Maraîchage, oléiculture, élevage de chèvres, logements pour agriculteurs et seniors, expérimentation sur l’eau… une nouvelle ferme innovante et inclusive de 22 hectares va éclore sur le domaine de la Bétheline (13e) en 2026.
Arnaud Castagnède n’est pas du genre à se tourner les pouces. Après avoir mis sur pied son tiers-lieu innovant et solidaire au Cloître (13e) en 2013, celui qui se décrit comme « un professionnel de la reconversion de friches », besogne sur un autre projet de tiers-lieu agroécologique depuis 2019.
Pour le concrétiser, l’entrepreneur lorgnait sur le domaine de la Bétheline, un terrain agricole de 22 hectares dans le quartier de Château Gombert, à 10 minutes du Cloître. « Une pépite en plein Marseille » très convoitée, dont il a (enfin) signé le rachat avec la fondation Proman, le 8 avril dernier.
Ce foncier, comprenant 3000 m2 de bâti à rénover, hébergeait il y a 20 ans la confrérie religieuse des missionnaires du Sacré-Cœur. Depuis, cette terre arable est sanctuarisée pour un projet agricole qui peinait à arriver.
L’architecte Matthieu Poitevin, connu notamment pour la reconversion de la Friche Belle de Mai (3e), mettra en musique sa conception. « La nature sera le véritable maître d’ouvrage des bâtiments », avance-t-il, souhaitant « magnifier l’existant » et « travailler sur les flux ».
Du champ à l’assiette
Sur les 22 hectares, 12 seront consacrés au maraîchage de fruits et légumes de saison. La production sera distribuée en direct au restaurant Les Jardins du Cloître, à d’autres tables aux alentours et aux cantines scolaires. « Nous réserverons une partie de la production pour la Banque alimentaire des Bouches-du-Rhône », précise Arnaud Castagnède.
L’idée est de morceler le foncier en parcelles de 0,5 à 2 hectares pour accueillir une petite dizaine de producteurs. L’Adear des Bouches-du-Rhône, une association regroupant en majorité des membres de la Confédération paysanne, source les intéressés pour les installer avant fin 2024.
L’étendue du domaine de la Bétheline doit aussi permettre de produire de l’huile d’olive et de fromage de chèvre local. Dans cette optique, un champ de 400 oliviers va être planté et huit hectares seront réservés pour une activité pastorale.
Une unité de transformation de lait en fromage, et des fruits et légumes en soupe ou compotes, sera mise à disposition des agriculteurs. Le but étant de mutualiser les équipements pour en faire « un modèle de ferme de 2050 », résume le directeur du Cloître.
Favoriser l’inclusion par l’emploi à la Bétheline
C’est en ces termes qu’il a pitché le projet au fondateur du groupe spécialisé de l’emploi intérimaire Proman. « Roland Joseph Gomez a tout de suite été emballé pour sa fondation », raconte Arnaud Castagnède qui connaît bien, lui aussi, la problématique de l’insertion. Il a en effet fondé Acta Vista en 2001, une entreprise inclusive de rénovation du patrimoine, rachetée depuis par le groupe SOS.
La fondation Proman investit donc, à elle seule, huit millions d’euros pour le rachat du foncier et les travaux. « Notre fondation s’engage pour l’inclusion des jeunes et la protection de l’environnement. Ce projet associe les deux. C’est donc naturellement que nous le finançons », justifie la déléguée générale Samira Agem.
Si la fondation est propriétaire, c’est Culture Eco qui gérera le tiers-lieu de la Bétheline. L’association travaillera avec des établissements adaptés pour former des personnes en situation de handicap (ESAT) et des jeunes aux métiers du maraîchage.
Des logements en béguinage
Autre ambition sur volet inclusion : une dizaine de logements individuels pour des seniors et des paysans aménagés dans un bâtiment de 1000 m2 avec des espaces collectifs. Ce modèle de béguinage doit permettre aux seniors précaires d’accéder à la propriété.
« Ce ne sera pas du tout une maison de retraite médicalisée, mais vraiment des logements confortables et accessibles, précise Arnaud Castagnède. Nous perpétuons cette activité déjà en place du temps des missionnaires ».
Une terre d’expérimentations
Des expérimentations seront aussi menées sur une parcelle du foncier. D’une part, pour tester les nouvelles méthodes d’irrigation développées avec de l’intelligence artificielle par la start-up Telaqua : « Nous allons apprendre aux agriculteurs à consommer moins d’eau », assure le fondateur Sébastien Demech.
D’autre part, pour essayer d’implanter des cultures exotiques comme les figues de Barbarie, la réglisse ou le sésame. Cette partie sera supervisée par Agribio 13, un groupement d’agriculteurs biologiques.
Un comité de pilotage est actuellement en cours de constitution autour de l’agroécologie, du handicap et de la gestion de l’eau. « On aimerait y intégrer des personnes référentes et des institutions comme l’Ademe, l’agence de l’eau, la Ville, la Métropole et le Département », songe Arnaud Castagnède.
Un vœu qui ne devrait pas être trop difficile à réaliser puisque « tout le monde est en phase avec le projet », ajoute le patron. Fabriqué en lien étroit avec les comités d’intérêts de quartiers (CIQ), le projet est soutenu par la maire de secteur Marion Bareille et l’adjointe à l’agriculture urbaine de Marseille Aïcha Sif. Le tiers-lieu devrait ainsi ouvrir, sans embuche, fin 2026.