Livres en langues étrangères, coworking, espace pour le « tea time », ateliers, expositions… La future Grande Librairie Internationale de Marseille devrait ouvrir ses portes dans le quartier de Belsunce en 2023. Découverte.
Il y a certaines histoires qu’il convient de débuter par « il était une fois ». Lorsqu’un rêve devient réalité, par exemple. Cette histoire-là s’écrit depuis quelques semaines déjà et va s’inscrire dans le temps, ouvrant alors un chapitre inédit dans la vie de quartier de Belsunce.
C’est au 3, rue Vincent Scotto, à quelques pas de la bibliothèque L’Alcazar, des snacks et des boutiques de vêtements, que la future Grande Librairie Internationale de Marseille, tel est son nom, va voir le jour. « Un projet formidable et enthousiasmant porté courageusement par une habitante du quartier de Belsunce », lançait avec entrain Rebecca Bernardi, adjointe au commerce, à l’occasion du dernier conseil municipal, en juin dernier.
Anne-Sophie Crespin vit, en effet, dans ce quartier du centre-ville de Marseille depuis une vingtaine d’années. Elle y a ses habitudes, ses endroits privilégiés, à cela près qu’il lui manquait un lieu fondamental. « Une librairie où je puisse trouver des livres en langues étrangères » confie cette franco-italienne.
Durant des générations, les amoureux des langues vivantes, comme Anne-Sophie, ont pu pousser la porte de la librairie Maurel, dans le 6e arrondissement. Cette institution marseillaise a disparu, emportée pendant la crise sanitaire, laissant place à « Provision » qui cultive désormais le corps et l’esprit, grâce à son concept de librairie-épicerie où les livres se conjuguent aux produits locaux.
« Comme à la maison »
De la plus insolite à la plus traditionnelle, de la généraliste à la très spécialisée… La cité phocéenne compte un certain nombre de librairies, mais aucune « Grande Librairie Internationale », telle qu’Anne-Sophie l’a toujours imaginé. Un lieu où l’on puisse savourer son cappuccino en lisant la presse italienne, lire le New York Times accompagné d’un Scone, discuter littérature ou art entouré de millier d’ouvrages, dans une ambiance chaleureuse et cosmopolite. « Un lieu ouvert », tout en étant « un cocon où l’on se sente comme à la maison ».
Alors lorsqu’elle tombe sur ce local imposant de 167 m2, aux rideaux fermés, avec la mention « local à louer, ensemble pour la dynamisation du commerce de proximité » apposée par la Ville de Marseille, elle y voit immédiatement « le lieu idéal. Je me suis dit tout de suite « il faut faire une librairie internationale ici, c’est ça que je veux faire » », nous confie l’entrepreneuse, partagée entre un sentiment « d’excitation, de passion et un peu de trouille quand même », sourit-elle. Car le projet est ambitieux.
Deux étages pour un voyage vers l’ailleurs
Anne-Sophie a fait appel au cabinet d’architecture d’intérieur Toba à Marseille pour concrétiser ce qu’elle avait en tête. Sur deux étages, le rez-de-chaussée sera aménagé avec des bibliothèques de grande hauteur pour les livres, un espace « librairie-détente » et un petit espace restauration.
Le sous-sol sera cosy. Là encore, de grandes étagères pour les livres, une zone dédiée aux enfants, un autre espace détente avec canapés, et une librairie-coworking. « Nous aurons de grandes tables pour pouvoir s’installer un peu partout et favoriser les discussions, et un coin amovible pour proposer des cafés et rencontres littéraires, et pour l’organisation d’ateliers hebdomadaires en langues étrangères », décrit Anne-Sophie.
Dans un jeu de lumières, plusieurs décorations feront leur apparition, afin de rendre chaque espace unique. Pas de mobilier standardisé. Les meubles seront chinés pour offrir à ce lieu un cachet particulier. Une terrasse bohème qui incite à la lecture et à la détente devrait également être installée à l’extérieur, côté rue des Récolettes.
