Ce week end, plus de cinq mille amateurs de belles choses se sont donnés rendez-vous pour la 5e édition de la Nuit des Talents. Une nouvelle réussite à mettre au compte de l’association éponyme et de la cinquantaine de jeunes artistes (de 18 à 27 ans) à la créativité émancipatrice.
Alors que vivre de son art est toujours aussi complexe, cette initiative invite à l’optimisme. Made in Marseille, partenaire de l’événement, s’est rendu dans l’enceinte historique du Palais de la Bourse, à la rencontre des acteurs de ce nouveau succès.
“Je suis venue en tant que visiteur l’année dernière. J’ai remarqué que le graphisme n’était pas beaucoup représenté. Cette année, j’ai tenté ma chance…” Avec succès ! Laurie Antocicco, 23 ans, fait partie de cette nouvelle génération d’artistes touche à tout, élevée au numérique. Fraîchement diplômée en tant que concepteur designer graphique, Laurie axe son travaille sur la relation entre formes géométriques et couleurs.
Les oeuvres qu’elle a choisies de présenter illustrent les quatre éléments : terre, eau, air et feu. Ce qui impressionne, c’est la recherche inhérente à chacun de ses travaux. “Depuis l’Antiquité, chaque forme graphique a son élément. Une forme géométrique est porteuse de sens : le triangle représente l’homme, on le retourne et c’est la femme…”. Sa réflexion se porte sur la nature, mais l’humain garde sa modeste place. Un écho au débat sur la préservation de notre environnement, l’art foncièrement ancré dans le présent.
Dialogue universel
La possibilité de dialoguer en direct avec l’auteur de l’oeuvre que l’on a sous les yeux ajoute une dimension délicieusement ludique à l’exposition. En témoignent les nombreuses discussions qui résonnent dans l’imposant hall du Palais de la Bourse.
Ici, un sexagénaire s’entretient avec un plasticien des Beaux Arts à propos d’une de ses créations : deux planches de skateboard couvertes d’affiches électorales. Une illustre Nicolas Sarkozy, l’autre François Hollande. Là, une dessinatrice questionne une photographe de quelques années son aînée, dans un langage technique abscons pour le profane.
Aucune considération générationnelle ou sociale, on parle le dialecte artistique. Un vocabulaire universel.
Répondre à la demande d’une jeunesse créative
Cette idée de génie « répondait à un besoin” confirme Olivier Ledot, à la tête de l’événement. A l’origine, il voulait créer avec ses collaborateurs une expo pour ceux qui se disaient “on sait jamais”. Un espace ouvert à tous, pas forcément réservé aux futurs artistes professionnels. Le partage, volonté initiale et centrale, reste la force majeure de la Nuit des Talents.
Chose rare dans le milieu, les participants peuvent profiter gratuitement de ce lieu d’exception. “C’est pratiquement impossible pour les jeunes de trouver des salles où exposer. La Nuit des Talents est un projet totalement subventionné, le Palais de la Bourse est gracieusement prêté” se satisfait Olivier, qui tient également les rênes du Delta Festival.
L’organisation s’efforce d’enrichir chaque année l’expérience. La Nuit est maintenant un week end, même si le samedi a préservé ses véhémences nocturnes (la team de La Dame Noire a garanti l’ambiance jusqu’à 2 heures du matin). Des conférences animent les après-midi, on y a déjà parlé propriété intellectuelle ou opportunités pour les jeunes.
Un jury enthousiaste
Composé du président d’Aix Marseille Université Yvon Berland, du directeur stratégie et communication de la CCIMP Laurent Carenzo et du photographe Thomas Bismuth, le jury a attribué son Grand Prix à Adrien Vernet (sa sculpture principale en Une). Ses oeuvres, pénétrantes, envoûtantes voire dérangeantes, ont également apporté à leur auteur le prix du public.
Olivier Ledot se réjouit de l’attitude des jurés, et notamment du président d’AM Université : “Berland était un très bon président, il a passé beaucoup de temps à discuter avec les étudiants. Le jury s’est arrêté à tous les stands”, il poursuit “quand on lui dit d’accélérer, il a répondu qu’il était important de respecter la dignité des artistes”.
Chaque juré devait désigner son coup de coeur. Yvon Berland a choisi un triptyque de photographies. Les photos sont insérées dans un même cadre et se font chronologiquement suite. Elles trônent seules au milieu du panneau d’exposition. Une volonté affichée de l’artiste polyvalente de 18 ans, Margaux Haering. Ne pas se mélanger les pinceaux.
Trois verres, à moitié pleins. “J’avais juste eu l’idée de faire tomber une goutte et de la prendre en rafale. C’est quand j’ai vu l’ampleur de la diffusion dans l’eau par rapport à la taille de la goutte que l’image de l’iceberg m’est venue. La notion d’effet papillon aussi.” explique l’artiste. La couleur rouge sang capte directement l’attention. Margaux en a conscience, elle se sert de la fascination quelque peu morbide du visiteur pour retourner l’argument : “On associe toujours le sang à la violence. Pourtant, le sang c’est avant tout la vie”.
Crédits photo : Mathilde Manière