En s’alliant à Ephyra, inventeur du premier écosystème nautique à hydrogène vert au monde, l’entreprise ciotadenne Hynova prend une dimension internationale. Ensemble, ils développent les premières stations à hydrogène vert sous forme de concessions écoresponsables. Un projet pilote pourrait voir le jour à Marseille.

« Mais vous êtes la Tesla des mers ». Cette petite phrase prononcée par un visiteur à l’occasion du Monaco Yacht Show, fin septembre dernier, est bien ancrée dans l’esprit de Chloé Zaïed. Parce qu’il y a quelques années, la jeune femme a entrepris de révolutionner le monde de la plaisance.

Le 26 mai 2020, la première embarcation de plaisance au monde à propulsion électro-hydrogène, bien nommée The New Era, a été conçue et lancée par la capitaine Chloé Zaïed, à la barre de la société Hynova, basée à La Ciotat. « On a prouvé que l’hydrogène fonctionnait, qu’il était mature. On a montré aux autorités portuaires qu’on pouvait faire venir un bateau hydrogène et de l’hydrogène dans les ports pour se ravitailler en toute sécurité », explique Chloé.

« Mais comment je fais le plein ? »

Quel bilan deux ans plus tard ? Après cette démonstration, Hynova est entrée les mois suivants dans une phase de commercialisation en participant à des salons nautiques réputés, où l’accueil était toujours chaleureux et l’expérience utilisateur convaincante. « Lorsque les gens montent sur le bateau, je n’ai plus besoin de parler, c’est vraiment le plus fort qu’ils puissent ressentir. Il n’y a pas d’odeur, pas de bruit, pas de vibration, et ça va vite », raconte la capitaine.

En deux ans et demi, les questions ont évolué passant de « ce n’est pas dangereux l’hydrogène ? » à « mais comment je fais le plein ? ». Cette problématique centrale pour laquelle l’hydrogène n’a pas pris le relais comme principale source de propulsion. « Au stade où nous en étions avec Hynova, je me suis retrouvée prise au piège à un moment, parce que je me suis dit, où est le modèle ? À qui je vais vendre des bateaux, si je ne suis pas en capacité d’apporter une solution d’avitaillement ? », confie-t-elle.

D’autre part, la navigation à hydrogène rencontre de multiples obstacles à sa généralisation en raison des coûts de transport et de stockage du carburant vert et de la législation en la matière. Sans compter que la molécule provient encore pour grande partie des énergies fossiles. « Je suis la seule marque au monde à vouloir lancer en série des bateaux hydrogène, même s’il y a des projets de navettes, ce n’est pas encore une réalité, ajoute Chloé. Quel exploitant va mettre une station dans le port, en se disant tant pis si ce n’est pas rentable pendant dix ans ? De la même façon, quel port va donner une délégation de service public, parce qu’on est dans le domaine public maritime, il ne faut pas l’oublier. C’est d’une grande complexité ».

La solution globale, autonome et vertueuse d’Ephyra

Face à ce constat, Hynova a décidé de monter à bord de la société Ephyra. Cette société suisse, appartenant au groupe ZE Holdings et propriétaire de 51% du chantier naval Hynova, a développé une solution qualifiée de « révolutionnaire » à la problématique du ravitaillement en hydrogène, incluant des bateaux zéro-émission tout en répondant au manque d’infrastructures.

La société s’est inspirée du secteur automobile et notamment de Tesla, qui a créé ses propres équipements et développé son réseau de superchargeurs pour ses voitures électriques afin de recharger rapidement les batteries. Ephyra produit ainsi son propre hydrogène par électrolyse de l’eau de mer et a trouvé un moyen de le distribuer pour faire le ravitaillement. En France, où la réglementation autour du gaz comprimé à haute pression est très stricte, Ephyra connecte directement la production d’hydrogène au ponton où se trouve le distributeur afin de permettre la compression directement sur le bateau.

L’hydrogène vert, produit sur place dans la station, est stocké sous pression dans les réservoirs en fibre de carbone du bateau, puis transformé en électricité par une pile à combustible. L’énergie alimente le moteur des bateaux et charge parallèlement des batteries. « Cette solution mixte obéit à la fois à la réglementation sur la sécurité des navires imposant une solution de redondance, et revêt un intérêt technique : le bateau fonctionne grâce à la pile à combustible seule (en vitesse de croisière), ou grâce à la pile et aux batteries simultanément (besoin de pointes de vitesse maximale). Et quand les batteries sont déchargées, la pile à combustible sert de super chargeur », explique l’entreprise.

Faire un plein d’hydrogène demande une quinzaine de minutes contre plusieurs heures pour un navire électrique fonctionnant sur batterie. Léger et propre, l’hydrogène auto-produit sur place s’affranchit des contraintes de son transport.

Une énergie efficiente puisque 1 kg d’hydrogène génère 2,8 fois plus d’énergie qu’1 kg d’essence. Les émissions sont transformées en chaleur et en eau propre, ensuite utilisées pour les services à bord ou pour continuer à alimenter le processus d’électrolyse. « Ephyra est précurseur. Nous avons développé une stratégie disruptive, forte de valeurs positives et d’un modèle économique vraiment durable », estime son président, David Mouquet.

