La Méridionale, compagnie maritime basée à Marseille, a présenté lundi 5 septembre un nouveau filtre à particules qui vise à réduire ses émissions en mer. Le dispositif a été installé sur son navire amiral, Le Piana.
C’est un sujet qui a provoqué quelques remous au cœur de l’été : la pollution maritime. Pointée du doigt par la Ville de Marseille dans une pétition, elle est scrutée de près par les associations et les collectivités. Face à cette pression grandissante, le monde économique et maritime multiplie les signes d’engagement écologique.
Et La Méridionale fait figure de pionnière. La compagnie maritime basée à Marseille a présenté ce lundi 5 septembre une nouvelle technologie déployée sur son navire amiral Le Piana : un « filtre à particules » qui permet « de réduire significativement les émissions d’oxydes de soufre et plus de 99,9% des particules fines et ultrafines ». Pour Benoît Dehaye, directeur général de la société, « c’est une fierté industrielle et une fierté pour la filière maritime et le territoire ».
Une solution terrestre devenue maritime
C’est dans l’industrie terrestre de traitement des déchets que les ingénieurs de La Méridionale sont allés chercher le « filtre à particules ». Une solution déjà éprouvée par le groupe belge Solvay et l’entreprise autrichienne Andritz. Leur technologie de désulfuration à sec des gaz d’échappement a alors été « marinisée » pour pouvoir s’appliquer aux navires de la compagnie maritime.
La solution, qui a nécessité deux années de recherche et de développement, n’emploie pas d’eau. Elle consiste à injecter du bicarbonate de sodium dans le collecteur d’échappement, lequel agit chimiquement sur le soufre et les oxydes de soufre présents dans les gaz d’échappement pour les détruire. Les particules fines et ultrafines sont quant à elles captées par le filtre à particules. À l’issue de ces deux phases, le résidu de bicarbonate collecté à bord rejoint des filières de traitement.
La compagnie, qui dessert la Corse et le Maroc, indique qu’elle est « le premier armateur au monde à équiper l’un de ses navires » de cette « solution innovante », après avoir été la première en Méditerranée à investir dans le branchement électrique à quai il y a 5 ans. « Nous ouvrons la voie à ce que devraient faire toutes les compagnies maritimes » lance Stanislas Lemor, président-délégué général du groupe STEF auquel est rattachée La Méridionale.
Une transition du secteur maritime soutenu par les collectivités
Sur un coût global de 16 millions d’euros, le dispositif est soutenu à hauteur de 1 million par l’Agence de la transition écologique (Ademe) et de 4,4 millions par la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Dans le cadre de son Plan climat régional « Une COP d’Avance », la collectivité s’était déjà engagée en 2019 pour la qualité de l’air de ses villes portuaires en annonçant un soutien financier de 30 millions d’euros pour l’électrification à quai des navires à Nice, Toulon et Marseille : le plan « Escales Zéro Fumée ».
La Ville de Marseille s’est dite prête à accélérer ce projet concernant les paquebots de croisières à Marseille en investissant de son côté 10 millions d’euros. À l’occasion de l’inauguration du filtre à particules à bord du Piana, Renaud Muselier, président de la Région, s’est dit « très heureux » d’être rejoint par le maire de la cité phocéenne, Benoît Payan, dans ce dispositif : « Ça va nous permettre d’aller plus vite ».
« Une relation de confiance » entre la Ville et la Région
Face à l’assistance, Renaud Muselier défend une démarche pédagogique pour accélérer la transition écologique du monde maritime : « Avant de punir, il faut convaincre les compagnies de rentrer dans un cercle vertueux ».
Plus offensif, Benoît Payan dénonce « l’inaction de certains, ces géants de la croisière qui continuent de déverser sur Marseille des fumées noires remplies de poison ». Il loue néanmoins « la réussite » technologique de la Méridionale qui « fait notre fierté et nous redonne espoir ».
Malgré un ton et une méthode qui diffèrent, le premier édile de la Ville tient à souligner qu’il a construit « une relation de confiance » avec le président de la Région et que cette mobilisation collective doit « permettre de faire interdire les navires polluants les jours de pic de pollution ».
Des règles environnementales qui se durcissent dans le bassin méditerranéen
L’inauguration du filtre à particules a été l’occasion pour les dirigeants de La Méridionale de souligner que cette avancée technologique allait leur permettre de se mettre en conformité avec les règles environnementales qui pourraient se durcir ces prochaines années dans le bassin méditerranéen.
En février dernier, à l’occasion du Forum des mondes méditerranéens qui s’est tenu à Marseille, Benoît Payan et 24 autres maires du pourtour méditerranéen ont, en effet, lancé un appel pour accélérer la mise en place d’une zone de contrôle des émissions atmosphériques en Méditerranée, comme cela existe déjà dans la mer du Nord et la mer Baltique. Elle est attendue en 2025 et devrait permettre d’imposer des normes d’émissions de polluants pour le transport maritime.
Depuis le 1er janvier 2020, la réglementation MARPOL impose déjà un plafond de teneur en soufre en Méditerranée. Pour y parvenir, la majorité des navires qui relient la Corse au continent sont dotés d’un système de lavage des fumées à base d’eau appelé « scrubber », pour capter les particules toxiques.
Si l’électrification à quai représentait une première étape de sa conversion écologique, La Méridionale affiche donc désormais sa volonté de réduire drastiquement ses émissions en mer, alors que celles-ci représenteraient environ 80 % de la pollution générée par ses bateaux selon Christophe Seguinot, directeur technique de la compagnie. L’installation de filtres à particules sur ses navires pourrait en tout cas être une solution d’avenir pour y parvenir… et inspirer d’autres compagnies.