Un porte-conteneurs à voiles de 85 mètres de long s’élancera de Marseille en 2025 pour relier Madagascar. C’est le premier projet de la nouvelle compagnie maritime coopérative et décarbonée Windcoop.
Et si l’avenir de la marine marchande se trouvait dans son passé ? Si la voile devenait le moyen de propulsion le plus écologique et le plus économique des navires de transport ? Et si le port de Marseille redevenait cette forêt de mâts que l’on voit sur les photos d’archives ? C’est le pari de Windcoop, une nouvelle compagnie maritime coopérative et militante. En 2025, elle compte faire partir de Marseille la première cargaison de son futur porte-conteneurs à voiles, pour relier Madagascar.
Le pari est loin d’être fou. Certaines compagnies engagées pour le climat utilisent déjà le vent pour transporter les marchandises sur les océans. Comme les bretons de la société productrice de chocolat et de café Grain de Sail, et leur voilier cargo de 24 mètres. Il vient de boucler sa quatrième transatlantique en ramenant 40 tonnes de cacao de République dominicaine, après avoir déchargé sa cargaison de vin à New-York.
Le modèle d’approvisionnement de cette entreprise semble faire ses preuves puisqu’elle compte se doter d’un deuxième cargo à propulsion vélique d’ici à 2023, de 50 mètres cette fois-ci.
Le navire carbure au vent
Mais Windcoop veut mettre la barre encore plus haut avec son futur porte-conteneurs de 85 mètres dont la construction est prévue en 2023 pour 20 millions d’euros. La cime des mâts atteindra 62 mètres de hauteur. Grâce à 2 340 m² de voiles, il pourra transporter jusqu’à 100 conteneurs pour 1 400 tonnes de marchandises.
Avec une vitesse moyenne de 8 nœuds (15 km/h), les trajets risquent d’être trois fois plus lents que pour le transport maritime à moteur, plus proche des 25 nœuds (45 km/h). La coopérative annonce une différence de coût pour le transport de conteneur « quasi nulle à l’exploitation entre Windcoop et un porte-conteneur de taille équivalente ». La gratuité du vent, non indexé sur le cours pétrolier et ses fluctuations, explique en partie ce résultat.
Toutefois, la majorité du trafic mondial de marchandises s’effectue sur des cargos géants. Ils permettent une économie d’échelle réduisant le prix de moitié par rapport à la solution proposée par Windcoop.
La compagnie entend donc être attractive sur d’autres aspects. Comme la rapidité et la facilité de chargement et déchargement grâce aux grues embarquées de son navire. Mais surtout sur la question écologique : la propulsion vélique « permettra d’économiser jusqu’à 90 % en énergie fossile sur une ligne transatlantique », rappellent les fondateurs de Windcoop.
L’économie bleue passe au vert
Le transport maritime représente environ 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Quelques mastodontes de l’affrètement dominent ce secteur, parmi lesquels, CMA CGM. L’armateur marseillais a d’ailleurs entamé la transition de sa flotte vers le gaz naturel liquéfié (GNL), moins polluant. Mais le verdissement du transport maritime a encore du chemin à parcourir, alors qu’il est pressé par l’Organisation maritime internationale (OMI), qui contraindra à une baisse de 40 % de gaz à effet de serre en 2030.
« L’énergie du vent est la seule qui permet à court terme, de manière assez simple, de réduire les émissions », estime Nils Joyeux, président co-fondateur de Zéphyr & Borée. La compagnie est pionnière dans la conception et la gestion de cargos à voile innovants. Comme celui qui transportera bientôt la fusée Ariane de l’Europe vers la base de lancement guyanaise à Kourou. Elle fait partie des trois structures à l’origine de la coopérative Windcoop.
On trouve aussi Arcadie. Cette société commercialise des épices, plantes médicinales ou aromatiques et arômes, issus de l’agriculture biologique. « Nous rêvons depuis longtemps de transporter nos épices sur des voiliers plutôt que des porte-conteneurs propulsés au fioul lourd », explique son président, Matthieu Brunet.
Le changement de cap est aussi social
Mais au-delà de l’écologie, la question sociale du transport maritime lui semble tout aussi problématique. En cause, les conditions de travail à bord des bateaux. « Le système des pavillons de complaisance permet d’embaucher les marins selon le droit du travail du pays le moins exigeant en la matière », rappelle Matthieu Brunet. Des conditions qui « s’apparentent parfois à de l’esclavage moderne », selon lui.
« Notre certification Biopartenaire s’assure que tous les acteurs de la filière sont correctement payés, depuis le producteur jusqu’au distributeur ». Mais le transport reste une zone d’ombre : « L’opacité qui règne dans le milieu ne permet pas de choisir les “bons” bateaux au moment où nos marchandises sont prêtes à être expédiées ».
C’est pourquoi la compagnie maritime militante a opté pour le modèle coopératif. Il permet d’ajouter à la dimension écologique, « l’éthique sociale et l’éthique financière. Ça passe par la création d’une coopérative totalement transparente et financée par les citoyens », poursuit Nils Joyeux.
C’est là qu’intervient le troisième partenaire de l’aventure, le mouvement des Licoornes, dont l’objectif est de « donner le pouvoir aux citoyens pour transformer radicalement l’économie en construisant un modèle entièrement coopératif ». D’autant que son fondateur, Julien Noé, a également lancé Enercoop, spécialisé dans la production d’énergie verte et citoyenne.
Rendez-vous en 2025 à Marseille pour assister au départ du premier porte-conteneur à voiles de Windcoop vers Madagascar. La compagnie maritime innovante espère ouvrir de nouvelle lignes dans la foulée, avec l’Amérique centrale en ligne de mire.