Avec son projet de navigation inclusive Nous sommes la mer, l’association Women for Sea embarque des femmes en situations de difficulté pour des journées en mer, au large de Marseille. Reportage.
Fondé en 2013 par la navigatrice Nathalie Ille, Women for Sea porte la voix des femmes au service de la protection du milieu marin. À Marseille, dans le cadre du projet « Nous sommes la mer », l’association embarque aussi celles, en difficulté, qui n’ont pas accès à la mer pour partir au large, échanger et leur donner envie d’agir.
Le 6 octobre dernier, un groupe d’une vingtaine d’entre elles a pu naviguer à bord d’un catamaran de Bleu Evasion, depuis le port de la Pointe-Rouge jusqu’au Parc national des Calanques. Au programme de la journée : détente, baignade, sensibilisation au milieu marin, et séance de méditation menée par la naturopathe Justine Colas. Made in Marseille a embarqué avec elles.
Un cadre bienveillant
Ces journées de navigation entre femmes sont imaginées pour offrir un cadre bienveillant et de confiance, dans une sorte de « petit huis clos qu’on crée, qui permet à chacune de se détendre, d’échanger, de se confier et se reconnecter à soi dans un esprit de sororité », explique Bertille Lefevre, coordinatrice de projets de l’association.
Au fil de la journée, plusieurs activités sont prévues : baignade, séance de méditation, et ateliers de sensibilisation à la biodiversité méditerranéenne. « On croit vraiment au pouvoir de la navigation comme catalyseur pour engager les gens et leur donner envie d’agir pour le milieu marin », poursuit la coordinatrice, qui a suivi une formation d’océanographe.
Démocratiser la pratique des sports nautiques
Dans le même temps, le simple fait de monter à bord d’un bateau permet de démocratiser la pratique des sports nautiques, qui restent inaccessibles pour beaucoup, même en habitant dans une ville au bord de la mer.
« Je n’étais jamais montée sur un catamaran, je ne savais même pas ce que c’était », admet Dalila Latreche-El Jaouadi, chargée de développement territorial à la Métropole Aix-Marseille Provence. Je suis née à Marseille, je connais bien la Pointe-Rouge, mais je n’y vais jamais. Il y a des lieux, comme ça, qui ne sont pas fermés, mais on n’y accède pas. On se met des verrous alors que c’est ouvert. Je trouve formidable le travail de cette association, d’aller ‘vers’. Il faut démocratiser les sports de mer ».
« Le déclencheur, c’étaient les Jeux olympiques, reprend Bertille Lefevre. On s’est dit que c’était important qu’il y ait d’autres femmes qui puissent embarquer et découvrir la mer, plutôt que des sportives de haut niveau ou des femmes qui sont plus ancrées dans ce secteur ».
Partenariats avec des associations sociales
Les participantes aux navigations sont mises en lien avec Women for Sea grâce à plusieurs associations sociales de Marseille. Parmi elles, l’Ampil (Association méditerranéenne pour l’insertion par le logement), l’HAS (Habitat Alternatif Social), Jeune et Rose et Solidarité femmes 13.
« Sur chaque journée, on essaye de mélanger les associations et les groupes pour leur permettre, aussi, de rencontrer d’autres femmes avec d’autres enjeux, précise Bertille. Certaines sont réfugiées, étaient à la rue, d’autres ont été victimes de violences, ont eu des cancers… ce sont des problématiques très différentes. Mais du coup, elles échangent assez librement sur ces sujets, et c’est très fort de les voir partager ça ».
« Une de nos hébergées a eu un parcours migratoire assez chaotique, et cette expérience lui a permis de voir la mer du côté positif », raconte Helena Harivel, conseillère au centre d’hébergement d’urgence de l’Ampil.
Focus sur la voile en 2024
Cette année, à l’occasion de six journées de navigation étalées entre août et octobre, 90 femmes en situations de difficulté ont pu embarquer aux côtés des membres de l’association. Pour réaliser ce projet, Women for Sea bénéficie de financements dans le cadre du programme Impact 2024 des Jeux olympiques, du fonds de dotation Omnis et du soutien du Département des Bouches-du-Rhône.
Le projet « Nous sommes la mer » devrait se poursuivre l’année prochaine, alors que les épreuves de voile des JO se dérouleront à Marseille. Cette fois, « pour faire découvrir le sport de la voile, et emmener encore plus de personnes en mer sur de plus longues durées, espère Bertille Lefevre. On a une longue liste de demandes de femmes qui ont envie d’embarquer, ou de ré-embarquer avec nous. Donc on va continuer ! ».