Dans le cadre de la création de la cité judiciaire à Arenc, le préfet de Région Christophe Mirmand va ouvrir une nouvelle phase de concertation élargie pour réfléchir à l’avenir du centre-ville de Marseille.
Lors d’un déplacement à Marseille le 20 novembre dernier, le Garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, actait la création de la future cité judiciaire à Euroméditerranée. « Une cité judiciaire nécessite de regrouper l’ensemble des juridictions se trouvant sur un même site. Sinon, ce n’est plus une cité judiciaire. Donc la construction d’un tel édifice nécessite une emprise foncière colossale, impossible à obtenir en centre-ville ».
« Un coup dur » pour le barreau de Marseille et le monde économique qui s’étaient clairement exprimés contre une délocalisation de l’appareil judiciaire en périphérie, dénonçant des conséquences lourdes sur la vitalité du centre-ville.
Une nouvelle mission
Pour répondre à ces inquiétudes, le ministre de la Justice a confié au préfet de Région « la mission de relancer une concertation avec l’ensemble des acteurs pour pouvoir à terme, soit en 2030, avoir préparé un certain nombre d’actions », exprime Christophe Mirmand, jeudi 18 janvier, à l’occasion de ses vœux à la presse.
Après la fronde des avocats et des acteurs économiques, le préfet avait déjà été chargé de mener une consultation avec toutes les parties prenantes à la demande du ministre et de livrer, place Vendôme, une synthèse faisant état des avantages et des inconvénients des trois hypothèses en lice.
L’option retenue étant la construction d’une tour qui s’élèvera sur 50 000 m2. Un projet financé par l’État à hauteur de 350 millions d’euros et pour lequel un concours d’architecte doit être lancé, sur la base d’un programme qui sera rédigé par l’Agence publique pour l’immobilier de la Justice (Apij), visant à déterminer les besoins du ministère de la Justice.
Une analyse plus fine des conséquences du déménagement
Pour Christophe Mirmand, les conséquences de ce déménagement dans le quartier d’Arenc « doivent être analysées de façon plus fine. Est-ce qu’il y a véritablement un risque de voir les professions de justice plutôt s’installer à proximité de la cité judiciaire ? Ou est-ce qu’on peut considérer que les aménagements qui vont en particulier être réalisés en matière de transport en commun, comme le tramway du 4-Septembre aux Catalans, par exemple, pourra permettre de répondre à ces exigences de mobilité de façon satisfaisante ? », interroge-t-il.
Et de questionner ensuite sur les conséquences qui résulteront sur le tissu commercial, plus largement autour du palais Monthyon.
Selon une étude d’impact réalisée, l’année dernière, par la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille Provence et le barreau de Marseille, les professionnels du droit représentent un vivier de 3900 consommateurs, avec un profil CSP+ « difficile à remplacer », notamment pour le secteur de la restauration, premier poste de dépense (40%) avec 7,4 M€ pour 390 000 repas par an.
5,7 millions d’euros pour les seules dépenses estimées des avocats sans leurs salariés, « avec un prix moyen de 19,10 euros, ce qui est assez élevé, car en France, le ticket moyen est de 11 euros. Il y a une forte dépense dans la restauration tirée vers le haut par les avocats qui ont un ticket moyen autour de 26 euros ».
Les achats dans les autres commerces (habillement, esthétique, coiffure, sport, bien-être, alimentation… ) sont estimés à 10,9 millions d’euros par an. En termes de foncier, 1900 avocats et leurs salariés représentent un peu plus de 50 000 m2 de locaux divers occupés sur la zone.
La création d’une zone franche, une piste toujours envisagée
Le représentant de l’État questionne ensuite les conséquences qui en résulteront sur le tissu commercial, plus largement autour du palais Monthyon, ouvrant des perspectives sur des mesures qui peuvent être mises en oeuvre. L’un des sujets étudiés sera le réaménagement d’autres activités dans une partie des locaux laissés vacants.
À Marseille, Éric Dupont-Moretti, qui avait pris la « ferme résolution » de ne pas laisser le centre-ville de Marseille se dévitaliser, évoquait quelques pistes. À savoir, une école nationale de la magistrature, l’école du barreau de Marseille et « peut-être une délocalisation » de l’école nationale des greffes.
En matière d’accompagnement économique, les moyens qui peuvent être mobilisés pour réinvestir l’espace seront aussi évoqués, parmi lesquels la création d’une zone franche. « Je ne m’engage pas aujourd’hui dans une telle perspective, mais cela fait partie des outils qui pourraient être envisagés et sur lequel il nous faudra travailler ».
Dans les prochaines semaines, le préfet va ainsi réunir tous les acteurs institutionnels, judiciaires, économiques « en élargissant sans doute la concertation à ceux qui avaient été associés à la première phase et voir ce que nous pouvons mettre en oeuvre pour rassurer ceux qui peuvent être inquiets ».