Les deux brigades de l’environnement de Marseille ont multiplié par cinq les convocations au tribunal pour les auteurs de dépôts sauvages en 2022. La Ville va créer un équipage supplémentaire et accentuer la pression sur les pollueurs professionnels en 2023.
Des sacs de gravats, des plaques de placo, des tas de lambris, tuiles ou pneus… À Marseille, les artisans et professionnels du bâtiment peu scrupuleux n’hésitent pas à faire ces dépôts sauvages sur des trottoirs, au fond d’une impasse ou d’un chemin isolé, et même jusque dans le Parc national des Calanques. Ils trouvent ainsi une manière d’éviter les frais des déchetteries spécialisées et obligatoires.
« Un fléau ». Le terme était déjà employé par l’ancienne municipalité de droite, et repris aujourd’hui par le Printemps marseillais, en la personne de l’adjoint à la tranquillité publique et de la sécurité, Yannick Ohanessian. « Il touche particulièrement les 3ème, 11ème et 14ème arrondissements, mais on en retrouve partout », explique-t-il, ce mardi, lors d’un point sur la « brigade de l’environnement » qu’il a lancée l’année dernière.
Il s’agit de 14 policiers municipaux dédiés à surveiller, enquêter, verbaliser et arrêter les contrevenants. Certains sur le terrain, d’autres derrière les écrans du Centre de supervision urbain (CSU) qui contrôle les plus de 1600 caméras de vidéosurveillance de la ville.
« Cinq fois plus » de passages au tribunal que les années précédentes
L’adjoint ne dispose pas encore de données permettant d’affirmer que le nombre de dépôts sauvages a diminué. Mais les chiffres qu’il présente montrent que ces équipes spéciales n’ont pas chômé. Il met à leur actif « 170 affaires traitées, donc a minima de verbalisations » en 2022.
Sur ce total, leur travail a permis de transmettre « 123 dossiers au parquet pour audition, dont 30 passent en ordonnance pénale ». Les auteurs passeront donc devant un juge. « C’est cinq fois plus en moyenne que les années précédentes », vante Yannick Ohanessian.
Il faut dire que sur ce sujet, la coopération s’est renforcée entre les agents municipaux et le parquet de Marseille. Ce dernier a créé un Groupe local de traitement de la délinquance (GLTD). Il permet à un magistrat dédié de travailler étroitement avec les policiers de la Ville.
Le maire dispose d’ailleurs de pouvoirs renforcés depuis un décret de la loi Agec de 2021. « Avec un faisceau de preuves suffisant, c’est le cas avec les flagrants délits et la vidéosurveillance, nous pouvons sanctionner fortement avec une amende pouvant aller jusqu’à 15 000 euros. Mais aussi immobiliser le véhicule ou forcer à réparer les dégradations », précise Yannick Ohanessian.
Une brigade et des moyens supplémentaires en 2023
L’adjoint à la sécurité entend encore intensifier la lutte contre les dépôts sauvages en 2023. Avec notamment la création d’une nouvelle brigade de 7 agents pour un total de 21 policiers municipaux dédiés à la traque des pollueurs.
Mais la loi Agec permet aussi aux agents de surveillance de la voie publique (ASVP) et ceux des espaces verts de verbaliser les contrevenants, comme les policiers. « En 2023, nous allons assermenter les agents des parcs et jardins dont les effectifs passeront de 90 à 110 » explique l’élu. Pareil pour les ASVP « qui seront 80 en fin d’année prochaine, contre 37 aujourd’hui ». De quoi faire pleuvoir les amendes et les signalements.
La Ville expérimente également en ce moment des « caméras nomades ». Elles peuvent être positionnées provisoirement dans des « points privilégiés » pour les dépôts sauvages, afin de dissuader les contrevenants, ou de les verbaliser.
La Mairie crée son « tribunal citoyen » pour les pollueurs
Enfin, Yannick Ohanessian compte créer « un petit tribunal citoyen pour des rappels à l’ordre solennels en présence de délégué du procureur et de la police ». Il s’agit en réalité de la cellule de citoyenneté et de tranquillité publique (CCTP). Un dispositif de recadrage officiel, mais non judiciaire.
Il était initialement utilisé à Marseille pour les jeunes délinquants et leurs familles. « Nous avons dernièrement fait des rappels à l’ordre avec les restaurateurs qui ne respectent pas le règlement pour leurs terrasses ». Un coup de pression en présence de représentants de la loi et des institutions « très efficace », assure l’adjoint.
« Je veux maintenant le faire pour les petits artisans qui ont commis de petits dépôts sauvages ». Les plus gros poissons ou récidivistes auront, quant à eux, affaire à un vrai juge. Il faudra encore attendre quelques années pour constater si ces diverses mesures endigueront enfin « le fléau » de Marseille.