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Pour extraire l’hydrogène, EPHYRA a fait le choix d’un procédé décarboné : les molécules d’eau sont décomposées par électrolyse grâce à un courant électrique généré uniquement par des énergies renouvelables. L’opération s’effectue sur site, dans une station autonome EPHYRA. © Ephyra

Un écosystème de navigateurs engagés avec des stations à travers le monde

Avec cette innovation, présentée en avant-première mondiale au Monaco Yacht Show, l’ambition est de développer à l’échelle internationale un réseau de stations à hydrogène vert sous forme de concessions écoresponsables avec son chantier naval Hynova. « On veut créer un écosystème global avec les bateaux, la station d’hydrogène qui produit son hydrogène sur site et seulement ce dont on a besoin. Notre objectif c’est de créer un club de navigateurs engagés avec un service all inclusive. On change complètement de modèle », explique Chloé Zaïed, directrice générale d’Ephyra et présidente d’Hynova.

Le propriétaire d’un navire Ephyra devient membre d’une communauté et dispose d’un service clé en main. Qu’il choisisse une station de ravitaillement privée ou partagée, le programme prévoit conciergerie, location de skipper et entretien, la possibilité de louer son yacht à d’autres membres de la communauté, ou d’en choisir un dans n’importe quelle partie du monde. « Par exemple, un propriétaire a un bateau à Marseille et décide de passer ses vacances aux Bahamas. S’il y a une station là-bas, dès lors qu’il est dans la communauté, il a un accès direct sur site. Tout ça est géré depuis votre téléphone grâce à une application. L’idée c’est d’avoir des bases partout dans le monde, en négociant également dans les ports des emplacements pour des bateaux zéro émission ».

Depuis janvier 2022, les ports de plaisance de plus de 100 places doivent réserver 1 % de leurs emplacements à des bateaux électriques. L’enjeu est d’engager une transition écologique dans le nautisme identique à celle impulsée dans l’automobile. « Avec le nombre de bateaux ventouses que l’on voit dans les ports, il est temps de prendre des dispositions, pour voir arriver des bateaux nouvelle génération », insiste la capitaine.

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Marseille, premier projet pilote ?

Ephyra-Hynova finance en propre ses stations qui représentent environ deux conteneurs de 20 pieds, « soit on vend une concession. On doit pénétrer le marché, montrer que c’est possible, avec l’objectif de créer 10 stations en Europe pour commencer. Mais ça ne veut pas dire qu’on ne va pas se lancer en simultané dans d’autres pays, car on a de la demande en concession », ajoute Chloé.

La Suisse est très intéressée par ce système, notamment pour naviguer sur les lacs. « Là-bas, il y a la culture, la mentalité et des taxes quand ils sont au thermique. La réglementation internationale va jouer un rôle énorme », poursuit le capitaine, avec un regret. Que la première station ne voit pas le jour là où tout a commencé.

La Ciotat, Cannes, Nice, Saint-Tropez, Marseille… Peuvent prétendre à cette installation, « face aux enjeux environnementaux de taille. Il ne faut pas perdre ça de vue, c’est le cœur du projet ». 

Des premiers échanges ont néanmoins eu lieu dans l’optique de créer un premier écosystème à Marseille. La Ville comme la Métropole Aix-Marseille-Provence portent un intérêt certain pour le projet d’Hynova, qui pourrait s’inscrire dans le dispositif des « 100 villes neutres en carbone », pour lequel Marseille est lauréate. « Dans le cadre des commissions que nous tenons avec la Région et la Métropole, nous avons une ligne destinée à la décarbonation des bateaux de passagers. La réflexion porte aussi bien sur l’électrique, le bioéthanol que l’hydrogène », souligne Hervé Menchon, adjoint au littoral. « C’est un projet qui peut répondre à ces enjeux mais pour lequel il reste des freins ». Le coût de l’hydrogène en est un. De même que les infrastructures.

« D’ici à deux ans, il y a aura des bateaux à hydrogène dans la région »

Didier Réault partage le même constat. Pour le vice-président de la Métropole, délégué à la mer, au littoral et au cycle de l’eau, la question de la rentabilité économique entre également en jeu. Pour ces questions liées à la décarbonation de la plaisance, l’élu a également approché la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM). Plus qu’une implantation sur le Vieux-Port, les deux élus verraient une station comme celle-ci s’amarrer plutôt du côté du Mucem. « Voire au sein de Grand port maritime de Marseille. Mais il faut qu’il y ait un intérêt commercial d’une station d’avitaillement », ajoute Didier Réault.

En attendant qu’un projet pilote voit le jour dans la cité phocéenne, en ce début d’année, une première série de 4 bateaux Hynova va être lancée. Premier prix pour un 48 pieds (14 mètres) : 1,9 million d’euros. L’entreprise a, par ailleurs, obtenu une subvention de l’Ademe pour que 8 bateaux puissent être opérés par des professionnels en Provence-Alpes-Côte d’Azur : « C’est magnifique, ça veut dire que d’ici à deux ans, il y a aura des bateaux à hydrogène dans la région » conclut Chloé.

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