Pour finaliser le Boulevard Urbain Sud, la Métropole a déposé un recours auprès du tribunal administratif dans le but de récupérer le parc de la Mathilde, appartenant à la Ville de Marseille.
Au détour de l’inauguration de la nouvelle bretelle Schloesing, la présidente (DVD) de la Métropole Aix-Marseille-Provence en a profité pour « redire » son « attachement au BUS ». Comprendre : le Boulevard Urbain Sud. Cette rocade de 8,5 kilomètres, en partie sur quatre voies, doit relier l’échangeur Florian à la Pointe-Rouge. Ce projet porté par la Métropole, visant à fluidifier le trafic et libérer les noyaux villageois de la circulation automobile, était censé aboutir avant 2026.
Il doit notamment permettre de décongestionner le carrefour de jonction du boulevard Catherine Blum et du boulevard du Redon et de réaliser le pôle d’échanges multimodal de la Gaye, terminus du prolongement du tramway T3 Nord/Sud en cours de travaux où sera réalisé un parking relais de grande capacité.
Décrié pour son impact environnemental, ce sujet a déjà fait couler beaucoup d’encre, particulièrement lors des élections municipales de 2020, avant que la première tranche entre Saint-Loup et le Cabot ne s’ouvre au son des casseroles des contestataires. Pour le collectif anti-nuisance BUS (CANBUS), le projet n’atteindra pas son objectif premier qui consiste à alléger les flux, la majeure partie de la circulation des quartiers Sud étant en direction du centre-ville. Le collectif dénonce également un projet coûteux et générateur de perturbations importantes.
Prolongement en Boulevard Urbain Vert dans le 8e arrondissement
Le BUS n’est, en effet, pas du goût de tous, y compris de la majorité municipale, laquelle avait décidé d’y mettre un coup d’arrêt pour, entre autres, préserver le foncier existant. En septembre 2021, la Ville de Marseille a d’ailleurs déposé un recours au tribunal administratif visant à annuler l’arrêté préfectoral prorogeant la déclaration d’utilité publique (DUP) du Boulevard Urbain Sud jusqu’en 2026.
D’études en études, de discussions en objections, le projet était depuis en stand-by. Les différentes solutions envisagées n’ayant pas trouvé grâce aux yeux de la municipalité. Pourtant, « sur ce secteur, dans les différents comités d’intérêt de quartier, une grande majorité souhaite que le BUS se poursuive », plaide Martine Vassal, présidente (DVD) de la Métropole Aix-Marseille-Provence.
Pour l’élue, le Boulevard Urbain Sud doit faire une boucle, pour récupérer des voies circulantes, comme par exemple le boulevard Michelet ou le boulevard de Hambourg, « pour que ce soit plus fluide, explique-t-elle, avant d’annoncer : Je vais poursuivre le BUS jusqu’au Roy d’Espagne [qui reste dans le 9e arrondissement] pour respecter le vote démocratique des dernières élections », nous précise-t-elle. Le projet était défendu par Lionel Royer-Perreaut, lequel a été réélu maire, sous l’étiquette LR avant de devenir depuis député Renaissance.
Raison pour laquelle, entre le chemin du Roy d’Espagne et la traverse Parangon dans le 8e arrondissement, secteur gagné par le Printemps marseillais, l’objectif de l’intercommunalité est créer une coulée verte dédiée aux mobilités douces en fonction des disponibilités foncières actuelles. « Un boulevard urbain vert avec des aménagements cyclables et des cheminements piétons, qui s’étendra jusqu’en bord de mer », nous explique la présidente de la Métropole. Des équipements qui figuraient dans le projet initial.
Quoi qu’il en soit, Martine Vassal n’entend pas rester dans une situation de blocage. « Je ne serai pas la présidente qui arrêtera les projets. On devrait finir ce qui a été engagé. J’appelle ça la continuité républicaine, car nos mandats ne durent que 6 ans », exprimait-elle d’ailleurs, devant le tunnel Schloesing, se plaçant en « bâtisseuse, comme mes prédécesseurs. Je vais utiliser tous les moyens possibles pour que ce projet puisse être achevé ».
L’enjeu autour du parc de la Mathilde
Après la voie de la concertation, l’intercommunalité a décidé d’emprunter le chemin juridique en déposant un recours auprès du tribunal administratif pour récupérer le jardin municipal de la Mathilde, de 3,5 hectares, dans le quartier du Cabot, appartenant à la Ville de Marseille, qui refuse de le céder. « Il est prévu dans le projet et indispensable pour le continuer », poursuit Martine Vassal.
