Avec The Next Stage, son plateau virtuel de haute technologie, l’un des rares en Europe, ses locaux adaptables et un écosystème solide, Provence Studios séduit aujourd’hui les plus grosses productions américaines. Après le tournage de La Nonne 2, la Warner envisage de revenir y poser ses caméras. Et elle n’est pas la seule !

« Le producteur de la Warner m’invite à découvrir le tournage au Couvent des Prêcheurs à Aix. Je suis concentré sur mon discours, très commercial, et je monte l’escalier et là je tombe nez à nez avec la nonne maquillée et j’ai hurlé, j’ai perdu toute ma crédibilité, elle est vraiment effrayante de près », se plaît à raconter Olivier Marchetti, au milieu d’une multitude de décors. Le fondateur de Provence Studios, implanté à Martigues, a longtemps été considéré comme « fou ». Aujourd’hui, il s’en amuse.

Lorsqu’il y a un peu plus de dix ans, ce spécialiste de la logistique, sur le secteur Fos-Martigues, décide de créer d’immenses studios de cinéma, seule une poignée de personnes croient en ce projet hors norme. Et c’est un peu par hasard qu’Olivier Marchetti endosse finalement le rôle de sa vie.

En 2010, la série No Limit produite par Luc besson (Europacorp) pour TF1 est tournée dans les environs. « Le réalisateur s’est trompé de porte et entre dans les entrepôts logistiques. Lorsque je le redirige vers l’extérieur, je l’entends dire à la personne qui l’accompagne : “Ils sont co**, ils devraient faire des studios ici” », nous confie l’ancien logisticien. Une information qui ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd, puisqu’il lance dans la foulée une étude de marché.

Six ans plus tard, Gaston Lagaffe, adaptation par Pierre-François Martin-Laval de la bande dessinée créée en 1957, vient faire des siennes dans les anciens entrepôts abritant autrefois les sodas Perrier ou les matériaux de Point P, reconvertis en plateaux de cinéma.

Des studios qui allient innovation, artisanat et écologie

Aujourd’hui, Provence Studios s’étend sur 22 hectares avec 26 000 m2 de bâtiments centraux composés de studios insonorisés, d’ateliers (menuiserie, fabrication d’accessoires…), de loges, de bureaux de production et d’espaces de stockage (6000 m2 de décors en tout genre), mais aussi “Stunt Track” des espaces dédiés aux tournages extérieurs.

La structure s’inscrit en 2014 dans une démarche environnementale avec l’installation de 28 000 m2 de panneaux photovoltaïques, la récupération de l’eau de pluie et le recyclage des décors, accessoires et mobiliers des tournages achevés. Une démarche qui rend service aux équipes contraintes par la loi de détruire les décors après les tournages. 88% des déchets sont ainsi réemployés.

Les Tuches 2, Pères et fils thérapie !, Overdrive, avec Scott Eastwood, récemment Heureux Gagnant, Vision, The Serpent Queen, Bac Nord, Les trois Mousquetaires : d’Artagnan, Titane, Palme d’Or à Cannes, ou encore la Nonne 2… Clips, publicités, séries, films, le spot s’est forgé une solide réputation, s’imposant ces dernières années dans le paysage cinématographique français et international.

« À l’échelle nationale, on a commencé à tourner assez rapidement finalement, mais avec les productions américaines, c’est plus compliqué parce que les réalisateurs tournent la plupart du temps sur les mêmes sites qu’ils connaissent bien », poursuit le fondateur.

Provence Studios, Comment Provence Studios a conquis la Warner sur le tournage de La Nonne 2, Made in Marseille

L’atout chance John Bernard et The Serpent Queen

C’est une rencontre qui vient changer la donne propulsant l’équipement, déjà bien doté, à un autre rang. L’atout chance n’est autre que John Bernard, l’un des plus importants producteurs exécutifs sur des tournages anglo-saxons en France (Peninsula Film).

