La Ville de Marseille a donné un premier accord de principe pour une opération immobilière de 120 logements au pied du Vélodrome. La salle d’escalade Arkose et le bar Le Fair Play s’inquiètent pour leur avenir.
Nous sommes au pied du Vélodrome, sur les berges du lit sec de l’Huveaune, le long du boulevard Michelet. Pile à la frontière des 8e et 9e arrondissements de Marseille. Et à l’intersection des quartiers cossus de Saint-Giniez, Saint-Anne et Sainte-Marguerite.
Ici, de grands immeubles ont poussé. Certains déjà âgés, comme ceux de la résidence privée autour du square Michelet. D’autres, plus récents, trônent désormais sous le stade, avec un hôtel, une clinique et des logements de standing.
Dans ce contexte foncier prisé, une modeste enclave a étonnamment échappé à cette poussée verticale. On y trouve un vaste hangar, reconverti depuis 2018 en salle d’escalade par le groupe Arkose. À côté, une ancienne bâtisse de deux étages, des locaux des services de propreté de la Métropole. Ou encore, la brasserie Le Fair Play, institution des supporters de l’OM les jours de matchs.
Mais n’allez pas croire que ce triangle d’environ 7 000 m2 est resté sous les radars des promoteurs. Un projet immobilier est en gestation « depuis 2019 », lit-on dans une délibération du conseil municipal du 15 décembre dernier.
« On a besoin de logements et on peut densifier cette zone »
Les élus ont ainsi approuvé « le principe d’une cession de deux parcelles » appartenant à la municipalité et à la Métropole, soit 1 850 m², aux sociétés Ekinov et Demathieu Bard Immobilier, poids lourd de la promotion en France. Ce groupement privé aurait déjà « la maîtrise » des trois parcelles voisines, selon le document de la Ville.
Ce vote de « principe » acte l’avis favorable de la Mairie pour ce programme de « 120 logements », baptisé « Cœur Vélodrome ». « Nous soutenons le projet, nous confie Éric Méry, conseiller municipal spécial à l’urbanisme. On a besoin de logements et on peut densifier cette zone qui est bien desservie (métro, bus) sur un axe majeur. Avec 30% de logements sociaux, le projet est conforme à ce que l’on souhaite ».
Mais les contours du projet restent encore flous. Une petite fiche du site Demathieu Bard propose une esquisse laissant deviner 8 ou 9 étages. Elle indique que les agences 3A Architectes et Satori sont au dessin et évoque une livraison pour 2024.
Des informations que ni le promoteur, ni les architectes ne confirment pour l’heure, refusant de communiquer à ce stade précoce du programme. Le rapport adopté par le conseil municipal indique pour sa part que « le projet permet à ce stade d’entrer en phase opérationnelle ».
Les grimpeurs veulent faire bloc
Mais le document municipal semble imprécis sur quelques questions. À commencer par les parcelles dont le groupement privé est censé avoir déjà « la maîtrise ». Comme le terrain de la salle d’escalade. « Pas du tout », rétorque le président fondateur du groupe Arkose, Steve Guillou, qui loue le site à un propriétaire privé.
Nous lui apprenons l’existence du projet, alors que la délibération indique « un dialogue permanent avec les parties prenantes du site ». Après une mise au point auprès de son bailleur, le président d’Arkose insiste : « Notre propriétaire n’a pas l’intention de vendre. Il y aurait eu une prise de contact il y a trois ans, sans aucune offre, et aucune suite depuis ».
Malgré ces contradictions qui devront être éclaircies, Éric Méry insiste : « La salle d’escalade doit être intégrée au projet et rester sur le site. C’est non négociable », pose-t-il. Une condition inscrite dans la délibération votée par le conseil municipal.
Pas de quoi rassurer le président d’Arkose, qui, même si elle est intégrée au programme, craint un arrêt de l’activité le temps du chantier qui s’annonce conséquent. « Nous nous battrons pour rester. Notamment en usant de notre droit de préemption prévu dans le bail commercial », annonce Steve Guillou.
Fin de partie pour le Fair Play ?
Quid des autres activités du site concernées par le projet immobilier ? Qu’il s’agisse des services métropolitains de la propreté ou de la brasserie Le Fair Play : « l’acquéreur envisage de faire son affaire de ces occupations en les relogeant », assure la Ville.
« Ça fait 19 ans que je suis là, j’ai tout refait dernièrement », raconte Alain Nabet, qui dirige le bar devenu rendez-vous des supporters de l’OM les jours de matchs. Le tenancier est également dans le flou concernant ce projet immobilier. « Je n’ai aucune info, aucun calendrier, rien. Je ne sais pas à quoi m’attendre pour mon activité et mes deux employés. On va être relogés ? Indemnisés ? Dans quelles conditions ? ».
« Je ne me vois pas à la retraite », confie-t-il, malgré ses 64 ans. Le document municipal ne mentionne pas l’intégration du Fair Play au projet. Mais il précise que l’opération immobilière prévoir de consacrer son rez-de-chaussée aux commerces et services.
Les prochains mois devraient permettre d’y voir plus clair sur l’opération immobilière « Cœur Vélodrome ». Tant sur la nature du projet que sur l’avenir des occupants actuels site.