Deux chefs provençaux, Yvan Vahanian et Ludovic Turac, et Alexandre Pinna, patron du restaurant Chez Fonfon, se lancent le défi d’inscrire la bouillabaisse au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.
Et si, au même titre que la baguette il y a quelques mois, la bouillabaisse intégrait le patrimoine culturel immatériel de l’Unesco ? C’est le pari que se sont lancés Yvan Vahanian, chef de La Calanque bleue à Sausset-les-Pins, Ludovic Turac, chef étoilé d’Une Table au Sud, et Alexandre Pinna, patron du célèbre restaurant Chez Fonfon.
Tous les trois se sont réunis sur la terrasse de la Calanque bleue ce vendredi 14 avril pour annoncer le lancement de l’association des Spécialistes de la bouillabaisse, la première pierre de cette démarche. Avec, comme invité spécial, Guillaume Gomez, ancien chef de l’Élysée et représentant personnel du président de la République auprès des acteurs de la gastronomie et de l’alimentation.
« Fédérer un maximum d’acteurs »
« Nous voulons fédérer un maximum d’acteurs dans cette aventure pour faire reconnaître ce plat emblématique, mais aussi tous les savoir-faire qui y sont liés », lance Yvan Vahanian. Un travail de longue haleine, qui doit « faire rayonner le travail des chefs, ainsi que des pêcheurs, des producteurs d’ail et de safran, des distributeurs, des restaurateurs… afin de convaincre que la bouillabaisse représente une région, un pays et des savoir-faire spécifiques. Il n’y a pas de vocation commerciale derrière », ajoute Guillaume Gomez.
Avant de pouvoir déposer le dossier à l’Unesco, il doit d’abord passer par une reconnaissance « au niveau régional, précise ce dernier, avant que le ministère de la Culture reconnaisse que ce plat peut être porté par la France au Patrimoine immatériel ». Celui-ci rappelle que « le Président avait soutenu le dossier de la baguette de pain, et Nicolas Sarkozy, en son temps, avait appuyé celui du repas gastronomique des Français ».
Une recette antique
Si chacun prépare ce plat typique à sa manière, les trois spécialistes s’accordent sur le « fondement le plus évident : une fois qu’on a un bon bouillon, tous les poissons frais et nobles peuvent y entrer », résume Alexandre Pinna. Nous allons en inscrire une dizaine sur la liste, dont les plus connus : rascasse, vive, gallinette, fielas, saint-pierre… qui varient en fonction de la saison et de la pêche ».
« Nous sommes installés au Vallon des Auffes depuis trois générations, poursuit le patron de Chez Fonfon. Cela rendrait hommage aux anciens qui se sont battus pour créer ce plat ».
Cette soupe de poisson typiquement marseillaise, accompagnée de croûtons de pain frottés à l’ail et tartinés de rouille, de morceaux de poissons, et de pommes de terre, « puise ses origines de l’époque où Marseille était une colonie grecque, rappelle Yvan Vahanian. Ceux-ci ont apporté la kakavia, un bouillon de carottes et de pommes de terre, qui est la base de la bouillabaisse que l’on connaît aujourd’hui ».
Le chef de La Calanque bleue organise depuis 2018 le « challenge bouillabaisse » : une fois par an, les équipes du restaurant investissent la cuisine d’un restaurant à l’étranger pour promouvoir le plat provençal. Après un franc succès à New York, ils s’envoleront pour le Japon en décembre prochain.
De la pêche à l’assiette
Accompagnés par des conseillers, les trois restaurateurs vont à présent devoir affiner les détails de cette candidature. Et décider s’ils la porteront, par exemple, conjointement avec d’autres pays du bassin méditerranéen, dont chacun possède sa version de la soupe de poissons de roche.
En attendant, ils espèrent devoir « rassembler le maximum de chefs et de spécialistes de la bouillabaisse » autour de ce projet. Les chefs Gérald Passedat et Dominique Frérard du Sofitel ont déjà donné leur appui. « Nous voulons qu’un maximum de personnes se joignent à cette belle aventure, y compris les producteurs avec lesquels on travaille, pour mettre en valeur le travail de tout le monde, de la pêche à l’assiette. Plus on sera nombreux, plus on sera forts ! ». L’appel est lancé.