À l’époque, la société Lionsgate avec laquelle John Bernard a, entre autres, travaillé sur les Hunger Games, souhaite porter à l’écran la vie de Catherine de Médicis, racontée dans la série The Serpent Queen.

Point de chute, le Centre-Val de Loire, sauf que Lionsgate recherche des studios en France et pour la société il n’en existe aucun. « John Bernard leur dit que des studios sont en train de se construire dans le sud. Mais Lionsgate n’avait pas envie de venir. Avec le Covid, et le risque de fermeture des frontières, John Bernard insiste et leur dit qu’il refusera de faire le film s’ils ne viennent pas ici » nous raconte Olivier Marchetti, qui a depuis un attachement particulier pour John Bernard. « Il a pris des risques pour sa carrière en nous faisant confiance parce que, si ça devait mal se passer, on lui a fait entendre qu’il ne ferait plus aucun film américain ».

Ce qu’Olivier Marchetti et ses équipes ne savent pas, c’est que durant toute la durée du tournage de la saison 1, le producteur américain, « qui était là, poli, mais distant avec nous », avait confié une mission bien particulière à l’un de ses collaborateurs : faire un compte-rendu quotidien, détaillé et documenté. « Le dernier jour, il me convoque dans son bureau et me dit : “je ne voulais pas venir ici, je n’avais pas confiance en vous, vous n’avez jamais rien fait avec les Américains, on ne voulait pas essuyer les plâtres, mais John vous a fait confiance”, et il marque une pause qui a peut-être duré quelques secondes dans la réalité, mais qui a été une éternité pour moi, puis il me dit : « il avait raison, en me sortant un gros dossier. Vous avez été au top. On reviendra faire la saison 2”.» Promesse tenue puisque le tournage s’est achevé au mois d’août dernier.

The Next Stage : de la fiction à la réalité

Dès lors, de nouvelles perspectives s’ouvrent pour Provence Studios qui investit en 2021 pas moins de 3 millions d’euros dans un nouvel outil technologique de pointe : The Next Stage, géré par La Planète Rouge, l’entreprise de post-production du groupe.

Imaginez un écran virtuel de 400 m2 doté de la technologie la plus avancée en matière de 3-D en temps réel. Ce studio XR de 1000 m2 au sol, constitué d’un mur LED en U, d’un toit motorisé et de deux retours mobiles, permet de tourner l’extérieur en intérieur. « Il y a un système de jeu vidéo derrière (Unreal) et grâce à ça on va créer un décor 2D ou 3D, c’est-à-dire avec des perspectives et éviter les problèmes de parallaxe, ça veut dire que la caméra va être géolocalisée et que le décor va bouger en même temps » explique le patron des lieux.

Une petite révolution technique du fond vert en somme et une technologie avec laquelle Disney a réalisé The Mandalorian. « On est l’un des rares en Europe à avoir ce plateau, c’est pour ça que des films comme La Nonne viennent ici ». Car c’est bien à Provence Studios qu’a été en partie tournée La Nonne 2 actuellement au cinéma.

Après l’expérience réussie avec The Serpent Queen, la production fait en effet la promotion des studios à Los Angeles auprès de la PGA (la ligue des producteurs américains). Le soir de la première de Bac Nord à Cannes, en juillet 2021, deux mails viennent récompenser les efforts de la team de l’entreprise martégale : la Paramount et Warner Bross et « dans la foulée on a eu quatre ou cinq demandes de studios américains, et les félicitations de la Warner pour le tournage de la Nonne 2 », ajoute Olivier Marchetti, avec un brin d’émotion. « Ils devraient revenir », espère-t-il.

