Thecamp opère sa mutation. Une reconstruction menée par l’entrepreneur Kevin Polizzi. Seul actionnaire, le patron d’Unitel Group revient pour Made in Marseille sur le projet « Thecamp, next generation » et sa vision pour rendre ce lieu majeur de l’innovation rentable.

Les vacances ont été studieuses pour Kevin Polizzi et son équipe. Figure incontournable de la French Tech Aix-Marseille, le patron de la holding Unitel Group a décidé de tracer un nouveau destin à Thecamp, dont l’image s’est étiolée ces dernières années. En proie à de lourdes difficultés financières, fragilisé par la pandémie et les confinements successifs, Thecamp, sous le coup d’un plan de cession, est devenu un objet de convoitise à l’échelle internationale. Face à la concurrence accrue, le fondateur de Jaguar Network s’est positionné pour ne pas laisser échapper « ce lieu exceptionnel ».

Pour que Thecamp reste « notre propriété nationale », 50 millions d’euros ont été injectés dans cette opération. « Nous avons correctement développé nos affaires et la holding Unitel avait des fonds disponibles à réinvestir. Alors, soit on réinvestissait ailleurs parce qu’on ne croit pas en sa région, soit on concentrait la quasi-totalité de son investissement ici. C’est le choix que l’on a fait. Notre génération doit se saisir du potentiel de ces possibilités ». 

Thecamp, Kevin Polizzi veut transformer Thecamp en « vitrine de l’excellence française à l’international », Made in Marseille
Kévin Polizzi, patron du Group Unitel, est actionnaire à 100% de Thecamp. © Narjasse Kerboua

Une opération à 50 millions d’euros

Unitel a ainsi investi 25 millions d’euros en fonds propres, avec le soutien de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, du Département des Bouches-du-Rhône, de la Métropole Aix-Marseille-Provence et de la CCI Aix-Marseille-Provence qui ont transformé leurs créances en avances remboursables à hauteur de 21 millions d’euros. Le Crédit Agricole, partenaire historique, reste dans la partie. 

Désormais seul actionnaire, Kevin Polizzi dessine « Thecamp, next generation », aux côtés de Stéphane Soto et Francis Papazian nommés respectivement aux postes de président et directeur général. Ensemble, ils ont planché tout l’été pour restructurer l’entreprise. « Le sujet est quand même exigeant. On a beaucoup, beaucoup, beaucoup travaillé parce que reformater une société en deux mois, c’est compliqué. On a fait, en deux mois, le travail qui se fait habituellement en un an ».

Réindustrialiser le modèle

Objectifs ? Modifier l’offre en profondeur pour la rendre lisible ; augmenter et renforcer la qualité des services et réinsuffler de l’innovation au sein de la structure.

Industrialiser le modèle, en somme, pour rendre rentable ce lieu emblématique de l’innovation de 7000 m2, en pleine nature à Aix-en-Provence, imaginé par l’entrepreneur Frédéric Chevalier, disparu tragiquement trois semaines avant l’inauguration du « projet de sa vie. C’est triste et dramatique », exprime Kevin Polizzi, ami du fondateur.

Thecamp n’a pas pivoté. C’était la start-up des start-up, l’émergence de la start-up Nation ».Kevin Polizzi

De fait, pour lui, Thecamp, qui a ouvert ses portes en 2017 « est mal-né, mal formé. Quand on construit un projet, on met en place une équipe de build (qui construit). On ne met pas en place l’équipe d’exploitation.  Lorsqu’on n’a pas pu passer le témoin parce que la vie s’est interrompue tragiquement, on laisse une équipe qui, quelque part, s’est vue dotée d’une forme d’héritage. Le fait qu’elle ait voulu tenir cet héritage est louable, mais pas raisonnable. Donc, cette entreprise, Thecamp n’a pas pivoté. C’était la start-up des start-up, l’émergence de la « start-up nation » ».

Thecamp, Kevin Polizzi veut transformer Thecamp en « vitrine de l’excellence française à l’international », Made in Marseille
Thecamp a ouvert ses portes en 2017 à Aix-en-Provence. © N.K.

Technologie, de la 5G, l’IA, la cybersécurité, la réalité virtuelle…

Kevin Polizzi s’emploie à faire (re)naître de ses cendres ce laboratoire de la ville intelligente tout en opérant de profondes transformations, leitmotiv du nouveau projet. « Thecamp est un accélérateur de particules. C’est comme ça que Frédéric l’avait voulu. C’est un accélérateur de particules qui a ralenti un peu trop vite. Notre objectif, c’est vraiment de donner vie au projet initial, en y ajoutant évidemment des sujets complémentaires : de la technologie, de la 5G, l’IA, la cybersécurité, la réalité virtuelle, augmentée et mixte ou encore le Metavers », nous explique l’actionnaire.

