La jeune marseillaise Chloé Durand vient de lancer sa marque de maroquinerie végétale engagée, Carmen & Simone. En revisitant les pièces vintage de ses grand-mères, la créatrice confectionne des sacs tendance à partir d’épluchures de pomme.
Certaines préféreront Simone. Chic, simple et moderne. Parfois rock si l’envie leur en prend, ou avec un côté plus urbain. D’autres tomberont sous le charme de Carmen, tout en élégance, capable de s’adapter à n’importe quelle situation, en journée comme en soirée.
Carmen & Simone, c’est la nouvelle petite griffe marseillaise. Une marque de maroquinerie haut de gamme et engagée signée Chloé Durand. À 27 ans, la jeune femme, diplômée de Kedge Business School Marseille, s’est lancée dans une aventure entrepreneuriale en forme d’hommage à celles qui l’ont inspirée : ses deux grands-mères Carmen et Simone.
Plus qu’un accessoire de mode, un objet de transmission
C’est au soir du réveillon de Noël, il y a deux ans, que cette idée a germé, « quand ma mère m’a raconté l’histoire du sac à main de ma grand-mère Simone ». Cette agricultrice dans une ferme normande, « pas un brin coquette », sourit affectueusement Chloé, ne possédait qu’un seul sac à main pour se rendre à l’église le dimanche.
Un bien précieux à ses yeux qu’elle a légué à sa seule fille, la mère de Chloé. « C’est un sac qui a aujourd’hui plus de 50 ans. Ce soir-là, j’ai eu le déclic et je me suis dit, pourquoi pas me lancer dans la confection de sacs à main pour que ça devienne vraiment un objet de transmission », raconte Chloé, qui a toujours été passionnée de mode en général et de sacs à main. « J’en ai beaucoup, de toutes les couleurs et de toutes les formes, parce que je trouve que c’est un accessoire à part entière qui vient rehausser une tenue, ajouter du style », dit-elle.
Ce goût prononcé pour cet accessoire du quotidien lui a été transmis par sa grand-mère espagnole Carmen, qui assortissait ses tenues avec une belle pièce à son bras. « Je fouillais toujours dans ses placards, se souvient Chloé. J’ai toujours aimé ce tendre contraste entre mes deux grands-mères. Chacune me montrait un aspect de la féminité, et toutes deux aimaient sortir avec un beau sac à main. Il a toujours été le détail qui faisait la différence ».
« Je n’avais pas envie de polluer encore plus »
Au fil du temps, créer sa propre marque devient « une véritable obsession ». Sauf qu’entre son poste de cheffe de projet dans l’agroalimentaire au sein de la Compagnie des pâtissiers, puis dans une entreprise qui développe une solution de signature mail, cette spécialiste du marketing et du management est bien loin de l’univers qu’elle entend conquérir. « J’ai fait une étude de marché, j’ai compris que c’était un secteur très concurrentiel, dans lequel je n’avais aucune expertise, mais c’était devenu une idée fixe pour moi ».
Dans son coin, elle contracte un petit prêt bancaire pour s’adjoindre l’aide d’une styliste, avec laquelle elle élabore la future identité de la marque, la conception des modèles… tout en s’inspirant des sacs vintage de ses grands-mères et de ses idées.
Ses recherches lui font également prendre conscience de l’impact environnemental de cette industrie. Elle réoriente son projet vers une maroquinerie plus écoresponsable. « Je n’avais pas envie de polluer encore plus. Je voulais créer une maroquinerie différente qui respecte l’animal comme la nature, assure Chloé, bénévole à la SPA. J’adore les animaux, et en réalité, il y a des matières alternatives dont on parle peu, comme l’Apple Skin qui ressemble vraiment à du cuir, et écoresponsables ».
Des sacs haut de gamme à base de peau de pomme
L’Apple Skin (peau de pomme) est une matière biosourcée, 100% végane, produite à base de déchets de pommes, pour l’industrie agroalimentaire pour des jus, cidres et compotes. La peau est récupérée, séchée puis réduite en poudre, qui sera ensuite incorporée à un mélange de pigments et de polyuréthanes, avant d’être enduite sur une sous-couche tissée.
Une composition qui limite déjà largement l’utilisation de matière fossile en la remplaçant par une source végétale renouvelable, plus respectueuse de l’environnement. « J’ai opté pour cette matière, car c’est celle qui se rapproche visuellement et même au touché du cuir. À la fin du processus, on obtient un tissu résistant, flexible et durable et qui a les mêmes propriétés que le cuir animal », poursuit Chloé, qui travaille avec les spécialistes de cette solution en Italie. Plus de 30 000 tonnes de déchets de pommes sont réutilisées chaque année pour produire l’Apple Skin.
Les végétaux comme alternatives éco-responsables
Pour démarrer sa collection, Chloé a lancé la production de 180 sacs en trois coloris : noir, camel et blanc. Des intemporels pour jouer avec les quatre saisons vendus sur son e-shop ouvert depuis quelques semaines. Deux nouveautés viennent fleurir la gamme : le lilas et rose poudré pour les beaux jours, présentés à l’occasion d’un pop-up store de créateurs engagés dans le Marais à Paris, la semaine dernière. « J’aimerais bien sûr pouvoir intégrer des magasins à Marseille », espère la jeune entrepreneuse.
Elle entend déjà faire évoluer ses produits en utilisant d’autres matières végétales, comme alternatives au cuir animal, tel que le Desserto®, par exemple : un matériau 100 % vegan, fabriqué avec les feuilles matures du cactus sans endommager la plante elle-même.
Dans la même ligne, le Piñatex (feuilles d’ananas), le raisin ou encore le champignon. Lors de la dernière Fashion Week à Paris, le public a pu découvrir la nouvelle pièce 100% vegan de la créatrice Stella McCartney, très engagée dans la cause animale. Son sac Frayme entièrement vegan, premier à être fait à base de cuir de champignons, a fait sensation. C’est tout l’effet qu’aimerait créer Chloé avec des pièces de caractère, en attendant de propulser, un jour, pourquoi pas, Carmen & Simone sur les podiums.