation. Les nouveaux gérants âgés d’une trentaine d’années, Clément et Ryan, plutôt habitués aux écrans qu’aux fourneaux, veulent s’inscrire ici dans la durée.
S’inscrire dans le Panier
À la carte, ils proposent une « cuisine du marché » gourmande, midi et soir. Les fruits, les légumes, la viande et le poisson sont achetés frais, le jour même, à Noailles ou aux Arnavaux. Le vin est sourcé chez le caviste de la rue d’à côté. « Des vins haute couture » à « petit prix » décrit le sommelier, Louis.
Le chef, Julien Ombredane, passé par de grandes maisons comme le Peron ou l’Intercontinental, avant de s’expatrier à Hong Kong, Londres et Sydney, vient de retrouver Marseille : « J’apprécie de faire une cuisine plus abordable et gourmande, style bouchon, tout en gardant ce savoir-faire appris auprès de grands chefs », nous confie-t-il.
Les repreneurs soulignent le « très bon accueil » reçu depuis l’ouverture et « l’entraide » du microcosme commerçant. Un artiste de la rue du Panier leur a même fabriqué une petite pancarte en guise de bienvenue.
Clément et Ryan ont aussi créé une offre dédiée aux habitants : 1 euro le café et le sirop et 2 euros la canette de Coca à emporter. Des sandwichs sont faits minute chaque midi. « On les fidélise pour qu’ils se sentent chez eux », soutient Rachid, un jeune serveur solaire, originaire de la Belle de Mai (3e).
Fidéliser les Marseillais
Un commerçant voisin pense aussi que, pour ramener de la vie, l’apaisement de l’espace public saura aider. Il veut pousser à l’installation de caméras de vidéosurveillance sur la place. Et « ramener une police de proximité » pour faire baisser l’insécurité, notamment en soirée.
Une de ses collègues soumet plutôt l’idée de (re)créer des événements sur la place. À commencer par un marché de Noël pendant les fêtes de fin d’année. Elle revient sur l’ancienne fête du Panier, stoppée brutalement en 2014, qui attirait des Marseillais de tous horizons. En début d’année, la Ville a justement ouvert un appel à projets pour la relancer.
Clément et Ryan envisagent, de leur côté, d’organiser plus tard dans l’année une friperie solidaire, une exposition d’artistes, et de disposer des tables pour jouer aux échecs et à la contrée. Si cela fonctionne, ils aimeraient racheter définitivement le restaurant. Alors, rendez-vous dans quelques mois, les amis !