Martine Vassal, présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence, a lancé et testé le nouveau service de mobilité « Lecovoiturage » opéré par la société Karos, spécialiste tricolore du « court-voiturage ».
Le rendez-vous est donné sur le campus de Luminy (9e) ce mercredi 17 janvier. 10 000 personnes se rendent quotidiennement sur ce site au cœur du massif des Calanques, excentré de la ville, soit autant d’usagers qui pourraient potentiellement être séduits par le nouveau service de co-voiturage lancé par la Métropole Aix-Marseille-Provence (AMP).
« 80% des déplacements se font sur les routes et 90% en autosoliste. Nous avons développé le covoiturage comme solution, le temps de voir se concrétiser les différents projets de mobilité lancés », exprime la présidente (DVD) de la Métropole, Martine Vassal, devant des étudiants et chefs d’entreprises réunis dans l’un des bâtiments du campus.
Dans la continuité du plan gouvernemental de covoiturage, ce dispositif a pour ambition de convaincre les autosolistes de franchir le pas et ainsi de faire progresser ce mode de déplacement sur l’ensemble du territoire métropolitain. Et en la matière, « il faut arriver à être allant, car ce n’est pas toujours facile de prendre quelqu’un qu’on ne connaît pas dans sa voiture », concède l’élue.
2 euros par trajet pour le conducteur
L’incitation financière ? Voilà – peut-être – de quoi donner aux automobilistes avides de liberté l’envie d’ouvrir la portière de leur voiture pour partager un court trajet. Par exemple, sur les 13 kilomètres entre Marseille et Allauch, le conducteur perçoit 2 euros pour chaque personne qui monte à son bord. De 20 à 30 kilomètres, les conducteurs pourront aussi gagner 10 centimes supplémentaires par kilomètre.
Chaque passager débourse 50 centimes pour ce même parcours. Mais rien ne sera débité de son compte bancaire s’il dispose d’un abonnement au réseau des transports métropolitains (RTM), quel qu’il soit
À cela s’ajoutent les aides de l’État, puisque depuis le 1er janvier 2023 les conducteurs qui se lancent dans le covoiturage peuvent recevoir deux primes de 100 € : une pour les trajets courts du quotidien et une autre pour les trajets longue distance. Et 50 euros tous les dix trajets sous condition. L’objectif est de tripler le nombre de trajets quotidiens co-voiturés d’ici à 2027, en passant de 900 000 à 3 millions par jour en France.
Selon Martine Vassal, « une diminution de 10% du nombre de trajets effectués au quotidien dans la métropole permettrait de résorber les embouteillages en heures de pointe ». L’intercommunalité mise sur 600 000 abonnés d’ici à deux ans. Un objectif à atteindre avant d’envisager des voies réservées comme dans d’autres métropoles françaises. D’autant plus à l’heure des chantiers de modernisation des transports, soutenus par l’État avec 1 milliard d’euros dans le cadre du plan Marseille en Grand.
« C’est presque le meilleur terrain de jeu pour développer le co-voiturage »
Pour déployer ce nouveau service, la Métropole s’appuie sur la jeune pousse Karos, qui a remporté l’appel d’offres. Créée en 2014, la start-up parisienne est l’une des pionnières du covoiturage pour les courtes distances. Le 27 novembre dernier, l’entreprise a d’ailleurs levé 17 millions d’euros auprès de Ring Capital et Citizen Capital, avec l’ambition de renforcer son positionnement et devenir le champion européen du covoiturage courte distance.
Karos fournit aujourd’hui sa solution à près de 400 entreprises cherchant à verdir les déplacements de leurs salariés dans le cadre de leur politique de RSE, essentiellement en France, mais aussi en Allemagne, en Espagne et au Danemark.
Une quinzaine d’entreprises du territoire (80 sites) ont déjà adopté ce service à l’instar d’Aix-Marseille Université (Amu), le CEA-Cadarache, STMicroelectronics à Rousset en passant par Thalès, Bolloré Logistics… Une phase test qui permet aujourd’hui le déploiement pour tous, sur tous les trajets impossibles à réaliser avec les lignes structurantes (métro, tram, BHNS).