Provence Studios, Comment Provence Studios a conquis la Warner sur le tournage de La Nonne 2, Made in Marseille
© WARNER BROS. ENTERTAINMENT INC

Les décors déménagent à Marseille

Si l’opération séduction de Provence Studios fonctionne, ce n’est pas seulement grâce à son infrastructure à la pointe de l’innovation, mais grâce à tout un écosystème et une souplesse de chaque instant. « Comme on ne peut pas pousser les murs, on s’adapte sans cesse, on démonte des décors pour faire de l’espace, on remonte, on n’a pas le choix, mais on répond toujours présent », ajoute le boss des lieux dans l’une des cellules d’une prison reconstituée entièrement en bois, dont les rappeurs sont d’ailleurs friands.

Sur l’une des portes, les inscriptions Naps ou encore Jul. « Parfois, on nous appelle pour nous dire “on veut faire un partenariat avec Jul », mais il nous dit qu’il le fera qu’à la seule condition que ça se fasse ici ».

Les décors dits “prêts à tourner” (PAT), la prison, le tribunal et la morgue vont déménager dans les prochains mois à Marseille. Provence Studios va ainsi investir 5 hectares de l’ancienne usine Saint-Louis Sucre, dans les quartiers Nord.

Racheté en 2022 par la société Brownfield, le site va être transformé en studios de cinéma et accueillir une plateforme logistique dédiée à la mobilité décarbonée. Une fois le permis de construire purgé de tous recours, les PAT devraient prendre vie dans le courant de l’année 2024. « On voit qu’il y a une réelle demande de la part des visiteurs pour venir voir les plateaux, comme à l’occasion des Journées du patrimoine. Ils seront donc accessibles au public et ça nous permettra d’avoir de nouveaux espaces à Martigues pour faire face à la demande », explique Olivier Marchetti.

Que la force soit avec la formation

Les nouveaux studios marseillais seront aussi largement consacrés à la formation des métiers du cinéma et des industries culturelles et créatives. « La formation, c’est vital pour nous parce qu’un studio sans personne dedans, ça reste des murs. Nos productions ont besoin de techniciens donc, aujourd’hui, si on aide autant la formation, c’est qu’on est en train de créer le vivier pour renforcer l’accueil des supers-productions, nationales et internationales ».

En effet, Provence Studios a scellé des partenariats avec la Satis, basée à Aubagne, devenue récemment la 4e école publique de cinéma en France. Mais aussi avec les Ateliers de l’image et du son (AIS) et l’école Kourtrajmé. Implantée à Marseille depuis trois ans, elle permet à des passionnés, sans limites d’âge et sans condition de diplôme, d’accéder à tous les métiers de l’audiovisuel via l’insertion professionnelle.

Puis, la Plateforme, une école inclusive, qui selon le même modèle, forme des jeunes aux métiers du numérique et bientôt des industries culturelles et créatives, avec l’arrivée de l’école Tumo et une antenne à Martigues pour rapprocher informatique et audiovisuel.

Mission (im)possible !

Beaucoup de ces apprentis et stagiaires travaillent régulièrement sur des productions locales, nationales ou internationales à Provence Studios, qui s’inscrit dans une dynamique territoriale avec une structuration de la filière, poussée par les pouvoirs publics.

Différents projets sont en cours, à l’instar de l’ouverture d’une deuxième école Cinéfabrique, sur le modèle de celle déjà existante à Lyon et le développement d’une antenne de la Cinémathèque française qui devrait s’installer au Dock des Suds. Mais aussi la modernisation du Pôle Média de la Belle de Mai, notamment connu pour abriter les studios et les bureaux de la série Plus belle la vie et la création d’une base logistique pour accueillir les tournages de cinéma sur le boulevard Capitaine Gèze.

Objectif ? Renforcer les compétences pour créer un vivier de techniciens dans tous les métiers du cinéma et démontrer que le territoire ne manque pas de talent(s). Fan de James Bond, Olivier Marchetti se prend parfois à rêver d’accueillir le prochain 007 ou même Tom Cruise. Et inutile de lui dire qu’il se fait des films, pour Olivier Marchetti, rien n’est Mission impossible.

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