Chaque mois, une culture culinaire différente est mise à l’honneur au restaurant Goûts du monde des Docks Village. Un concept innovant qui contribue à l’insertion professionnelle de personnes isolées.
Impossible de s’ennuyer, même en tant qu’habitué à Goûts du monde : chaque mois, une culture différente expose ses spécialités à la carte du restaurant. Ce mois-ci, c’est Astghik Sargsyan, cheffe d’origine arménienne, qui fait voyager les papilles des visiteurs avec des recettes héritées de sa grand-mère : au menu, börek au fromage, dolmas, brochettes d’agneau, poulet mariné aux épices et riz pilaf, ou encore baklava ou halva pour le dessert.
Des cuisiniers venus des quatre coins du globe, libanais, brésiliens, antillais, vietnamiens ou encore péruviens, se sont succédés aux fourneaux de Goûts du monde depuis son ouverture en octobre dernier, aux Docks Village. Ces cuisiniers amateurs, mais désireux de vivre de leur passion, viennent y mettre la main à la pâte pour proposer des plats traditionnels et revisités, à travers une carte qui change chaque semaine.
Derrière ce concept innovant, Yannis Goumidi, l’un des six lauréats de l’incubateur gastronomique Foodcub du pôle entrepreneurial Le Carburateur l’année dernière. Après plusieurs mois d’accompagnement et de formation, notamment aux côtés de l’École hôtelière de Provence, le jeune homme a obtenu un espace au cœur de la galerie commerciale pour concrétiser son projet en signant un bail d’un an reconductible avec les Docks Village.
La cuisine « un vecteur social très puissant »
Sans réelle expérience derrière les fourneaux mais « amoureux de la bouffe », Yannis a quitté son emploi de commercial à Paris pour se lancer dans cette aventure culinaire à Marseille, sa ville d’origine. À ses yeux, la cuisine est un « vecteur social très puissant, qui permet de créer du lien social et de découvrir de nouvelles cultures ».
« C’est mon éducation, et Marseille, qui font que ce qui m’intéresse, ce sont les autres cultures, explique Yanis. J’ai vécu dans les quartiers Nord et Sud, je sais qu’il y a des communautés qui ne se rencontrent pas, ne se parlent pas, et je trouve ça dommage. Je grossis un peu le trait, mais le fait de faire un mafé ou un tajine à un cadre sup travaillant aux Docks va peut-être permettre de faire découvrir une culture à travers l’art culinaire. La nourriture a la capacité de rassembler les gens », résume-t-il.
Avec Goûts du monde, « l’objectif était de créer un concept qui puisse générer du lien social, faire en sorte que des communautés se rencontrent, qu’il y ait une dimension humaine forte, poursuit Yannis. Vendre des pizzas, sushis et burgers ne m’intéressait pas trop, je voulais promouvoir une vraie découverte culinaire, et qu’il y ait un apport social ».
De cette ambition naît un lieu hybride à cheval entre restaurant, traiteur et entreprise d’insertion. Car l’ambition première de ce restaurant hors du commun est d’être un « tremplin », à la fois pour réinsérer par la cuisine les personnes éloignées de l’emploi, mais aussi pour accompagner les cuisiniers professionnels et amateurs porteurs de projets culinaires. Aidé par son bras droit Muriel, ancienne coordinatrice sociale, Yannis aide les cuisiniers en herbe à se lancer dans le grand bain.
« Un incubateur dans l’incubateur »
Astghik, qui vit à Marseille depuis 2015, a elle-même créé son propre service traiteur il y a trois ans, Les délices d’Ast. À l’avenir, elle a pour but d’ouvrir son propre restaurant gastronomique de mets fusionnant les cuisines arménienne et provençale. Cette première expérience de restauration, en collaborant avec Yanis, l’aide donc à s’adapter à un format différent avant de développer son projet.
Goûts du monde travaille en partenariat avec Pôle Emploi et les Apprentis d’Auteuil, structures qui mettent Yannis en relation avec de potentiels collaborateurs. « Pour les cuisiniers qui ont un projet en tête, je suis une sorte de petit incubateur dans l’incubateur », sourit Yanis. Avant d’ajouter : « Les rencontres se font de plus en plus souvent par le bouche à oreille, en discutant. Depuis quelques mois, je reçois des demandes de personnes intéressées qui viennent à moi d’elles-mêmes ».
Du concept au concret
« La principale difficulté rencontrée » par les jeunes recrues, « c’est de passer de cuisiner à la maison pour la famille et les amis, à un service de 60 personnes, confie Yannis. La gestion du temps, le stress et la tension rentrent en jeu, ce qui fait que c’est souvent compliqué au début ».
Sélectionnés après trois entretiens, les chefs employés par Goûts du monde reçoivent, avec Yannis et Muriel, une mise en situation pratique, sorte de formation informelle adaptée à leur projet. Alors que Muriel « les aide à réussir le passage à un univers professionnel » avec les normes HCSP d’hygiènes et à adapter la carte en fonction de la clientèle, Yannis les informe sur les différentes formations à suivre ou comment monter un business plan.
Passée cette période d’un mois, il n’est pas rare que Yannis continue de faire appel à certains d’entre eux pour des prestations traiteur le week-end, avec le food truck Goûts du monde lors de festivals ou de la piétonnisation mensuelle de la Corniche de Marseille « La Voie est libre ». De plus, il prête volontiers son stand et son matériel à des cuisiniers en devenir à la fermeture du restaurant, le soir et les week-ends.
« J’estime avoir eu de la chance que cela fonctionne pour moi, et que d’autres cuisiniers bien plus talentueux méritent d’avoir un écrin pour pouvoir lancer leur concept », indique humblement le jeune entrepreneur. C’est une recette qui marche, puisque deux des cuisinières avec qui il a travaillé doivent ouvrir leur propre stand de restauration aux Docks Village à la fin du mois.
Informations pratiques
Goûts du monde
Les Docks Village, 22 Quai du Lazaret, 13002 Marseille
Ouvert du lundi au samedi, de 11h45 à 14h30