Long de 21 700 km, le câble sous-marin Sea-Me-We-6 reliera directement la France à Singapour, depuis Marseille. L’opération d’atterrissement a eu lieu ce matin sur la plage du Prado.

Après 2Africa, le plus long câble sous-marin du monde, qui ceinture l’ensemble du continent africain sur près de 37 000 kilomètres, Peace (Pakistan East Africa Connecting Europe), premier câble chinois de la Route de la Soie, voilà Sea-Me-We-6 pour Southeast Asia-Middle East-Western Europe 6.

Long de 21 700 kilomètres, ce nouveau serpent des mers vient d’être installé ce 29 avril matin au large des plages du Prado. La pose de la première partie du système de 3000 kilomètres jusqu’en Égypte démarrera dans la foulée pour relier l’Asie du Sud-Est, le Moyen-Orient et l’Europe de l’Ouest, de Singapour à Marseille d’ici fin 2025.

Contrairement aux idées reçues, la largueur du câble sous-marin est très fine : il mesure 37 millimètres lorsqu’il est enfoui à 1,5 mètres (près des côtes) et 17 mm lorsqu’il est posé dans le fond de la mer au large. Sea-Me-We-6 est ainsi une nouvelle génération de câble dit « express » qui intègre 10 paires de fibres optiques sous-marines conçues selon les dernières technologies.

câble sous-marin, Avec l’arrivée d’un nouveau câble sous-marin, Marseille conforte sa position de hub numérique mondial, Made in Marseille
Arrivée de la première bouée de SMW6 le 29 avril 2024. Thierry Bouzard et Carole Louedoc, responsables de l’opération.

Une connectivité très haut débit

Ce câble sous-marin permet de sécuriser le trafic existant et un meilleur débit vers une trentaine de pays. « Il permet d’avoir un temps de latence le plus faible possible. Inférieur à 50 millisecondes », explique Carole Louedoc, responsable du déploiement des câbles sous-marins chez Orange.

Le grand public ne constatera pas de différence majeure dans son utilisation d’internet. Ce sont plutôt les joueurs de jeux vidéos et les professionnels de la bourse qui ressentiront ce très haut débit.

L’infrastructure numérique permet aussi d’améliorer la capacité (1000 Gigabytes) pour soutenir le développement de nouvelles technologies, telles que le cloud, l’intelligence artificielle et l’Internet des objets. « Nous installons des répéteurs (petits boitiers) tous les 100 kilomètres pour réamplifier le signal électrique », poursuit l’experte.

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Le câble sous-marin déployé ce matin mesure 17 mm de diamètre.

Un projet multi-acteurs

Pour porter ce projet, qui avoisine les 900 millions de dollars (840 millions d’euros), un consortium de 16 copropriétaires s’est constitué [voir encadré]. Parmi eux, on retrouve l’américain Microsoft ou encore le français Orange. Le géant des Télécoms hexagonal est propriétaire de 260 kilomètres de câbles plongés sur le territoire français.

Les deux grands opérateurs chinois – China Mobile et China Telecom – ont quitté la partie en mars 2023 sur fond de tensions avec les États-Unis. « Pékin n’a guère apprécié qu’une société américaine, TE Subcom, ait damé le pion à son fleuron Hengtong pour bâtir ce corridor numérique », explique un article de la Tribune.

Orange a rejoint le consortium en février 2022 et accueille le câble dans ses infrastructures sécurisées marseillaises. Déjà présent dans de nombreux consortiums sur la route Europe-Asie, l’opérateur français a investi massivement dans des projets de connectivité par câbles sous-marins, à l’instar de Peace en Méditerranée ou sur le front Atlantique (Amitié et Dunant).

Au total, le groupe français opère sur un réseau mondial de plus de 40 câbles sous-marins. « Soit 10 fois le tour de terre », sourit Carole Louedoc. Dans le monde, on compte près de 480 câbles sur 1,3 million de kilomètres puisque 99% des données internet y transitent.

18 câbles raccordés à Marseille

Ces dernières années, Marseille s’est imposée comme la plaque tournante de l’internet sous-marin mondial grâce à sa position géostratégique. Véritable porte d’accès du numérique entre l’Europe, l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie, en 10 ans, Marseille est passée du 44e au 7e rang mondial des hubs numériques.

Avec l’arrivée de Sea-Me-We-6, la cité phocéenne confirme cette position avec 18 câbles raccordés, grâce aussi à une dizaine de data-centers.

L’objectif d’intégrer le top 5 de hub numérique dans le monde d’ici fin 2024 reste d’actualité, d’autant que le président du conseil de surveillance du port de Marseille, Christophe Castaner, réélu le 26 avril, en fait l’une de ses priorités pour les 5 prochaines années.

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Préserver l’impact sur la biodiversité marine

À Marseille, la grande majorité des câbles arrivent via les plages du Prado. Pour en assurer un déploiement pérenne et maîtrisé, la Ville a dressé des principes visant à préserver les enjeux littoraux pour anticiper les conséquences du dérèglement climatique (élévation du niveau de la mer, recul du trait de côte, érosion côtière) tout en limitant les impacts sur les pratiques balnéaires [lire ici].

« On a passé beaucoup de temps à rencontrer la Ville et à entendre leurs contraintes. Quand on a défini la route, on l’a partagée et ils ont donné leur accord, comme pour l’arrivée du câble sur la plage du Prado », assure la responsable d’Orange.

Avant le début du projet, des études de biogénèse (fonds marins) sont réalisées avec des cabinets environnementaux et avec le Parc national des Calanques, notamment pour contourner les herbiers de posidonies, des plantes très efficaces pour capter le CO2.

Lorsqu’il n’opère plus, après 25 ans d’âge, Orange peut le retirer pour recycler 70% des matériaux. Mais là aussi, une expertise est réalisée pour comprendre l’impact sur la biodiversité marine. Le chef de projet du déploiement des câbles sous-marins Orange, Thierry Bouzard, l’assure : « Si des coraux ou des algues marines se sont installés à proximité, plutôt que de l’enlever, on le laissera au fond de la mer ».


*Le consortium d’acteurs comprend Bangladesh Submarine Cable Company Limited (BSCCL), Bharti Airtel Ltd. (Inde), Dhivehi Raajjeyge Gulhun Public Limited Company (Dhiraagu Maldives), China Unicom (Chine), Djibouti Telecom, Mobily (Arabie saoudite), Orange (France), Singtel (Singapour), Sri Lanka Telecom, Telecom Egypt, Telekom Malaysia, Telin (Indonésie), Trans World Associates (Pakistan) et Batelco.

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