Nommée proviseure préfiguratrice de la cité scolaire internationale de Marseille, Isabelle Negrel travaille à la mise en œuvre du projet pédagogique qui allie mixité et excellence pour la rentrée 2024.
Baptisée « Jacques Chirac », la future cité scolaire internationale doit ouvrir à la rentrée 2024 en plein cœur d’Euroméditerranée, à Marseille.
Imaginé par l’Agence Rudy Ricciotti et le cabinet d’architecture Carta et Associés, l’établissement va accueillir plus de 2 100 élèves, du CP au lycée et proposer un enseignement d’excellence autour de 5 langues.
Un projet d’envergure à hauteur de 100 millions d’euros, porté par la Région Sud, maître d’ouvrage de l’opération, qui le finance à 49 %, le Département des Bouches-du-Rhône 37 % et la Ville de Marseille 14 %.
Une solide expérience de ce type d’établissement
Isabelle Negrel a été nommée proviseure préfiguratrice de la cité scolaire internationale. Après avoir quitté la cité phocéenne où elle a débuté son parcours professionnel, il y a une vingtaine d’années, elle revient « à Marseille avec beaucoup de plaisir et pour ce projet très enthousiasmant, parce que lorsqu’on a goûté à l’international, c’est difficile de revenir dans un établissement classique », sourit-elle.
Avec une carrière en France et à l’étranger, où elle a travaillé avec l’Agence pour l’enseignement français, Isabelle Negrel dispose, en effet, d’une solide expérience. Proviseure au lycée international de Saint-Germain-en-Laye (maternelle-terminale), au Liban ou plus récemment à Lisbonne d’où elle arrive, elle a l’habitude des établissements à la même configuration que la future cité scolaire marseillaise, c’est-à-dire avec un enseignement allant de l’école élémentaire à la terminale. « Ce qui n’est pas commun en France », précise-t-elle.
De nombreux établissements en France ont des sections internationales, mais très peu ont des élèves uniquement en section internationale et proposent un enseignement à l’école, au collège et au lycée. Dans l’académie, seule l’école internationale de Manosque dans les Alpes-de-Haute-Provence (EIPACA) et la future CSI de Marseille ont ce profil. « Ce que j’aime beaucoup dans ce type de structure, c’est justement d’avoir des écoliers, des collégiens et des lycéens, parce que ça permet de penser la continuité, de bien voir comment construire un parcours d‘élèves, là on peut construire toute une histoire et c’est passionnant ».
La future cité internationale sera la première en France à ouvrir sous le statut d’établissement public local d’enseignement international (EPLEI).
A quoi ressemblera la future cité scolaire internationale
La Cité scolaire internationale imaginée par Ricciotti et Carta se dévoile en images
Quel profil d’enseignants ?
En fonction depuis le 1er septembre, Isabelle Negrel doit « donner vie » au plan pédagogique, déjà dessiné, et au projet d’établissement qui s’inscrit dans une démarche de mixité sociale et culturelle et d’excellence.
La cheffe d’établissement planche actuellement sur les demandes de dossiers d’ouverture de sections internationales. Une démarche « déjà bien engagée » qui doit transiter par le rectorat, avant d’être adressée au ministère de l’Éducation nationale, dont c’est la compétence. « Il examine les dossiers et nous recevons les autorisations en janvier pour l’année suivante ».
Parmi ses missions, elle doit également s’occuper du recrutement des élèves qui s’effectue sur dossier et sur entretien, ainsi que des enseignants, puisqu’il s’agit de postes à profil. « Il y aura différents aspects ».
Les professeurs devront disposer naturellement de compétences linguistiques pour enseigner dans la langue de section. À savoir : l’allemand, l’anglais, l’arabe, le chinois et l’espagnol. Pour quatre d’entre elles, la discipline non linguistique sera l’histoire-géographie. Pour le chinois, le choix s’est porté sur les mathématiques. 50 % des programmes scolaires seront enseignés dans la langue de section sans oublier les cours sur l’histoire, les us et coutumes du pays.
D’autre part, pour répondre à des besoins spécifiques d’accompagnement, « on va aussi recruter des professeurs qui ont une expérience avérée dans la différenciation pédagogique, c’est-à-dire avec la capacité d’enseigner différemment selon les niveaux d’apprentissage des élèves et leur niveau d’avancement ».
