Cap sur V2O Marine ! La start-up marseillaise a conçu un système de grande voile flottante, tractée par bateau, qui permet de rassembler les déchets pour optimiser les opérations de dépollution en mer.
« Dans 30 ans, il y aura plus de déchets que de poissons dans l’océan ». C’est la prévision de la communauté scientifique si rien ne change d’ici 2050. Malgré les lois limitant l’utilisation du plastique, la pollution des océans se poursuit. Plus de 10 millions de tonnes de plastique continuent de se déverser dans les mers chaque année, selon l’ONU.
Rémi Allain, ingénieur en architecture navale, a décidé de prendre le large il y a un an et demi en créant la start-up V2O Marine. Confronté à la pollution marine sur les chantiers navals ou dans les bureaux d’études, le Nantais, arrivé à Marseille il y a 10 ans, conçoit alors le dispositif MPS « Marine Pollution Système ».
Il s’agit d’un entonnoir géant permettant de faciliter le travail des navires antipollution naviguant sur la mer Méditerranée, l’une des plus polluées au monde en microparticules selon WWF.
Rassembler la pollution pour mieux la ramasser
En 2020, avant la naissance de V2O Marine, Rémi se pose la question : « Des bateaux existent pour récupérer les plastiques, mais comment les rendre plus efficaces ? ». Il imagine alors un dispositif hydrodynamique : une large voile tractée par un bateau. Elle permet de rassembler et de concentrer les déchets pour optimiser le travail de récupération de la pollution des navires.
Le premier dispositif MPS 11, fabriqué en France, voit le jour en janvier 2023. Avec 15 mètres de long et 11 de large, le dispositif fait ses premiers essais en Méditerranée, en collaboration avec les équipes du port de Marseille Fos.
Rémi décide de simuler de faux déchets en utilisant des balles de riz qu’il va chercher en Camargue. Le système fait ses preuves. Grâce à sa forme hydrodynamique, le navire tractant le MPS 11 peut atteindre une vitesse de 4 nœuds, soit 7,5 km/h, lorsque le dispositif est ouvert.
En position fermée, pour se déplacer vers la zone à traiter ou rentrer de mission, le navire atteint une vitesse de 8 nœuds (15 km/h). « Grâce à la forme hydrodynamique, les efforts de traction sont relativement faibles. On vise l’inverse de l’effet parachute, fait pour ralentir. Le MPS est pensé pour accélérer », se réjouit Rémi Allain, fondateur de V2O Marine.
D’autant plus que, grâce à la forme hydrodynamique du dispositif, le bateau qui le tracte réduit sa consommation de carburant.
Des marées noires aux déchets plastiques
En somme, cette voile permet d’augmenter la surface traitée, ainsi que la vitesse de la dépollution. Selon V2O Marine, un navire de dépollution précédé par son dispositif MPS 11 traitera une zone de 12 km². Soit deux fois et demie plus rapidement que quatre navires similaires.
Et ce, pour une grande variété de polluants en surface. Hydrocarbures, déchets chimiques, algues toxiques, micro-plastiques, macrodéchets… Le dispositif de la start-up récupère « tout ce qui flotte, et peut même se déployer en cas de marée noire », assure Rémi.
Vers une voile de 60 mètres de large
V2O Marine prévoit d’adapter ces modèles en fonction des petits ou gros bateaux. La capacité maximum du dispositif serait de 60 mètres de largeur avec le MPS60. La start-up marseillaise fabrique actuellement son deuxième dispositif, le MPS 30.
Ces solutions s’adressent à différents types de clients. Comme les ports et les collectivités qui souhaitent réduire le nombre de macrodéchets et algues toxiques sur leurs plans d’eau. Mais encore les sociétés pétrolières en ce qui concerne les hydrocarbures.
Sentant le vent en poupe, l’ingénieur nantais se projette vers l’avenir, et imagine notamment un système autonome tracté par drone. Pour l’instant, l’entreprise garde les pieds sur terre et se prépare à commercialiser ses dispositifs actuels. En commençant sur le territoire, devenu Capitale européenne de l’innovation.
Marseille, effervescence du « blue green tech » ?
Frappé par le manque d’initiatives mondiales, le fondateur de V2O Marine pointe du doigt « les pays riches qui sont les plus gros consommateurs de plastiques ». D’après un rapport du WWF, avec 60 millions de tonnes produites par an, l’Europe est le deuxième plus grand producteur mondial de plastique après la Chine.
« Cette pollution est dangereuse, elle représente un risque pour notre avenir », s’alarme Rémi Allain en chiffrant qu’aujourd’hui, il y a 1 kilo de plastique pour 2,5 kilos de masse animale dans les mers. Au rythme actuel, il y aura autant de plastique que de poissons dans les océans en 2050 selon Peter Thomson, envoyé spécial des Nations unies.
Face à ce défi environnemental, Rémi conseille d’agir sur toute la chaîne de valeurs, en réduisant le plastique à la source et en captant les déchets en eau douce et eau salée. L’ingénieur ne perd pas espoir et fait confiance au « maillage territorial de la métropole » qu’il voit grandir et qui lui a permis de développer sa start-up.
« Dès le début j’ai eu la chance d’être vivement accompagné », se réjouit-il. Sa société, membre de la pépinière Marseille Innovations, a reçu l’aide et le soutien d’autres incubateurs tels que la Bpi France, le Pôle Mer Méditerranée, la French Tech Aix-Marseille et l’association Entrepreneurs pour la planète. Ou encore de son mentor, l’agence digitale Viseo.
L’entrepreneur considère que la cité phocéenne est à « un tournant de son histoire » et constate le nombre de start-up émergentes et d’opérations en faveur du changement écologique. « C’est un des avenirs industriels de la ville, de la métropole, du département », estime-t-il.
Green City Organisation et son filet connecté anti-déchets, Plastic Odyssey et son carburant pour bateaux fabriqué à partir de déchets des fonds-marins, Iadys et son petit robot nettoyeur Jellyfishbot, ou encore le robot télécommandé SeaClear de SubSea Tech… Autant de start-ups marseillaises qui œuvrent dans le domaine de la « green tech » maritime. Rémi aime ajouter « bleu » pour définir ce nouvel écosystème porteur de solutions.