Le 8 mars dernier, une cinquantaine de dirigeantes ont échangé sur la nécessaire féminisation du secteur maritime. Les progrès sont palpables mais restent encore à pérenniser.

La tour La Marseillaise contemple les bassins Est du port de Marseille-Fos. Le temps maussade ne dissipe pas la bonne humeur qui règne au 30e étage, ce 8 mars. Pour la Journée internationale des droits des femmes, une cinquantaine de dirigeantes du maritime se retrouvent pour le petit-déjeuner.

Sous l’impulsion de l’Union maritime et fluviale Marseille-Fos (UMF) et du réseau de professionnelles du maritime Wista, qui a rouvert une antenne à Marseille en 2022, elles sont venues échanger sur le besoin de féminiser leur secteur.

Pour cause, encore 8 emplois salariés sur 10 du port de Marseille-Fos sont occupés par des hommes selon l’Insee. « Ce chiffre plante le décor ! », lance Léa Loriquet-Ventura, la déléguée générale de l’UMF depuis 2021.

À ses côtés, Marie-Noëlle Tiné-Dyèvre, la présidente de Wista France, ne cherche pas tant à rappeler les constats, mais plutôt à permettre aux femmes de s’inspirer mutuellement pour s’affirmer dans leur vie professionnelle.

Les atouts des femmes dirigeantes

Les deux femmes tendent leur micro à quatre dirigeantes représentant différents métiers : la manutention, le transport de marchandises, la logistique et la politique.

Toutes soulignent les bénéfices d’être une femme à un poste à responsabilités. Elles évoquent « la créativité », « la résilience », « le courage » et « le tact » qui conduisent à « la performance ». Véronique Passarelli, directrice exploitation de la compagnie marseillaise Marfret, ajoute aussi l’humilité. « Nous, on ose dire ‘je ne sais pas’ au lieu de faire de l’esbroufe ».

Pour Celoua Agnel, secrétaire générale de la société de manutention Somarsid, une femme dans le maritime doit « avoir un certain caractère » pour s’imposer. « On se prend des coups, on doit se battre. Mais quand on travaille, ça se passe très bien. Les dockers respectent le travail », assure d’aplomb la seule femme dirigeante de ce milieu exclusivement masculin.

Ce secteur reste assez genré du fait de « la méconnaissance des métiers qu’ont les femmes, explique Isabelle Campagnola-Savon, conseillère régionale à l’économie en charge du port de Marseille-Fos. Le maritime, ce n’est pas que des bateaux. C’est aussi toute une diversité de métiers à terre ».

maritime, Dans le maritime, les dirigeantes à la barre pour accélérer la féminisation, Made in Marseille

Travailler sur la confiance en soi

L’élue pointe également le manque de légitimité que peuvent parfois éprouver les femmes dans un monde d’hommes. « Quand je suis arrivée à l’économie, on m’a regardé de haut. Il a fallu que je travaille deux fois plus que les autres », revendique cette dernière.

Pour contrecarrer « ces pensées limitantes », intervient Maria Harti, la nouvelle directrice générale de La Méridionale, arrivée fin janvier, « nous devons mettre en place du mentorat pour soutenir les jeunes femmes et leur donner confiance en elles ».

Cette légitimité s’affirme aussi grâce au cadre légal, soulignent-elles à l’unisson. Aussi bien dans les entreprises, avec la loi visant les 40% de femmes dans les comités exécutifs, que dans les hémicycles avec la loi sur la parité. « Grâce à la réglementation, on va atteindre la normalité », résume Léa Loriquet-Ventura.

« Le métier va s’ouvrir »

Dans le public, cinq hommes écoutent d’une oreille attentive. Parmi eux, Frédéric Pellegrin se lève pour prendre la parole : « Je regrette qu’il n’y ait pas plus d’hommes aujourd’hui… Mais en tous cas, les filles, vous m’avez impressionné ! », confie le patron de Somarsid qui emploie des dockers.

Aujourd’hui, aucune femme n’est docker sur le port de Marseille-Fos. Ceci s’explique pour plusieurs raisons : les conditions physiques nécessaires pour transporter les marchandises, et la filiation père-fils intrinsèque au métier. « Mais je suis sûre que ça va changer dans quelques années, ça va s’ouvrir », soutient fièrement Celoua Agnel, rentrée dans ce secteur par la petite porte, sans piston, ni héritage.


Photo à la Une ; De gauche à droite, Celoua Agnel, Maria Harti, Isabelle Campagnola-Savon, Marie-Noëlle Tiné-Dyèvre, Véronique Passarelli et Léa Loriquet-Ventura.

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