Ancrée à droite depuis 1978, la 2e circonscription des Bouches-du-Rhône rebascule à gauche avec le député socialiste Laurent Lhardit, élu à 53,64% des voix. Récit d’une soirée électorale avec ses fidèles soutiens.
Le socialiste Laurent Lhardit, adjoint à l’économie de Marseille, a été élu député avec 53,64% des voix devant le candidat de l’extrême droite Olivier Rioult (46,36%) ce 7 juillet. La gauche n’avait pas remporté la 2e circonscription des Bouches-du-Rhône (7e et 8e arr. de Marseille) depuis 1978, année où l’ancien maire Jean-Claude Gaudin s’en est emparé.
Quelques minutes avant l’annonce des résultats nationaux, le QG communiste rue Tobelem (7e) est presque vide. Estelle et Clément, deux collaborateurs de campagne de Laurent Lhardit, scotchent, nerveux, les dernières affiches aux couleurs vives du Nouveau Front Populaire.
Dehors, quelques fidèles socialistes et amis entourent le candidat qui retient son souffle : « Le premier tour était serré. C’est seulement à trois bureaux de la fin qu’on s’est dit que ça ne bougerait plus », prévient Laurent Lhardit, visage tiré. La soirée promet d’être longue.
« Savourer » la victoire nationale de la gauche unie
Sophie Camard (GRS), la maire de secteur, vient d’arriver. Elle salue chaleureusement son collègue de l’hémicycle municipal ainsi que son « conseiller politique » Arnaud Drouot, ancien directeur de cabinet du maire de Marseille, Benoît Payan. Le binôme, concentré, s’éclipse avant l’annonce des résultats nationaux. Ils partent veiller au grain sur les dépouillements des bureaux de vote voisins.
Il est 20h. Le QG est en apesanteur. Les yeux sont rivés devant la télévision branchée au milieu de la pièce. Le verdict tombe sous un tonnerre d’applaudissements. Contre toute attente, la gauche rafle plus de sièges que le RN à l’Assemblée nationale. Les mains jointes, la maire de secteur admet « un énorme soulagement » et « savoure » cette première victoire.
Rien n’est encore joué dans la 2e circonscription des Bouches-du-Rhône, fief de la droite, puis macroniste, depuis plus de 50 ans. Mais l’élue a bon espoir au regard « du changement de sociologie des électeurs du 7e arrondissement » : de nouveaux arrivants, plutôt jeunes, votant plus à gauche et sensibles à l’écologie.
Le Printemps marseillais prépare le terrain
À 21h30, seuls 21 bureaux sur 78 sont dépouillés. Le succès du NFP n’est pas scellé. Les élus du Printemps marseillais arrivent au compte-goutte. D’abord Audrey Garino, Olivia Fortin (Mad Mars), Yannick Ohanessian (PS). Puis Samia Ghali (DVG), Patrick Amico (DVG), Audrey Gatian (PS) et Joël Canicave (PS).
La gauche marseillaise, un verre à la main, se tient prête à revivre l’excitation de son élection en 2020. Ce soir, si Laurent Lhardit l’emporte, elle aura de quoi se rassurer pour la campagne des municipales de 2026. Car ce secteur clé est historiquement acquis à la droite. Jean-Claude Gaudin s’y est fait élire maire et député.
À 23h, Laurent Lhardit apparaît aux côtés de Benoît Payan, sous les applaudissements tonitruants. « Laurent, Laurent, Laurent ! », acclament ses soutiens. Le nouveau député socialiste embrasse tendrement son frère, puis sa femme, avant d’étreindre sa suppléante Marie-Hélène Amsallem, adjointe de la mairie des 6e et 8e arrondissements.
Une campagne accélérée « extraordinaire »
Comme la tradition le veut, son directeur de campagne, monte sur l’estrade pour annoncer les scores officiels : « Rioult : 24 789 voix. Lhardit : 28 677 voix ». Il n’a pas le temps de finir sa phrase que la foule scande déjà le triomphe.
Le socialiste de 61 ans, encarté depuis 1988, date à laquelle Michel Rocard devient premier ministre, lève le poing. « C’est d’abord une victoire de la gauche », affirme le nouveau député, qui a vécu une campagne « extraordinaire » sous le drapeau du Nouveau Front Populaire. L’adjoint au maire essaie d’avoir un mot pour chacun.
Le chef d’entreprise reconnaît aussi volontiers le rôle que Benoît Payan a joué dans ces élections législatives : « Au cours de ce mois incroyable, il a été bien plus que le maire de Marseille. Il est monté à Paris, il a participé à la constitution de ce nouveau front populaire. Ses fondements et sa solidité (du NFP, ndlr), on les doit notamment à son action ».
Sous le feu des caméras, le maire salue cette victoire « sans triomphalisme », rappelant le désistement « digne » de la députée sortante Claire Pitollat (Renaissance) arrivée en troisième position le 30 juin.
Quel avenir pour le poste d’adjoint à l’économie ?
Pour l’édile, il faut maintenant « chercher un chemin pour gouverner ce pays ». Et le faire sans « compromission des valeurs qui sont les nôtres » pour s’atteler à réaliser le programme. Il réfute ainsi l’idée d’une large coalition entre la gauche et la majorité présidentielle qui circule ces derniers jours.
À Marseille, Laurent Lhardit ne pourra pas cumuler son mandat d’adjoint à l’économie avec sa nouvelle fonction de député. « Il va donc y avoir une élection d’adjoint et Laurent va devenir conseiller municipal délégué à l’économie », assure le maire.
Déjà investi dans son nouveau costume de parlementaire, Laurent Lhardit, qui se dit « pragmatique », est monté à Paris dès ce lundi pour tenter de répondre à « cet espoir que nous avons créé ». Pour l’élu marseillais, un nouveau chapitre commence.