La société travaille avec une soixante de collectivités (Toulouse, Grenoble, Lyon, la région Ile-de-France) et désormais la Métropole Aix-Marseille-Provence, « un gros morceau », nous livre Olivier Binet, cofondateur et dirigeant de Karos.
Le patron admet volontiers que le territoire – qui compte à ce jour 12 000 utilisateurs – dispose d’un énorme potentiel pour développer ce marché. « On doit avoir un objectif ambitieux, néanmoins il n’a pas encore été fixé, mais il n’y a aucune raison que ça ne décolle pas de manière spectaculaire sur Aix-Marseille ».
Il s’agit pour l’entreprise « d’une très grande étape dans le développement de notre marché dans la plus grande métropole de France. C’est presque le meilleur terrain de jeu pour développer le co-voiturage à grande échelle. Tous les ingrédients sont là : on a une collectivité très engagée, une offre bien intégrée dans le bouquet de mobilité et sur laquelle il va y avoir une grosse communication ».
Une application flexible et facile d’utilisation
En effet, on retrouve dans l’application mobile téléchargeable Karos le dispositif « Lecovoiturage » de la Métropole. Pour toucher le plus grand nombre, Olivier Binet compte justement sur sa flexibilité, son utilisation simple et sa technologie. « En termes d’organisation, on n’est pas du tout sur quelque chose de fastidieux. L’objectif, c’est d’éviter d’être une plateforme de rencontre, « le Meetic du covoiturage ». Il n’est pas question que vous et moi nous soyons obligés de co-voiturer sur un modus operandi défini ».
Karos a ainsi développé un « gros moteur d’algorithmes » pour comprendre nos habitudes de mobilité et identifier automatiquement des usagers différents pour co-voiturer tous les jours. « Nos covoitureurs partagent en moyenne leur véhicule 13 fois pas mois et avec 7 personnes différentes depuis qu’ils ont commencé ».
L’application dispose également de plusieurs fonctionnalités pour paramétrer son profil : trajets, jours, itinéraire favori, intermodalité, filtrer votre niveau de détours… Autre exemple, si vous êtes une femme, vous pouvez choisir de ne co-voiturer qu’avec des femmes. Idem pour les hommes. Des groupes de collaborateurs d’une même entreprise peuvent également être constitués.
Pas de dérives possibles avec ce système. « Un utilisateur qui va commencer à faire 40 trajets dans la journée va très vite être identifié. Si vous voulez l’utiliser comme un faux taxi, ça ne marchera absolument pas », précise le co-fondateur.
Quant à la protection des données, « elles sont stockées dans une boîte noire et ne sont pas communiquées. On a fait des choix. Personne ne connaîtra votre adresse personnelle et le numéro de téléphone est délivré au moment clé de l’étape pour se retrouver », assure Olivier Binet, soulignant que le RGPD « a beaucoup aidé » pour aussi lutter contre le potentiel hacking.
Une offre complémentaire
Annoncé à l’occasion de la présentation des 35 projets qui seront déployés d’ici à 2035, le nouveau service de mobilité est financé à hauteur d’un million d’euros par la Métropole Aix-Marseille-Provence, dont 50% pris en charge par l’État via le Fonds Vert. Martine Vassal assure que cette aide, « bonne pour le porte-monnaie des utilisateurs », sera d’actualité « tant que je resterai présidente de la Métropole ».
« Lecovoiturage » complète l’offre de services proposée par la Métropole pour se déplacer sur tout le territoire à l’instar des Levélo, Lecar, Lebateau, Lanavette… ou encore la prime de 5000 euros pour l’achat de véhicules électriques.
L’enjeu est d’accélérer la décarbonation des déplacements quotidiens des habitants tout en répondant aux enjeux environnementaux. Avec dix millions de co-voiturages enregistrés par Karos ces 7 dernières années, « à date, c’est 14 tonnes d’émissions de CO2 qui ont être économisées grâce à nos utilisateurs, l’engagement des collectivités et entreprises et 50 millions d’euros de pouvoir d’achat économisé par nos utilisateurs », assure Olivier Binet.