Dénicher des pépites rares en langue étrangère
Chez elle, l’accent sera mis sur quatre langues pour démarrer : l’italien, l’anglais, l’espagnol et l’arabe. D’autres étofferont l’offre au fil du temps. La Grande Librairie Internationale fera la part belle à la littérature classique et contemporaine, à la jeunesse, aux livres éducatifs destinés aux tout-petits, aux BD et mangas… Une place importante sera consacrée aux romans-graphiques et à l’art, « avec une partie monographie-peinture, histoire de l’art… ça me tient à cœur, poursuit Anne-Sophie. Un travail sera aussi mené avec l’école d’art et l’école d’architecture pour identifier leurs besoins ».
Les futurs clients pourront découvrir une section dédiée au féminisme et une autre LGBT+. Anne-Sophie Crespin a d’ailleurs mené une étude sur les réseaux sociaux en adressant un questionnaire à 300 personnes anonymes pour répondre à la question suivante : quelle serait leur librairie internationale idéale ? « J’ai mis les trois possibilités de genres : monsieur, madame et non genré. Sur 300 personnes, 8 personnes se sont identifiées comme non genrées. C’est un grand pas en avant. Il y a une demande, et pour moi, il est important que ce lieu soit un cocon et que tous s’y sentent non jugés ».
Place aussi à une catégorie polars. « Tout le polar marseillais est très difficile à trouver en traduction. Il y a un peu d’Izzo, mais ça s’arrête là. Ça va être un des challenges, nous annonce Anne-Sophie. C’est aussi le cas dans la littérature classique. C’est compliqué à l’heure actuelle d’avoir des traductions de Pagnol, de Giono… L’idée est de pouvoir proposer, et notamment aux touristes, des ouvrages de la littérature classique française traduits et qu’on ne trouve pas ». Un travail de fouilles colossal pour dénicher les perles rares « qui vont faire la différence » auquel s’adonne déjà cette ancienne archéologue du Proche-Orient ancien.
Cupcakes, canellis siciliens… et melting-pot
La future libraire entend pousser son concept jusqu’au comptoir, en proposant du snacking et des pâtisseries de différents pays : cupcakes, cheesecake, Scons, canellis siciliens… viendront agrémenter la carte des gourmandises.
« L’idée est aussi de travailler avec des produits locaux, du bio, le circuit court, avec le minimum d’emballages possibles, d’avoir toute cette approche responsable », tout en créant des synergies avec les commerçants.
« Il y a beaucoup d’interactions à faire avec les acteurs du quartier », affirme Anne-Sophie, qui mettra régulièrement en avant, dans l’une de ses grandes vitrines, le travail d’un commerçant en associant des ouvrages en lien avec son activité. La première exposition sera d’ailleurs consacrée à celles et ceux qui rythment la vie de Belsunce au quotidien.
Ouverture prévue début 2023
« C’est un lieu ouvert sur son quartier et ses enjeux. Je le dis sans détour, l’audition de cette future commerçante fut un moment fort. Pétrie de convictions et d’envie, elle va occuper une place importance dans le quartier j’en suis certaine », affirme d’ailleurs Rebecca Bernardi. La Ville de Marseille a engagé un processus de revitalisation des commerces dans le centre-ville. « Ça été vraiment un échange coup de foudre avec les services de la Ville, parce qu’on s’est compris sur ce qu’on avait envie de faire du lieu », confirme Anne-Sophie.
Elle est, depuis quelques jours, libre de son précédent emploi dans une grande entreprise, dans laquelle elle s’est occupée de développement durable, de créer la fondation d’entreprise et un fonds de dotation, et dont elle s’est dernièrement chargée d’inclusion-insertion.
Désormais entièrement consacrée à son projet, elle devrait donner le coup d’envoi des travaux d’aménagement à l’automne. Anne-Sophie espère une ouverture au début de l’année 2023. Il faudra attendre encore quelques mois avant que la Grande Librairie Internationale de Marseille nous livre tous ses secrets.