La Métropole avance un courrier du préfet des Bouches-du-Rhône, en date du 5 juin 2023, soulignant la « nécessité impérieuse d’améliorer les déplacements des habitants des secteurs traversés ou à desservir et la préservation de la sécurité des personnes et de la lutte contre les incendies, à la fois dans les quartiers Sud de la ville et dans les calanques ».
La Ville toujours opposée au projet
Mais la Ville reste opposée au projet tel qu’il est présenté aujourd’hui. « Comme le tracé ne nous convient toujours pas, il n’y a aucune raison d’aller massacrer un parc de la période bastidaire de Marseille, assure Nassera Benmarnia, adjointe au maire en charge du retour de la nature en ville. Nous avons ici un patrimoine arboré très ancien, qui produit de la fraîcheur et auquel les citoyens sont attachés. Les projets ne doivent pas se faire au détriment de la nature ».
Même chose pour les jardins familiaux Joseph Aiguier (9e) qui s’étendent sur 3,7 hectares avec un volet historique important. « Nous n’allons pas procéder au déclassement et à la disparition d’un des premiers jardins créés par Joseph Aiguier en 1910, pour un projet qui peut être réfléchi autrement, poursuit l’élue, estimant qu’il n’y a pas eu de phase de concertation. « Tous les documents actés avant notre arrivée sont obsolètes, car ils ne tiennent pas compte du réchauffement climatique, des habitants qui ont changé de mode de vie et de nos réserves. Ce projet de déplacement concerne tous les quartiers sud et il faut leur adhésion ainsi que celle du 6-8 ». Secteur tenu par le Printemps marseillais.
2026, date butoir
Si la Métropole ne met pas le premier coup de pioche avant 2026, date qui marque la fin de la déclaration d’utilité publique, cette dernière devient caduque. « Et là c’est « terminares ! » observe Martine Vassal. Peut-être que les petits enfants verront quelque chose, ça sera la L2 bis ».
Mais pour Hervé Menchon, il est nécessaire de prendre « le temps de construire un projet respectant les enjeux du XXIe siècle. Au lieu de faire un bon projet, la Métropole préfère rester dans la DUP avec un mauvais projet alors qu’il faut se mettre autour de la table, en dehors de toute étiquette politique, car le débat porte sur le climat. Là est l’urgence », plaide-t-il.
Avec Debout Marseille, liste écologiste lors des dernières élections municipales, l’adjoint au littoral avait porté un projet alternatif sur lequel s’est appuyé la majorité municipale pour proposer d’autres solutions.
L’élu a encore en mémoire l’amendement rejeté en conseil de Métropole proposant d’épargner les trois poumons verts que sont le jardin de la Mathilde, la pinède du Roy d’Espagne et les jardins familiaux Joseph Aiguier, en les contournant. La Ville avait proposé, par ailleurs, l’usage exclusif du transport en commun et des mobilités douces sur le tracé jusqu’à l’Escale Borely, « et de ne pas rentrer dans la Pointe-Rouge, car ça signifie raser 200 arbres ».
« Bien sûr, nous sommes pour de la mobilité douce, mais au service de nos administrés et dans le cadre d’une politique de décarbonation, poursuit Nassera Benmarnia. On ne peut pas sacrifier une nature présente depuis des siècles et qui produit des bienfaits. La nature ne se compense pas. On ne peut pas dire “je coupe quatre arbres pour en remettre 10”. Ce genre d’argument en octobre 2023, quand on a un climat du mois d’août, n’est pas acceptable », ajoute l’élue, qui indique que la Ville « avisera » en fonction de la décision de justice.
Amélioration du carrefour giratoire
En attendant, de son côté, la Métropole entend poursuivre le BUS sur les terrains qu’elle possède. Elle va « améliorer » le semblant de rond-point actuel en récupérant un bout du mur de l’école pour l’élargir. L’année dernière, la municipalité a cédé les parcelles (2 700 m²) où se trouvent actuellement les espaces extérieurs de l’école.
La fin du contentieux avec l’école va permettre l’aménagement de ce nouveau carrefour giratoire calibré pour mieux absorber le trafic routier tout en sécurisant les déplacements en modes actifs. « Ça va améliorer un peu, mais ce ne sera pas fameux », admet toutefois Martine Vassal, rappelant que l’enjeu est d’évacuer les véhicules « pour terminer le Boulevard Urbain Sud, sur lequel il y a de larges trottoirs, des pistes cyclables, et sur lequel il est aussi prévu un BHNS ».
Un sujet qui devrait être, de nouveaux, largement débattu au conseil de la Métropole, ce jeudi 12 octobre.