« Thecamp, next generation » repose désormais sur deux grands piliers. Le premier vise à capitaliser sur la capacité d’ouverture de ce site niché dans un cadre privilégié au cœur de la nature. « Ça concerne tout ce qui relève du séminaire. C’est le réceptif, l’hôtellerie. On vient trancher totalement la vision monacale et fermée. On veut ouvrir, on veut mettre du sang dans le cœur. S’il n’y a pas de sang dans le cœur, le cœur ne sert pas », dit-il, comptant sur l’accueil de 3 000 entreprises par an pour un retour à l’équilibre fin 2023.

Le campus des transformations

Afin de créer un business model soutenable, dans le cadre de la politique de diversification de l’offre et « d’accélération de notre territoire », Thecamp se mue en campus des transformations « digitales, environnementales et managériales. Ces transformations sont dans la vie de tous les jours. Moi, je connais ça depuis 20 ans dans le numérique parce qu’on y a été confronté très vite par la guerre des talents. Il a fallu être meilleur. Il a fallu avoir un projet de société très clair. Ces transformations concernent aujourd’hui l’ensemble des entreprises », poursuit celui qui a bâti son « smart-building » Quanta et lancé le projet de campus urbain de la transformation digitale Théodora à Marseille.

« Plus que jamais, ce qui a été imaginé il y a quasiment dix ans, à la genèse, est la réalité du monde d’aujourd’hui. L’avantage des visionnaires, c’est qu’ils ont raison un jour, pas toujours tout de suite, pas toujours à la hauteur de leurs moyens financiers, mais un jour ils ont raison. Et donc j’ai vraiment souhaité structurer un projet de reprise autour des transformations. C’est là qu’on a modifié en profondeur l’offre de Thecamp, d’abord pour la rendre lisible. Elle ne l’était pas assez. Et pour la rendre accessible, c’est-à-dire compétitive, ouverte, compréhensible », détaille Kevin Polizzi. Le site sera ouvert sept jours sur sept pour « flexibiliser son offre ».

Pour mener cette mission, il était d’ailleurs présent à l’occasion du Forum des Entrepreneurs de l’UPE13 au stade Orange Vélodrome début septembre, mais aussi à l’occasion d’autres grands événements comme Le Grand Opening de Medinsoft.

Thecamp hors les murs et excellence opérationnelle

Désormais, Thecamp va proposer un programme dédié à ces transformations s’appuyant sur quatre axes, au premier rang desquels la formation : « c’est-à-dire la capacité à donner des compétences à des collaborateurs, des salariés… Quel que soit leur niveau dans l’entreprise, tout le monde peut être concerné par Thecamp. Le deuxième sujet, c’est « le plan de transformation », la capacité de prendre ses compétences acquises et d’en faire un plan de transformation pour l’entreprise ».

L’animation est aussi au cœur du projet, avec l’ambition de faire intervenir des intervenants extérieurs pour « venir coacher, animer un comité de direction, faire des séances de co-innovation. On est en train de bâtir un très large catalogue de sous-traitants ».

Dernier point, « très important » pour Kevin Polizzi, et selon lui « totalement absent de la vision de Thecamp V1 : c’est le suivi opérationnel. Comme avec les enfants à l’école, il y a un cahier texte, des devoirs. Comme dans la vie professionnelle, on a des objectifs et un entretien individuel. Chez Thecamp, on a mis en place un suivi qui permette de faire du Thecamp hors les murs : venez en séminaire un jour, deux jours, une matinée, mettez en place un plan de transformation, un plan d’alignement, c’est ce qu’on retrouve dans le management d’une entreprise, et un collaborateur Thecamp vous accompagne dans sa mise en œuvre, son excellence opérationnelle. Et c’est là l’essentiel de la transformation, c’est de s’assurer qu’elle est bien faite ».

Faire de Thecamp un atout à l’international

La vision de Thecamp dépasse les frontières régionales. Outre les sociétés nationales qui pourraient être séduites par la nouvelle offre, l’équipe vise également le bassin méditerranéen, la zone Sud de l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique.

Un espace de coworking de 400 m2 va ouvrir ses portes pour les talents d’ici et d’ailleurs, mais aussi pour les collaborateurs. La nouvelle équipe travaille également sur la création d’un Fab Lab autour de la 5G « parce que typiquement, on est une région très industrielle, mais qui n’a pas encore compris à quoi allait lui servir l’usine connectée, la 5G, la data. Il y a un retard d’appréhension. L’objectif, c’est de faire de Thecamp une vitrine de l’excellence française à l’international. Mais c’est aussi, a contrario ou en complément, de permettre aux entreprises de se saisir de l’innovation. On a mis dix ans à créer les technologies. On ne peut pas se permettre de mettre dix ans pour que les gens s’en servent. C’est ça l’essentiel pour nous ».

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