Les élèves les plus déterminés
Pour se prémunir d’une image trop élitiste, contraire au projet pédagogique initié, la cité scolaire internationale entend favoriser l’entrée des élèves les plus déterminés. Isabelle Negrel rejette d’ailleurs la notion de « meilleurs élèves », préférant insister sur la « grande motivation » dont ils doivent faire preuve. « Évidemment, on ne va pas demander aux élèves qui entrent au CP de parler couramment l’arabe ou le chinois, c’est pour ça qu’il y aura des entretiens, parce qu’il faut qu’il y ait une réelle motivation de la part de l’élève, une volonté, une curiosité, une ouverture d’esprit », dit-elle.
À l’école, cela passe par un « engagement réel de l’enfant, mais aussi des familles, et puis progressivement au collège et surtout au lycée, il y aura des tests (écrit d’une heure et oral) comme c’est prévu dans la loi, pour l’entrée en section internationale ».
Autre critère de sélection : être travailleur. Un impératif pour tenir le rythme de travail à raison de 3 heures d’enseignement supplémentaire à l’école, 6 heures au collège et entre 6 et 8 heures de plus au lycée selon les langues. « Ça va être mon travail de préfiguration d’aller aussi au-devant des familles, des chefs d’établissement pour montrer tout l’intérêt d’aborder les enseignements avec un renforcement linguistique dès l’école élémentaire pour encourager les élèves à candidater ».
Pour les familles freinées par le fait de ne pas pouvoir commencer l’anglais rapidement, « on proposera aux élèves qui choisiront des sections autres de commencer l’apprentissage de l’anglais dès le CM1 », rassure Isabelle Negrel, qui lutte contre le cliché selon lequel les Français seraient médiocres en langues. « Il y a eu énormément de progrès sur la méthodologie, plus d’interactions. On n’est plus sur les manuels d’apprentissage, on travaille sur des textes originaux, sur des reportages… Il y a vraiment une dynamique dans les langues qui n’existe peut-être pas dans toutes les disciplines ».
Un tiers d’élèves du secteur
Située à Arenc, dans une zone en mutation, à l’interface entre un quartier d’affaires et un quartier populaire, la future cité scolaire internationale entend privilégier l’accueil des élèves du secteur. « On est sur un objectif cible de 30 % et de toute façon, cet établissement n’a de sens que s’il intègre les élèves du secteur puisqu’il a été créé vraiment dans cet esprit-là et pour répondre à la mixité qui existe à Marseille ».
Si une attention particulière est portée aux jeunes Marseillais des réseaux Vieux-Port et Madrague, l’établissement a vocation à recruter dans toute l’académie Aix-Marseille.
Depuis le lancement du projet, l’apprentissage des langues a été renforcé dans différents établissements alentour et dans la métropole en général. L’école d’immersion en langue (Edil) est un dispositif de l’Éducation nationale visant à enseigner en langue étrangère, en l’occurrence l’anglais, dès l’école maternelle. « Ce qui a préfiguré à la naissance de la cité scolaire internationale, c’est qu’on a développé un contexte dans l’académie qui va permettre de trouver un vivier d’élèves, ça, c’est extraordinaire ».
Un sésame pour une carrière à l’international
700 élèves sont attendus dès l’ouverture. « On aura une école à trois classes par niveau. Un collège à 6 classes par niveau et un lycée à 10 classes par niveau, avec un internat. Ce qui permet d’avoir des arrivées d’élèves échelonnées à tous les niveaux ».
Elle ne le répétera jamais assez : « L’intérêt est aussi de créer de la mixité à l’intérieur des classes et qu’ensuite les élèves se retrouvent dans leur enseignement de section. C’est vraiment une ouverture qu’il faut venir chercher au sein de cet établissement, dans lequel il y aura une grande diversité linguistique et culturelle, y compris sur la langue vivante 2 ».
Pour l’heure, dès la 5e, les élèves pourront apprendre le russe, l’arménien, l’hébreu, l’italien, le portugais et même le provençal et les langues de section (LV1). Le futur établissement doit aussi favoriser les échanges de programmes internationaux dès la classe de seconde pour permettre aux élèves de faire une partie de leur scolarité à l’étranger. « Nous voulons aussi obtenir rapidement l’accréditation Erasmus + pour permettre des échanges de nos élèves ajoute la proviseure. L’objectif, c’est d’engager les élèves sur une ouverture internationale, leur donner envie d’aller étudier à l’étranger et d’avoir des carrières internationales ».